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"Melon pervers". Attraits et périls de la bonne chère au siècle de Vatel

Frédéric Charbonneau

Frédéric Charbonneau, "Melon pervers". Attraits et périls de la bonne chère au siècle de Vatel, dans XVIIe siècle, n° 217, année 2002/4, p. 583-594.

Extrait de l’article

A l’honneur d’ouvrir cette Journée d’étude, nous sommes tenté de nous dérober en laissant la parole à plus grand que nous ; et malgré le thème – disons mieux : le menu – de cette aimable rencontre, celui que nous convoquerons d’abord sera, ne vous déplaise, non un gourmand illustre ni un poète crotté amateur de buvette, mais un saint : au chapitre septième de l’Introduction à la vie dévote, François de Sales présente à Philothée une image du péché, l’exemple d’un objet à la fois de désir, de crainte et d’interdit, et duquel l’homme charnel parvient mal à se détacher. Cet objet, c’est le melon :

"Il est beaucoup de pénitents qui sortent de l’état du péché, & qui n’en quittent pas pour cela l’affection ; je m’explique : ils se proposent de ne plus pécher ; mais c’est avec une certaine répugnance à se priver des plaisirs du péché. Leur cœur y renonce & s’en éloigne ; mais il leur échappe toujours de certains retours, qui les portent de ce côté-là ; à-peu-près comme il arriva à la femme de Loth, qui tourna la tête vers Sodome. Ils s’abstiennent du péché comme des malades font des melons ; vous le savez, ils n’en mangent pas, parce qu’ils craignent la mort dont le Médecin les menace ; mais ils s’inquiètent de cette abstinence, ils en parlent avec chagrin, & doutent de ce qu’ils ont à faire, du moins ils veulent en sentir souvent l’odeur ; & ils estiment heureux ceux qui en peuvent manger."

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