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Bienséance et sentiment chez Mme de La Fayette

Jean Fabre

Jean Fabre. Bienséance et sentiment chez Mme de La Fayette, Cahiers de l’AIEF, 1959, n° 1, p. 33-66.

Extrait de l’article

La seule excuse à la banalité probable de mon exposé réside dans son caractère de nécessité. Puisque l’objet de notre étude est « l’expression littéraire de la sensibilité au XVIIe siècle », Mme de Lafayette doit comparaître comme un témoin indispensable et privilégié. Pour une raison bien simple : son œuvre romanesque (et, particulièrement, son roman de la Princesse de Clèves), marque cette rencontre décisive que suppose le libellé de la question : la rencontre de la littérature et de la vie, l’accord de l’expression concertée et de l’expérience vécue.

Jusqu’à elle, dans l’histoire littéraire et morale du siècle, les deux séries avaient connu un développement analogue sans doute, mais non convergent. La littérature et la vie ne s’ignoraient pas : elles s’appelaient au contraire, s’inspiraient, se façonnaient mutuellement, mais elles restaient hétérogènes. En un siècle qui était et, bien davantage encore, se voulait aristocratique ou, comme on disait alors, honnête et poli, l’une et l’autre se cherchaient un idéal et un style dans une double exigence dont l’accord ne pouvait être que paradoxal : la primauté du sentiment, la souveraineté de la raison. Mais aussi bien la morale de l’honnêteté que la convention littéraire se contentaient, chacune à leur manière, de poser en principe cet accord, au lieu de le mettre en cause.

En confrontant d’une façon décisive l’être et le paraître, la prétention et la réalité des mœurs, il appartenait à la seule Mme de Lafayette d’en montrer le mensonge ou la vanité et, par là même, de révéler la fragilité d’une civilisation mondaine trop imbue d’elle-même et trop fière de son éclat.

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