Hauptseite / Aktuelles / Veranstaltungen / Calls for papers / 1er mai 2016, Louvain-la-Neuve : Le martyr (...)

1er mai 2016, Louvain-la-Neuve : Le martyr politique (XIe-XVIe siècle)

Nous souhaitons revisiter la notion de « martyr » médiéval à travers un prisme peu utilisé par les historiens de la période, celui de la cause politique, afin de nous affranchir de l’approche trop exclusivement ecclésiale proposée jusqu’ici.

La définition du « martyr politique » nous renvoie aux origines antiques. La capacité des autorités romaines à inscrire dans le corps de leurs ennemis de l’intérieur toute l’étendue de leur pouvoir et leur détermination à être obéies, alors que ceux-ci manifestent en retour leur aptitude à endurer les violences mortifères qui leur sont infligées, sans pour autant renoncer à leur choix de n’obéir qu’à une autorité divine, ignorée et combattue dans l’Empire, fonde la notion de martyr. Témoin de Dieu et de l’injustice des hommes, le martyr chrétien qui perd la vie au nom de la foi qu’il refuse d’abjurer n’en est pas moins, par essence, un martyr politique. Le caractère agonistique qui l’oppose aux autorités en place (religieuses, temporelles, quand elles ne sont pas confondues) et l’exemplarité de sa vie, emblématique de la cause à laquelle il adhère ou qu’il incarne, par opposition aux pratiques de ceux contre lesquels il s’inscrit en faux et qui le condamnent à mort, doivent retenir ici l’attention. Au même titre que ces modèles et l’entretien de leur mémoire par des cultes spécifiques, par le récit biographique et par leur élévation post mortem au rang de saints ont soudé les communautés chrétiennes, le Moyen Âge occidental connaît, en particulier dans le dernier tiers de la période, un déplacement de ces logiques martyriales vers des sphères laïques qui sont à la fois celles des autorités politiques, mais aussi des sujets et des fidèles qui participent de la fabrique de ces « martyrs politiques médiévaux ».

Oubliant l’utilisation politique du martyre chrétien, qu’il s’agisse de la manipulation de la mémoire de saints rois victimes de la foi qu’ils tentaient de faire triompher, par exemple, ou de la valorisation des violences infligées aux évangélisateurs rapprochés de martyrs des premiers siècles, c’est la piste des martyrs « hors la foi » que nous nous proposons d’explorer. Ceci n’exclut pas, néanmoins, la prise en compte de la spiritualité ou du rapport à la religion des martyrs en question : certains sont animés par une quête de réforme, la plupart se signalent par une piété ostensible. Il conviendra d’interroger, du reste, ce critère sans doute indispensable au succès du culte personnel : un martyr, même politique, peut-il échapper à cette exemplarité dévotionnelle ?

Pour ce faire, nous avons décidé de retenir prioritairement quelques critères sur lesquels se fonderont nos réflexions.

I/ La question des sources sur lesquelles repose la fabrique du martyr politique est fondamentale : libelles, pamphlets, traités, inscriptions, échanges épistolaires ; représentations figurées, récits littéraires et historiographiques ; biographies, monuments funéraires et mémoriels, sermons, voire, le cas échéant, récits de miracles. Les sources par essence définissent le type du martyr, ses fonctions, son temps. Selon leur genre, leur diffusion, leurs cibles, leur visibilité, nous serons amenés à réfléchir sur la publicité du martyr, son écho et sa durabilité : point d’ancrage identitaire, développement de cultes populaires ou de cérémonies mémorielles orchestrées par les autorités en place dans une volonté d’ériger le martyr politique en figure d’intérêt public, souvenir du sacrifice collectif incarné par un seul ; mais aussi tentatives avortées de constructions martyriales, oublis rapides ou renversement du souvenir. Ces échecs ou faillites de la propagande constituent un sujet intéressant en soi – quel concours de circonstances ou quel facteur d’impossibilité consubstantiel a causé l’effondrement de l’édifice (personnalités trop peu irréprochables ? concurrence entre plusieurs figures ? habile contre-attaque ?) ?

Un examen attentif du vocabulaire utilisé dans ces sources et servant à identifier, définir, valoriser le martyr politique s’impose.

II/ La réflexion se fixera sur la figure du martyr politique médiéval : dissident ou engagé au service d’une cause qui l’oppose aux autorités (ecclésiales comme temporelles) ou mis en avant par celles-ci, menacées ; agissant et souffrant dans un contexte de tensions politiques avérées dont découlent directement des violences considérées comme injustes par son parti et mis à mort dans des conditions anormales (lieu : exil, champ de bataille, captivité / violence : meurtre, combat, piège / temps : prématurée, calendrier symbolique) ; érigé en figure héroïque et vénérable par ses partisans au point d’être l’objet d’un culte, de récits identitaires voire légendaires, à la postérité plus ou moins importante.

Figures exemplaires de leur vivant, agissant ou non en conscience pour incarner un idéal précis, nous nous appliquerons à distinguer les martyrs dont le potentiel d’identification est valorisé immédiatement (communauté, nation, groupe fonctionnel, originel, idéologique, culturel), de ceux qui sont construits a posteriori, dans un intérêt distinct de celui ayant animé les combats de l’intéressé.

Il sera peut-être possible de ce fait de proposer une typologie des martyrs politiques pour les derniers siècles du Moyen Âge (XIIe-XVe siècle).

III/ La mort du martyr doit également faire sens dans nos investigations. La mise à mort et le spectacle qu’elle offre, le message qu’elle véhicule publiquement peuvent jouer un rôle majeur dans la définition du martyr politique. Mais d’un monde à l’autre la fonction du modèle change, les actes prennent une signification différente, les indices donnés ici-bas (en particulier dans des vies présentées comme exemplaires) sont révélés dans l’au-delà. Le souvenir du martyr politique pose la question ambiguë de ses fonctions : doit-il rester une figure exceptionnelle ou inciter à l’imitation ? L’intérêt se fixe-t-il sur le souvenir (de type vita) ou sur l’action à perpétuer ? Autrement dit, existe-t-il des processus distincts de pacification, de médiation ou au contraire de division et de mobilisation attachés à la valorisation de la mort et du souvenir du martyr politique ? Il s’agit bien là de penser aux éventuelles récupérations du martyr… et du martyre. Il n’est pas rare que le parti oppresseur intègre sa victime à son propre panthéon pour désamorcer la critique.

IV/ Enfin, une réflexion globale sur le temps du martyr politique doit également être menée : quels sont les contextes favorables à la fabrique de ces martyrs politiques ? Si les conflits de succession, les querelles et révoltes aristocratiques, les guerres civiles et entre maisons nous viennent immédiatement à l’esprit, qu’en est-il par exemple dans le cadre des dissidences politico-religieuses ? Existe-t-il des « martyrs politiques » dans les conflits de moindre envergure ?

Modalités de soumission
Les propositions doivent être soumises avant le 1er mai 2016.

Elles comprendront un titre explicite et un résumé de la communication projetée d’au moins 2000 caractères. Les organisateurs prendront notamment en compte l’économie de l’ouvrage qui prolongera la manifestation.

Le colloque aura lieu les 24 et 25 novembre 2016 à Louvain-la-Neuve.

Contacts :
Gilles Lecuppre
courriel : gilles [dot] lecuppre [at] uclouvain [dot] be
Maïté Billoré
courriel : maite [dot] billore [at] orange [dot] fr

Conseil scientifique :

Martin Aurell, Professeur à l’Université de Poitiers, CESCM – Centre d’Études Supérieures de Civilisation Médiévale
Paul Bertrand, Professeur à l’Université Catholique de Louvain, RSCS – Institut de recherche Religions, spiritualités, cultures, sociétés
Silvia Mostaccio, Professeure à l’Université Catholique de Louvain, IACCHOS – Institute for the Analysis of Change in Contemporary and Historical Societies
Laurence Moulinier, Professeure à l’Université de Lyon 2, CIHAM – Histoire, Archéologie, Littératures des mondes chrétiens et musulmans médiévaux