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La « brutalisation » de la guerre. Des guerres d’Italie aux guerres de Religion

Jean-Louis Fournel

Jean-Louis Fournel, "La « brutalisation » de la guerre. Des guerres d’Italie aux guerres de Religion", dans Astérion, année 2004, numéro 2.

Extrait de l’article

Intervenir sur « Barbarisation et humanisation de la guerre » avec une contribution au débat portant sur ces guerres d’Italie qui se sont succédées quasiment sans interruption de 1494 à 1530, puis se sont poursuivies de façon plus sporadique de 1530 à 1559, en bouleversant l’équilibre des États dans la péninsule, suppose de considérer que ce moment historique aurait une pertinence particulière pour aborder cette question. Je me dois donc de m’attarder sur ce point en préambule.

À cet égard le premier constat que l’on peut faire est la coïncidence chronologique entre ce cycle de conflits et l’émergence dans la péninsule d’une nouvelle façon de penser et d’écrire l’histoire et la politique. Or, cette nouvelle façon de penser et d’écrire met justement au centre de la réflexion la question de la « guerre », dans la mesure où le conflit dont l’Italie est le théâtre constitue l’arrière-plan historique obligé (marquant par là les conditions de production et la forme de nécessité des textes sur lesquels nous reviendrons) mais aussi et surtout parce que la guerre et plus généralement l’exercice d’une violence politico-militaire exceptionnelle (« extraordinaire » pour reprendre une expression machiavélienne) représente souvent une des conditions de possibilité de l’argumentation, un de ses noyaux, une de ces composantes les plus essentielles. Bien évidemment, je me réfère d’abord aux grands noms des républicains florentins de la renaissance, de Savonarole à Guicciardini en passant par Machiavel ou Vettori – les principaux sermons du premier s’étalent de 1494 à 1498 (date de sa mort sur le bûcher) et sont suscités par la crise militaire ; les écrits majeurs de Machiavel sont rédigés entre 1513 – le Prince – et 1525 – les Histoires florentines – ; ceux de Francesco Guicciardini sont composés entre 1508 – ses propres Histoires florentines – et sa mort, en 1540, pour sa monumentale Histoire d’Italie en vingt « livres ». Mais à ces noms on pourrait ajouter une myriade d’autres témoins chroniqueurs ou historiens, que je serai amené à évoquer ici où là, des Vénitiens Marin Sanudo ou Girolamo Priuli à Paolo Giovio ou à Philippe de Commynes (une des seules sources françaises, avec Jean d’Auton et Charles VIII, auxquelles je me référerai).

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