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14-16 juin 2016, Amiens : L’État en scènes. Théâtres, opéras, salles de spectacles du XVIe au XIXe s. : aspects historiques, politiques et juridiques

Le Pouvoir entretient une relation particulière avec le monde des spectacles. Souvent, les princes se sont mis en scène au travers de protocoles minutieux réglant et rythmant leur existence quotidienne et la vie officielle de leurs cours. Parfois, ils ont eux-mêmes été les acteurs de spectacles dans lesquels ils ont joué des rôles taillés sur mesure. Louis XIV, passionné de danse, a exprimé cet art spectaculaire de la scénographie royale, qu’il a cultivé tout au long de son règne et jusqu’à sa mort, dernier acte d’une vie de représentation dont il a orchestré les moindres détails. Louis XV, plus discret et plus réservé, n’apprécie guère cette vie de représentation mais il aime la comédie, les ballets et l’opéra. À Versailles, on lui doit la construction en 1770 de l’opéra royal pour servir de cadre au spectacle du mariage de l’héritier du Trône avec Marie-Antoinette d’Autriche. La jeune dauphine, devenue reine, fréquente assidûment l’opéra de Paris avant de donner aux spectacles royaux une autre dimension, plus intime et plus privée, à l’image d’une royauté fatiguée par une étiquette pesante, trop rigide et inadaptée au siècle des Lumières. À l’abri de son petit théâtre de Trianon, la reine se fait comédienne et joue pour et avec quelques courtisans triés sur le volet. Louis XVI, pourtant, a voulu respecter la pompe royale en donnant le dernier grand spectacle de la monarchie à l’occasion des États-Généraux, réunis avec un faste éblouissant dans le cadre suranné de la salle des Menus-Plaisirs, aménagée pour la circonstance. Quel curieux hasard que de voir la royauté jeter ses derniers feux à l’endroit même où elle rangeait les précieux décors de ses spectacles de cour !

Mais les spectacles ne se jouent pas seulement dans les résidences royales. Dès le XVIe siècle, les princes comprennent l’utilité politique des spectacles et des pièces de théâtre, qui peuvent servir à montrer leur puissance et à assurer leur propagande. Ils en mesurent l’utilité pédagogique, pour l’éducation des jeunes gens et la transmission de certaines valeurs morales ou civiques. Ils saisissent l’utilité sociale de ces divertissements, très appréciés et recherchés au sein des couches les plus aisées de la population. Les troupes de comédiens se multiplient alors. D’abord itinérantes, elles ont tendance à se fixer au XVIIe siècle dans les grandes villes, où elles trouvent la protection du souverain, de son représentant ou d’un puissant personnage qui les favorise, les subventionne et les entretient. Dès lors, les pouvoirs publics incitent à la construction de salles permanentes destinées à les accueillir, à recevoir un public plus nombreux et à satisfaire une demande toujours plus forte. C’est aussi un moyen de contrôler des saltimbanques dont la liberté de ton, parfois, fait trembler le pouvoir. À Paris, l’institution de la Comédie-Française par Louis XIV témoigne de cette volonté d’encadrer le monde des comédiens. L’impulsion est alors donnée et, au XVIIIe siècle, les théâtres publics fleurissent partout, encouragés par le gouvernement royal et les autorités municipales. Les grandes cités du royaume voudront leur salle de spectacle, considérée comme un signe visible de leur puissance politique, de leur vitalité économique et de leur attrait culturel. Les théâtres sont insérés dans des programmes architecturaux ambitieux, destinés à embellir les villes, à les faire entrer dans la modernité et à montrer leur fidélité au régime. Ce processus culturel s’adapte-t-il aux régimes qui se succèdent à partir de la Révolution ? L’Empire, voire la République, craignent-ils ou encouragent-ils les spectacles ?

La construction de ces salles, leur mode de financement, leurs règles de fonctionnement, leur économie, leur utilisation au plan politique concernent aussi bien le royaume de France que la plupart des États d’Europe et soulèvent une multitude de questions :

La construction des salles de spectacles déroge-t-elle aux règles communément observées dans le domaine des travaux publics ? Le pouvoir a-t-il suscité et encouragé une politique de construction à l’échelle du pays ? Les théâtres ont-ils été insérés dans des programmes d’embellissement officiels au même titre que les places? Le gouvernement a-t-il incité les grandes villes de l’Etat à édifier des salles publiques ? Quel a été le rôle des gouverneurs, des intendants, puis de préfets dans ce domaine ? Comment cette politique, si elle existe, a-t-elle été financée ?

Comment fonctionnent les salles de spectacle ? Sont-elles dotées de règlements de police particuliers ? Quelle est la technique juridique utilisée pour leur exploitation ? Qui les dirige ? Comment sont-elles financées ? Sont-elles subventionnées par le pouvoir central ou par les autorités municipales ? Ce dernier intervient-il dans leur administration intérieure ? Quel est le statut des employés et des comédiens ? L’État intervient-il dans le fonctionnement des salles privées ? Cherche-t-il à les contrôler ? Comment les surveille-t-il ? La nature du régime politique influence-t-il le contenu des divertissements ?

Les salles participent-elles de la propagande ? Comment s’y exerce la censure royale ? Le gouvernement intervient-il dans le choix des spectacles ? Quelles sont les représentations données dans les résidences du pouvoir ? Existe-t-il une programmation privée pour les souverains, distincte de la programmation officielle ? Les spectacles donnés pour le roi, l’empereur ou le président sont-ils diffusés en province ? Par quel canal ? Quel est le pouvoir d’intervention des autorités de police dans ce domaine ? Qui fréquente les salles ? Sont-elles seulement réservées aux élites ?

Quel a été le rôle des salles de spectacles dans le processus révolutionnaire ? Quelle a été la programmation dans les dernières années de l’Ancien Régime et des régimes successifs au XIXe siècle ? Les idées des Lumières y transparaissent-elles ? Quelle a été l’influence des pièces écrites à l’étranger ? Quelle a été l’attitude du pouvoir à l’égard des salles de spectacles ? La proclamation de la liberté d’expression a-t-elle modifié les programmations ? La montée des oppositions au pouvoir de l’État y est-elle perceptible ?

Les organisateurs du colloque souhaitent que ces différentes questions soient abordées non seulement sous un angle comparatiste, les exemples offerts par les États européens étant les bienvenus, mais aussi sous un angle interdisciplinaire, afin de confronter la vision des juristes, des historiens du droit, des historiens de l’art, des historiens des lettres, des politistes, des sociologues, etc.

Lieu : Université de Picardie-Jules Verne, Amiens, Logis du roi
Date du colloque : 14-16 juin 2017

Comité scientifique :
Christian Biet, Professeur des arts du spectacle, Université de Paris-Ouest-Nanterre-La-Défense
Robert Carvais, Directeur de recherche, CNRS, Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
Cédric Glineur, Professeur d’histoire du droit, Université de Picardie
Jean-Louis Halpérin, Professeur d’histoire du droit, École normale supérieure
Jean-Louis Harouel, Professeur d’histoire du droit, Université de Paris-II
Virginie Lemonnier-Lesage, Professeur d’histoire du droit, Université de Dijon
Hervé Leuwers, Professeur d’histoire moderne, Université de Lille-III
Anthony Mergey, Professeur d’histoire du droit, Université de Panthéon-Assas
François Ost, Professeur de droit, Université de Saint-Louis, Bruxelles
Daniel Rabreau, Professeur émérite d’histoire de l’art, Université Panthéon Sorbonne
Norbert Rouland, Professeur de droit, Université Paul Cézanne d’Aix-en Provence
Sophie Sedillot, Maître de Conférences d’histoire du droit, Université de Picardie
Philippe Sénéchal, Professeur d’histoire de l’art, Université de Picardie
Mathieu da Vinha, Directeur scientifique du Centre de recherches du Château de Versailles

Comité d’organisation :
Robert Carvais, Directeur de recherche, CNRS, Centre de théorie et analyse du droit, Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
Cédric Glineur, Professeur d’histoire du droit, Université de Picardie
Sophie Sedillot, Maître de Conférences d’histoire du droit, Université de Picardie