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Richelieu et le système européen de sécurité collective. La bibliothèque du Cardinal comme centre intellectuel d’une nouvelle politique

Jörg Wollenberg

Wollenberg J., Richelieu et le système européen de sécurité collective. La bibliothèque du Cardinal comme centre
intellectuel d’une nouvelle ¬politique, Dix-septième siècle 2001/1, N° 210, p. 99-112.

Extrait de l’article

Peu avant de recevoir du roi une réponse à son dernier grand « Avis » concernant
la paix en Europe, Richelieu avait assisté, le 18 novembre 1642, dans la salle de
théâtre du Palais-Cardinal, à la répétition générale d’une comédie héroïque en cinq
actes, qui portait le titre, étonnamment moderne pour l’époque, d’Europe. L’allégorie
politique développée dans cette pièce doit servir à la défense de la politique
étrangère française. La littérature est mise au service de la lutte contre l’hégémonie
des Habsbourg. L’art dramatique doit aider à montrer que le roi de France est le
« défenseur des libertés européennes et le précurseur d’une première forme d’unité
européenne ». En conséquence, le ton de cette pièce de propagande est agressif : la
princesse « Europe » souhaite à tout prix l’établissement de la paix et reproche violemment
à Ibère (l’Espagne) son orgueil et ses prétentions à la conquérir. Europe exprime au contraire son admiration pour Francion (la France). Ce dernier prend en
tout point le contre-pied d’Ibère, et s’il désire lui aussi obtenir les faveurs d’Europe,
c’est parce que, dit-il, il lui ramène la paix [...].

C’est Richelieu qui posa les fondements d’une nouvelle politique catholique dans
ses traités théologiques en s’appuyant sur l’argumentation des théologiens, aussi
bien que de juristes tels que Pierre Pithou et Guy Cocquille, et en les faisant compléter
par les travaux de Dupuy, Godefroy, Hersent, Le Bret, Silhon, Marca, Sirmond
et autres. En quelque sorte Richelieu formait un nouveau parti en 1630, favorable à
la limitation de la politique de force, qui à l’extérieur semblait être un « arbitre de la
Chrétienté » et viser à un ordre de paix européen dans la tradition du « grand dessein » d’Henri IV. À l’intérieur il s’agissait d’affirmer la réputation du roi qu’on présentait
comme le meilleur et le plus chrétien des maîtres, qui à l’extérieur avait à sauvegarder
la « position extraordinaire » de la France. Dans la monarchie absolue
française, la « Monarchie royale » de Jean Bodin prenait une forme concrète. Le
catholicisme national de type français et gallican se développait comme religion
d’État de la France. Ceci était surtout dû à Richelieu.

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