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Les transformations de la Galerie dorée du comte de Toulouse

Arnaud Manas

Arnaud Manas, « Les transformations de la Galerie dorée du comte de Toulouse », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, Articles et études, 2017

Extrait de l’article

L’iconographie des boiseries réalisées par François-Antoine Vassé pour la Galerie dorée de l’hôtel de Toulouse est généralement résumée à la déclinaison ad libitum d’« allusion[s] aux deux charges de grand Amiral & de grand Veneur ». Cette analyse, d’abord exprimée par les contemporains, n’a depuis jamais été remise en question. Pons et Ludmann, dans leur article fondateur, notent que l’hôtel fut « placé sous le double thème de la Chasse et de la Marine, iconologie obsédante, inlassablement répétée par la décoration, reprise sans cesse par le mobilier » en soulignant la « volonté d’ostentation iconologique du comte ».

Cependant, l’analyse approfondie et l’histoire de ces décors permettent de nuancer ce jugement. En effet, les boiseries ne sont pas la simple transposition de recueils préexistants ou la répétition mécanique de thèmes convenus, mais une création originale avec une extrême variété des sujets choisis. Plus de quarante espèces de coquillages et de fleurs sont représentées avec un luxe de détail. Une douzaine d’animaux d’eau douce et terrestres différents ont été sculptés avec une précision anatomique. Or ces animaux n’ont qu’un lien limité avec les fonctions de grand veneur ou de grand amiral. En effet, parmi les douze espèces représentées d’animaux terrestres (lion, loup, cerf, canard, faisan, perdrix, sanglier, lièvre, chevreuil, castor, serpent, aigle), seules deux sont directement en rapport avec les fonctions de grand veneur : le cerf et le chevreuil. Parmi les dix autres, certaines étaient rattachées aux charges de grand fauconnier (aigle) ou de grand louvetier (loup, sanglier), d’autres n’étaient pas réputées chassées par l’aristocratie (castor ou loutre, serpent), ou encore ne faisaient pas l’objet d’une charge particulière. La présence du lion semble aussi incongrue. Les six autres animaux représentés (carpe, perche, brochet, anguille, écrevisse et tortue) n’ont guère de lien direct avec la marine dans la mesure où il s’agit d’espèces d’eau douce comestibles. Ensuite, la représentation des armes du comte de Toulouse est loin d’être ostentatoire et traduit au contraire une profonde ambiguïté quant à son rang. Si les projets initiaux laissaient bien apparaître une « affirmation obsédante » de son statut princier et de sa charge de grand amiral, la réalisation finale marque une véritable rupture en renvoyant les éléments héraldiques à l’arrière-plan. Enfin, la présence discrète mais répétée d’éléments originaires du continent américain dont des armes iroquoises et guyanaises ainsi que de symboles de guerre et de paix laissent entrevoir un niveau de signification plus subtil et un schéma narratif complexe.

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