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Mort et résurrection du jubé de la cathédrale d’Amiens

Françoise Baron

Françoise Baron, "Mort et résurrection du jubé de la cathédrale d’Amiens", dans Revue de l’Art, 1990, n° 1, p. 29-41.

Extrait de l’article

Les chanoines d’Amiens mirent quelque temps à rallier le clan des « brise-jubés ». Et Jean-Baptiste Pages, érudit marchand mercier et historien de la cité, en tire satisfaction. Il connaît l’ardent plaidoyer écrit, en 1665, par l’abbé Jean-Baptiste Thiers. Il approuve la sévérité du jugement porté à l’encontre de ceux que cet auteur nommait aussi les « ambonoclas-tes ». Et, dans sa description de la cathédrale, datée de 1709, il prend soin de préciser : « Nos Messieurs n’ont point à craindre d’encourir de tels reproches. Car le jubé de leur auguste temple subsiste toujours dans le mesme estât auquel il a été construit ».
A cette date, il n’y a déjà plus de jubés à Strasbourg et à Paris. A Amiens même, les églises des Jacobins et des Cordeliers, Saint-Jean, Saint-Martin-au-Bourg, Saint-Michel et Saint-Nicolas ont perdu leur clôture. A Saint-Leu, on s’est contenté de déplacer l’ensemble, pour le transférer au-dessus du portail (...)

Portique d’accès au chœur, où siège le Chapitre, le jubé constitue le point fort des cérémonies. C’est devant sa porte que Charles VI épousa Isabeau de Bavière, le 17 juillet 1385. Lors des Te Deum, il sert de tribune aux choristes, auxquels répondent l’orgue et les instrumentistes. En 1697, après la paix de Ryswick, la partie instrumentale fut tenue par les tambours des gardes Suisses, installés dans le triforium. En 1712, puis en 1715, lors des services funèbres du Dauphin et de la Dauphine, ou de Louis XIV, on y plaça des lés de tissus noir ornés d’écus armoriés.

On se garde donc de négliger l’entretien et l’embellissement d’un tel monument. Pour évi­ter qu’on y entre trop facilement, les chanoines y avaient fait placer, en 1627, deux portes. En 1612-1613, il est remis en polychromie, par les soins de deux peintres doreurs, Pierre Marconniers et Pierre de Paris, grâce aux dons faits par les exécuteurs testamentaires de Claude Gellée, en son vivant greffier du Chapitre, et par les héritiers de maître Adrien de Vérité, chanoine de la cathédrale, qui avait été représenté en peinture, aux deux côtés du jubé. Le Chapitre ajoutera, pour sa part, une somme de vingt livres, à l’achèvement du travail, le 12 avril 1613 12. En 1707, encore, maître Nicolas Choquet, marchand et bourgeois de la ville, fait redorer l’ensemble, à ses frais.

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