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Le grand bassin en vermeil dit « des Gondi » au musée du Louvre : les pièges d’un poinçon parisien du XVIe siècle

Michèle Bimbenet-Privat

Michèle Bimbenet-Privat, "Le grand bassin en vermeil dit « des Gondi » au musée du Louvre : les pièges d’un poinçon parisien du XVIe siècle", dans Revue de l’Art, année 1995, volume 110, numéro 110, p. 33-41.

Extrait de l’article

L’étude de l’orfèvrerie française, notamment parisienne, de la période de la Renaissance est frei­née aujourd’hui par la destruction massive des œuvres, que les effets des modes successives, les ordonnances de Louis XIV et de Louis XV, enfin les décrets révolutionnaires ont inexorablement menées aux creusets de la Monnaie. Les lacunes françaises se mesurent à l’aune du très riche corpus conservé en Allemagne, en Angleterre et dans les anciens pays flamands. Le recours aux représenta­tions graphiques fournies par les dessins et es­tampes et aux très nombreuses descriptions d’archives conservées offre une certaine compen­sation à cette carence d’images ; il ne permet malheureusement pas d’appréhender parfaitement la variété des formes imaginées par les artistes et le luxe de l’orfèvrerie de la cour des rois Valois ; nous avons peine à concrétiser par une image précise le vocabulaire des hommes du XVIe siècle ; l’usage exact des objets reste difficile à définir ; enfin, faute d’un corpus de référence, leur place précise au sein de la production de l’époque reste problé­matique et leur évolution stylistique difficilement perçue. L’exemple des objets du trésor de l’ordre du Saint-Esprit conservés au musée du Louvre illustre bien ces interrogations : comment situer les formes simples et presque dépouillées des ai­guières, bassins et coupes commandées par Hen­ri III à quelques orfèvres parisiens vers 1581 ? Sont-elles l’expression d’une volonté de rigueur du roi, voire d’économie en un temps de crise ? Ou correspondent-elles à une évolution qui apparaî­trait presque comme un reniement de la débauche ornementale chère à l’art de Fontainebleau ? La question reste ouverte.

Parmi les œuvres les plus spectaculaires de l’or­fèvrerie parisienne du XVIe siècle, les grands bassins d’apparat tiennent une place de choix, et ce d’au­tant plus qu’ils sont très rares aujourd’hui. On connaît le bassin du Fitzwilliam Muséum de Cam­bridge (1559), celui du musée historique de Moscou, celui de l’ancienne collection Mor­gan, celui de l’ancienne collection Phillips. Le plus imposant est sans aucun doute le grand bassin en vermeil dit des Gondi entré en 1830 dans les collections du musée du Louvre et conser­vé au département des Objets d’art. C’est un grand bassin de dimensions impressionnantes (66 cm de diamètre), entièrement repoussé et ci­selé, de l’aile à l’ombilic, offrant le profil habituel des bassins d’apparat de la Renaissance, soit un décrochement sensible entre l’aile et le fond et, au contraire, un ombilic légèrement saillant à l’image des boucliers antiques. Le décor ciselé est réparti en trois registres concentriques corres­pondant aux trois zones du bassin et séparés par des frises de baguettes enroulées, de grands canaux ou de tresses : à l’aile, une frise de Victoires ados­sées à des trophées alternant avec des putti affron­tés armés de masses d’armes ; au fond, plusieurs scènes de batailles opposant des cavaliers armés de masses d’armes ; à l’ombilic, un personnage allégorique de Fleuve-roi reposant parmi des lys et des roseaux, avec en arrière-plan, la silhouette d’une cité fluviale.

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