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La poudre de Madame : la trajectoire de la guérison magnétique des blessures en France

Carlos Ziller-Camenietzki

Carlos Ziller-Camenietzki, "La poudre de Madame : la trajectoire de la guérison magnétique des blessures en France", dans Dix-septième siècle, année 2001, volume 2001-2, numéro 211, p. 285-305.

Extrait de l’article

Dans une lettre du 28 janvier 1685 adressée à Mme de Grignan, sa correspondante, Mme de Sévigné faisait état d’un médicament extraordinaire capable de guérir des plaies. (...)

Madame mentionne cette poudre merveilleuse en d’autres endroits de sa volumineuse correspondance. Selon ses dires, elle et son fils l’auraient utilisée à plusieurs reprises pour calmer leurs maux. On rencontre d’ailleurs dans la culture du XVIIe siècle d’autres traces remarquables de l’emploi de ce médicament et de l’intérêt qu’il suscita. Pierre Corneille, par exemple, n’hésita pas à faire entrer ce prodige dans son théâtre.
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Cette poudre extraordinaire tient sa place dans les préoccupations et le débat d’idées du XVIIe siècle en Europe et particulièrement en France. Le médicament qui soulageait Mme de Sévigné et, bien sûr, les polémiques auxquelles il donna lieu révèlent certaines tensions intellectuelles de l’époque et les efforts des savants pour comprendre et expliquer le monde. En fait, la poudre forme un chapitre important au sein des théories de la guérison par sympathie qui passionnaient médecins et philosophes depuis la fin du XVIe siècle.
Le médicament dont se servait Mme de Sévigné était un descendant direct des théories des alchimistes de la Renaissance. Les querelles sur la poudre sympathique ont effectivement repris presque tous les thèmes soulevés par un médicament de Paracelse : l’onguent d’armes. Les principales caractéristiques, les théories explicatives des deux préparés sont en tout point semblables.
Le grand alchimiste avait fait connaître un médicament, un onguent capable de guérir des blessures par son application sur l’arme qui en était la cause. L’onguent d’armes, comme il fut connu et débattu dans le milieu des savants, était composé d’un mélange de substances dont les principales étaient la mummia – la chair ou le sang humain triturés – et la usnea – les champignons et autres matières qui apparaissent sur le crâne des cadavres après quelques jours d’exposition. La composition exacte de cet onguent n’était pas arrêtée ; plusieurs auteurs indiquent d’autres éléments (graisse humaine, graisse d’ours, foie de sanglier, etc.) et d’autres façons de procéder.

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