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2 mars 2020, Paris : Patrimoines militaires habités. Espaces intérieurs, mobilier et mémoire des lieux (XIVe-XXIe siècle)

Ce colloque international sous la direction scientifique d’Émilie d’Orgeix (EPHE, Histara 7347) et de Nicolas Meynen (U. Toulouse Jean-Jaurès, FRAMESPA/UMR5136 CNRS) est organisé en partenariat avec le Groupement d’Intérêt Scientifique « Patrimoines militaires : architectures, aménagements, techniques & sociétés » (GIS P2ATS) et le centre François-Georges Pariset (EA 538) de l’université Bordeaux Montaigne.

Il aura lieu à Paris, INHA, Salle Vasari, vendredi 26 et samedi 27 juin 2020

Argumentaire

À l’articulation de l’histoire de l’architecture, des Interior Studies et des études muséographiques, ce cinquième colloque international du programme « Patrimoine militaire » (2012-2024) vise à stimuler les réflexions méthodologiques sur la manière de penser et de concevoir des reconstitutions d’intérieurs historiques militaires qui soient attentives à la mémoire plurielle des lieux et des hommes qui les ont façonnés au fil du temps. Il se fonde sur deux constats. Le premier est qu’il est aujourd’hui essentiel d’infléchir l’écriture d’une histoire de l’architecture qui a longtemps considéré l’étude des aménagements intérieurs et leurs évolutions successives comme un registre secondaire, voire dissocié du projet architectural. L’histoire des espaces intérieurs, la mémoire des lieux et des objets qui les composent, par nature temporaires, fragiles et soumis aux changements d’usage, de technique, de mode et de goût, sont encore trop rarement pris en compte dans les études préalables à l’ouverture publique de sites et de monuments. Dans la grande majorité des cas, l’acquisition et la reconstitution d’intérieurs est le fruit de politiques d’achats de mobilier par substitution, afin de restituer des « états matrices » à défaut de pouvoir documenter, dans le temps long, la mémoire des lieux et des hommes qui les ont habités (Lacaze, Poulot). Le second constat est qu’il est fondamental de reprendre l’ensemble de ces questions à l’aune des paradigmes propres au patrimoine militaire : des espaces techniques collectifs, utilitaires, fonctionnels, à l’obsolescence parfois programmée, souvent dégradés, désaffectés, vidés, pillés ou même détruits (fig. 1. Hôpital militaire désaffecté de la Mercé, Gérone, 1930). Pourtant, en dépit du renouveau porté par le champ des Interior Studies, qui a largement renouvelé les approches muséographiques ces dernières décennies (Massey, Hollis), la question des intérieurs militaires reste toujours largement absente des débats. Ainsi, en 2016, sur la cinquantaine de réponses qu’a suscité l’appel à contributions du numéro de la revue In Situ consacré à la connaissance, à la protection, à la conservation et à la présentation au public des ensembles mobiliers, industriels et techniques, aucune ne portait sur le patrimoine militaire. Hormis quelques sites qui ont fait l’objet d’enquêtes archivistiques et archéologiques approfondies, telles ceux de Louisbourg (Nouvelle-Ecosse, Canada) ou de Suomenlinna (Helsinki, Finlande), l’ouverture au public s’accompagne rarement d’études préalables documentant tant la configuration des espaces meublés que les cadres et modes de vie des hommes qui y ont vécu. D’une manière générale, s’opposent aujourd’hui, de manière assez frontale, des reconstitutions muséales interprétatives épurées de toute quotidienneté à des bricolages foisonnants nourris par le florissant marché international des militaria.

En d’autres termes, ce colloque vise à concilier les approches et à réduire les écarts entre présentation isotope et générique d’espaces militaires meublés (modèles-types de casernes, gymnases, hôpitaux, casemates, corps-de-garde, bunkers…) et restitution de lieux et de cadres de vie temporellement et spatialement « situés ». Si ces problématiques croisent parfois celles d’autres typologies d’intérieurs (dont celles du patrimoine technique et industriel), elles en suscitent également de nouvelles. Les premières tiennent à la restitution de la technicité « phasée » de ces espaces. Comment rendre compte des aménagements successifs et des gestes performés dans ces « machines immobiles », pour reprendre le terme de Vauban, en l’absence de tout vestige d’armement, de matériel ou de mobilier ? Comment documenter et restituer l’acoustique et la disposition de cubatures aujourd’hui vides, la luminosité, les odeurs de poudre et les sons parfois assourdissants des casemates, tourelles de tirs ou blockhaus ? Les deuxièmes portent sur la restitution de la nature à la fois collective et individuelle d’espaces militaires où les hommes cohabitaient en permanence en grand nombre. Quel parti-pris et quel équilibre adopter pour évoquer l’« écologie » de milieux partagés tout en rendant compte de leur appropriation individuelle par les hommes qui y vivaient ? Dans quelle mesure et comment peut-on restituer la diversité des origines sociales, des habitus tout autant que la diversité des objets dans des reconstitutions souvent vidées des scories et des rebuts de la vie quotidienne des armées. Faut-il rendre peintures dégradées, graffitis, vitres brisées, mobilier le plus souvent produit en série et objets du quotidien modestes, cassés ou rafistolés, livres cornés, tentures trouées, tables écornées… ? Les troisièmes tiennent à la reconnaissance des acteurs qui ont aménagé ces espaces. Quels ont été les concepteurs des modèles, les inventeurs de solutions d’aménagements et d’objets militaires, et quelle est leur part d’inventivité et d’innovation ? Quelles sont les chaînes de fabrication et à quelles sphères professionnelles « extérieures » a-t-il fallu recourir ? Enfin, quel parti-pris adopter pour ne pas réduire artificiellement les multiples « vies » de ces espaces militaires à quelques uniques moments forts comme c’est souvent le cas ? Inversement, comment restituer et équilibrer la trame du temps long, les sédimentations successives des espaces, de leurs processus de réaffectation ou de leur délitement progressif ? Comment concilier « l’adaptation des espaces au discours et des discours aux espaces » (Giraudier) ? Et enfin, en corollaire, quels exemples retenir des récentes approches muséographiques, des scénographies foisonnantes inspirées des « cabinets de curiosités » ou du récent retour en force des « period rooms » (fig 2. Musée de l’artillerie, Genève, 1880).

Au-delà d’une simple démarche cumulative, sous la forme de successions d’études de cas, ce colloque international ambitionne de susciter des communications portant sur la structuration de méthodes et de modes opératoires d’investigation depuis l’enquête jusqu’à la réalisation d’outils de médiation. Les propositions de contribution privilégieront l’une des quatre grandes thématiques de recherche suivantes :
1/ Enquêtes documentaires croisées

La première session illustrera combien le croisement et l’élargissement des recherches archivistiques peuvent permettre de travailler sur des éléments de patrimoine matériel (agencement, mobilier, décor, objets, instruments…) et immatériel (mode, cadres de vie) aujourd’hui disparus. Les communications pourront ainsi illustrer l’apport de fonds documentaires, techniques, industriels, littéraires… propices à la restitution fine d’intérieurs militaires « situés » dans le temps et dans l’espace.
2/ Objets structurants

La seconde session valorisera les communications portant sur l’étude matérielle d’objets considérés comme « structurants » dans le cadre de la mise en valeur d’intérieurs. Il peut s’agir d’objets dont la conception, la forme, le design ou la matérialité révèlent des fonctions (sportives, thermales…), des gestes, une ergonomie, des pratiques propres à la sphère militaire (éclairages, objets portatifs, mobiles, en kit, démontables, avec fixation spéciales, matières ignifuges, hydrofuges, composées, nouvelles…) tels les mobiliers de ou de marine. Les présentations illustreront comment ces objets peuvent servir de socle discursif et permettent de construire un discours de médiation dans la mise en valeur d’un espace intérieur dont le contenu a disparu.
3/ Inventions et procédés

La troisième session sera consacrée à l’approfondissement de profils professionnels, (ingénieurs, inventeurs, fabricants, artisans, industriels…) à l’origine de créations d’intérieurs ou de mobilier militaires. Elle valorisera les communications illustrant la mise en place de nouveaux modèles et brevets déposés, leurs modes opératoires de fabrication. Celles qui portent sur les caractéristiques fonctionnelles et rationnelles, le design des objets conçus, l’économie de moyens recherchée. Elle portera également sur les transferts potentiels dans la sphère civile (coffres, malles, vaisselle, lampes, matériel pliant de camping…) et inversement (fig.3. Campement de Moascar, Égypte, 1914).
4/ Dispositifs muséographiques

Enfin, la dernière session visera à rendre compte d’expériences ou de dispositifs muséographiques récents de restitution ou d’évocation d’intérieurs militaires ouverts au public. Les expériences seront révélatrices de choix et de principes susceptibles de définir un ensemble de bonnes pratiques dans ce domaine. Les communications valoriseront une approche critique et analytique des réalisations.

Conditions de soumission

Les propositions de communication (résumé de 1 500 signes précisant le titre de la communication, l’argumentation et les sources mobilisées), accompagnées d’un court curriculum vitae (notice de 500 signes précisant le nom sous lequel l’intervenant souhaite être cité, un contact téléphonique, un courriel, son affiliation institutionnelle et son laboratoire de rattachement le cas échéant), sont à adresser au plus tard le 2 mars 2020 conjointement aux deux adresses suivantes : emilie.dorgeix chez ephe.psl.eu et nicolas.meynen chez univ-tlse2.fr

Comité scientifique

Jean-Yves Besselièvre, Directeur du Musée de la Marine, Brest
Emilie d’Orgeix, Pr. EPHE, Paris
Marc Grignon, professeur titulaire en histoire de l’architecture, département d’histoire, université Laval, Québec, Canada
Nicolas Meynen, MCF, Université Toulouse – Jean-Jaurès
Gilles Ragot, Pr. Bordeaux-Montaigne
Alicia Camara Muñoz, professeur titulaire de la chaire histoire de l’architecture, département d’histoire de l’art, université UNED, Madrid, Espagne
Stephen Spiteri, superintendant des fortifications maltaises et Pr. Université de La Valette, Malte
Marino Vigano, professeur, université catholique de Milan, Italie
Isabelle Warmoes, adjointe au directeur du Musée des plans-reliefs, Paris

A propos du programme Patrimoine militaire (2012-2024) / Gis Patrimoines militaires (P2ATS)

Le programme de recherche « Patrimoine militaire », initié en 2012 entre les universités Toulouse – Jean Jaurès (Nicolas Meynen) et Bordeaux Montaigne (Émilie d’Orgeix) et le Gis « Patrimoines militaires » porté depuis 2019 par l’École Pratique des Hautes Études (EA Histara) invitent à opérer un renouvellement des problématiques liées au patrimoine militaire en croisant pratiques historiennes, architecturales et patrimoniales. Ces colloques conçus sous la forme de rencontres biennales publiées dans une collection dédiée aux Presses Universitaires du Midi engagent à l’étude de l’architecture militaire, non pas envisagée comme une sédimentation d’isolats et d’expériences « micro-territoriales », mais selon une double approche topographique et typologique. Ce parti pris permet d’éclairer les articulations fécondes qui unissent terrain, formes architecturales et matérialité de manière diachronique tout en couvrant des territoires larges, rarement connectés.
Orientations bibliographiques

Ariès Philippe et Duby Georges (dir.), Histoire de la vie privée, 5 vols, Paris, Seuil, 1985-87.

Bernasconi Gianenrico, « L’objet portatif : matérialité et usages », La grande chevauchée. Faire de l’histoire avec Daniel Roche (V. Milliot, P. Minard, M. Porret dir.), Genève, Droz, 2011, p. 165-180.

Bernasconi Gianenrico, Objets portatifs au Siècle des lumière, Paris, CTHS, 2015.

Certeau Michel (de), L’Invention du quotidien, Arts de faire, Paris, Gallimard, t. 1, 1990.

Costa Sandra, Poulot Dominique et Volait Mercedes (ed.), The Period Rooms. Allestimenti storici tra arte, collezionismo e museologia, Bologne, Bolonia University Press, 2016.

Giraudier Vincent, « Muséographie et mémoire des conflits, l’exemple du musée de l’Armée », Transmettre, n°13, Paris, La Documentation française, p. 51-53.

Hollis Edward, “The house of life and the memory palace. Some thoughts on the historiography of interiors”, Interiors, n°1, 2010, p. 105-117.

Janssen Elsje (dir.), Multidisciplinary conservation: a holistic view for historic interiors, Rome, International Council of Museums, Committee for Conservation (ICOM-CC), 2010.

Kagan Judith, Séréna-Allier Dominique et Tricaud Anne, « Ensembles mobiliers, industriels, techniques. Connaissance, protection, conservation, présentation au public », In Situ, 29 | 2016 [http://journals.openedition.org/insitu/13500]

Lacaze Julien, » Le démantèlement des grandes demeures : de La Roche-Guyon à Dampierre (1987-2013) », La Tribune de l’Art, lundi 29 avril 2013. [https://www.latribunedelart.com/le-demantelement-des-grandes-demeures-de-la-roche-guyon-a-dampierre-1987-2013#nh20]

Massey Anne, “Interior design, history and development”, Encyclopaedia of Interior Design (J. Banham, dir.), London Routledge, p. 609-612.

Ortíz Sánchez Maai Enai, « Museos militares: dispositivos exhibitorios y el borramiento de la memoria de la lucha social en México », ICOFOM Study Series, n°46, 2018, p. 167-192.

Poulot Dominique, « Musées et guerres de mémoire : pédagogie et frustration mémorielle », Les guerres de mémoires. La France et son histoire (P. Blanchard et I. Veyrat-Masson, dir.), Paris, La Découverte, 2008, p. 230-240.

Poulot Dominique, « Une approche historique des musées d’histoire », Musées de guerre et mémoriaux. Politiques de la mémoire (J-Y Boursier, dir.), Paris, éd. de la MSH, 2005, p. 17-34.

Poulot Dominique, « Conservation et mémoire d’une bataille : quelques réflexions », Waterloo. Monuments et représentations de mémoires européennes (1792-2001), Louvain-la-Neuve, Université de Louvain-la-Neuve, 2003, p. 13-27

Rice Charles, The emergence of the interior. Architecture, modernity, domesticity. London, Routledge, 2007.

Smyth Gerry, Croft Jo, Our house. The representation of domestic space in modern culture. Amsterdam, Rodopi, 2006.

Savoye Céline, Du militaire au civil », CR de l’exposition tenue à la Biennale internationale du Design de Saint-Etienne, 2002 [https://next.liberation.fr/guide/2002/11/15/design-le-genie-militaire_421762]

Teyssot Georges, « Fantasmagories du mobilier », Walter Benjamin, Les maisons oniriques, Paris, Hermann, série Philosophie, 2013, chap. II, p. 53-111.

Thomson Helen Bieri, « Entre restitution et évocation : les nouvelles salles historiques du château de Prangins », Art et Architecture en Suisse, 2013, no 1, p. 14-21.