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Traits incisifs de plume et de marbre

Geneviève Bresc-Bautier

Bresc-Bautier, Geneviève. Traits incisifs de plume et de marbre, Cahiers Saint-Simon, n° 31, 2003. Iconographie, Versaillaise des Mémoires, p. 66-88.

Extrait de l’article

Il n’est pas facile de mettre en parallèle les portraits de Saint-Simon, virulents, incisifs, pleins de parti pris, de rancœur et d’ironie, mais aussi de pittoresque, avec les bustes ou les portraits funéraires des mêmes personnages, exécutés par des sculpteurs bien sages, très officiels, en général sculpteurs du roi. Les personnages sont les mêmes, mais les auteurs des portraits évoluent dans un monde différent. Le duc règle ses comptes ou encense ses amis. Même si ses papiers vont aboutir dans le secret des affaires diplomatiques, il s’inscrit dans la continuité des mémorialistes de son temps, et a conscience de faire une œuvre littéraire personnelle, où le bon mot ou la flèche, habilement décochée, sont destinés à faire mouche et à susciter l’admiration des beaux esprits dans les salons. Il s’est fait une idée sur chaque personnage cité, accumulant sans doute les fiches, puis les ressortant à chaque occurrence. Quand il a trouvé une expression percutante sur un personnage, il la répète chaque fois qu’il le décrit, avec délectation, que ce soit dans ses annotations au journal de Dangeau que dans les mentions successives, échelonnées dans les Mémoires. C’est un homme libre, à peine limité — et encore ! — par son respect du pouvoir royal, qui ne craint pas de s’attirer les inimitiés, qui les recherche peut-être comme un duel ou une excitante bataille.

Les sculpteurs sont des gagne-petit, «de la lie du peuple » aurait dit Saint-Simon. Ils sont stipendiés pour donner une belle image, bien ressemblante, c’est-à-dire où les traits sont reconnaissables et sont conformes à un idéal social exigé par un commanditaire. Leur clientèle est privée, mais leur sculpture est destinée à se manifester de façon publique, sur le tombeau, ou dans l’hôtel de la famille. Leur carrière et leur fortune en dépendent. Certes, les sculpteurs dont nous avons rassemblé les œuvres ne sont pas des inconnus : Antoine Coyzevox, François Girardon, Martin Desjardins, Jean-Louis Lemoyne, Simon Mazière, Mazeline et Hurtrelle, René Frémin. Ils sont tous sculpteurs du roi, membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture, souvent logés au palais du Louvre. Bien entendu, aucun d’entre eux n’apparaît dans les Mémoires. Quand on sait le peu de cas que fait Saint-Simon des littérateurs (Racine oublié...), des architectes (Hardouin-Mansart et Robert de Cotte traînés dans la boue), des artistes, les sculpteurs ne sont que du menu fretin, complètement ignorés par le mémorialiste. Leurs œuvres sont tout autant négligées.

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