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La première description de Fontainebleau

Marc H. Smith

Marc Hamilton Smith, "La première description de Fontainebleau", dans Revue de l’Art, année 1991, volume 91, numéro 91, p. 44-46.

Extrait de l’article

Félix Herbet, dans son histoire du château de Fontainebleau, constatait déjà, entre les documents nombreux qu’il avait rassemblés : imprimés, manuscrits, estampes et dessins, « de profonds désac­cords ». Le document que nous présentons ici n’échappera pas à cette règle.

Il s’agit d’une lettre adressée à Frédéric II Gonzague, duc de Mantoue, par son ambassadeur en France, Giovan Battista da Gambara. Elle est datée de Paris, du 28 décembre 1539. Gambara y décrit avec une quantité de détails appré­ciable les préparatifs que l’on fait alors dans la capitale pour recevoir Charles Quint. L’Empereur, on le sait, traverse la France afin de ga­gner les Pays-Bas, où les Gantois se sont révoltés contre son autorité ; il fera son entrée solennelle dans Paris le 1er janvier 1540.

Entre-temps, il est logé à Fontai­nebleau, du 24 au 30 décembre. Or, Gambara s’est rendu au château dans les jours précédents : il a vu le décor de fête qu’on achevait d’y installer pour honorer l’hôte du roi, et il a visité les appartements. C’est ce passage qui nous retiendra. Il est bref, mais les descriptions de Fon­tainebleau sont rares, à cette date où les travaux de la galerie François Ier s’achèvent seulement ; et ce texte-ci présente quelques caractères origi­naux, ainsi que quelques renseigne­ments nouveaux. Il ne sera donc pas inutile de mentionner brièvement à titre de comparaison quelques autres textes (dont certains inédits). Gam­bara étant italien, c’est à ses com­patriotes surtout que nous le confronterons pour mieux faire res­sortir ses mérites particuliers.

Le texte, d’un style plutôt né­gligé, est le suivant :

« J’ai vu Fontainebleau, où il ne m’a rien paru voir que je n’aie vu en plus beau à Mantoue. Quand on entre dans la grande cour, il y a à gauche une grande colonne, au sommet de laquelle se trouvent les trois Grâces avec des armes impéria­les, et au-dessus un chaudron de cuivre où l’on mettra de la poix pour faire un flambeau qui devrait durer deux ou trois jours ; et pour que la colonne ne brûle pas, on a mis au-dessous des pierres. Autour de la cour il y a des statues, un homme et une femme qui tiennent un flam­beau à la main. Au-dessus, où se trouvent des conduits, on a mis certaines guirlandes avec les armes de l’Empereur, avec certaine tapisse­rie tout autour, fausse, qui est très laide à voir ; et il en est partout ainsi, également ici à Paris.
Il y a ensuite une galerie, très longue mais trop étroite, et elle est peinte de peintures très laides. Il y a de nombreuses figures de stuc de la main du Bologne, très belles, et le plancher est de bois marqueté, très beau ; le plafond de bois sculpté, avec un peu d’or, qui peut aussi faire quelque effet. Elle (la galerie) est revêtue d’un lambris de bois sculpté aux devises et aux armes de Sa Majesté, très beau, fait de la main d’un maître Francesco da Carpo. La chambre de Sa Majesté, avec une autre petite salle où Sa Majesté mange, et la chambre de la reine et celle de monsieur le connétable : voilà tout ce qu’on trouve de beau à Fontainebleau. Sa Majesté Impé­riale loge dans le logement de Sa Majesté Très-Chrétienne, et celle-ci dans la chambre de monsieur le connétable. »

La première remarque qui s’im­pose est que le ton critique de ce document n’a d’équivalent dans aucune autre description de Fontai­nebleau.

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