Hauptseite / Kunst und Kultur / Literatur, Philosophie, Rhetorik / Moderne Studien > « Bon et mauvais langage : la parole multipliée

« Bon et mauvais langage : la parole multipliée chez Christine de Pizan »

Liliane Dulac

Dulac, Liliane, « Bon et mauvais langage : la parole multipliée chez Christine de Pizan », Cahiers de recherches médiévales [En ligne], 6 | 1999

Extrait de l’article

D’un bout à l’autre de l’œuvre de Christine de Pizan court un thème très divers dans sa forme et sa portée, mais toujours aisément identifiable : celui de la parole qui vole de bouche en bouche, s’amplifiant à mesure qu’elle se propage, non sans entraîner les plus grandes conséquences. Le plus souvent dangereuse, elle est, avant de devenir collective et anonyme, l’arme des médisants qui perdent les amants imprudents, des serviteurs qui diffament leurs maîtres, des séditieux qui soulèvent le peuple, et de bien d’autres acteurs d’une dramaturgie verbale qui semble parfois se confondre avec la vie sociale, notamment dans les cours. Mais il existe également une parole bénéfique, qui tout aussi capable de se propager et de se fortifier, résume en elle les plus hautes valeurs morales ; cette bonne renommée, comme le « mauvais langage », peut elle aussi être une arme, au moins défensive, et un instrument politique.
Dans ses différentes variantes, le thème est caractérisé par d’assez visibles constantes, qui tiennent au lexique, aux images et à certains schémas narratifs. Car cette parole qui ne naît que pour s’étendre ne se conçoit qu’en mouvement, ou plutôt en action : elle n’est jamais sans effets. Dans l’œuvre de Christine, elle est évoquée sur deux registres principaux, apparemment éloignés, au moins au départ : celui de la poésie amoureuse issue de la tradition courtoise, où le topos des « losengiers » est des plus rebattus ; et d’autre part, comme objet d’une réflexion morale, puis politique, très concrètement fondée sur l’analyse de certaines réalités contemporaines. Entre ces deux registres, on n’observe pas de séparation absolue, mais plutôt de l’un à l’autre, certains glissements, et surtout un enrichissement considérable. C’est précisément cette métamorphose et cette extension remarquable du champ thématique qui nous paraissent mériter examen : pratiquer à cet endroit une sorte de coupe diachronique ne devrait manquer pas d’apporter quelques lumières sur la dynamique qui emporte l’œuvre, à mesure que croissent ses ambitions.

Lire la suite (revues.org)