Accueil / Art et culture / Littérature, philosophie, rhétorique / Etudes modernes > La Poésie et la Peinture : les douze fables (...)

La Poésie et la Peinture : les douze fables de fleuves ou fontaines de Pontus de Tyard

Jean Miernowski

Jean Miernowski, "La Poésie et la Peinture : les douze fables de fleuves ou fontaines de Pontus de Tyard", dans Bulletin de l’Association d’études sur l’humanisme, la réforme et la renaissance, année 1984, volume 18, numéro 18, p. 12-22.

Extrait de l’article

Recueil poétique, plan d’une décoration architecturale, les Douze fables... conjuguent, par le moyen du langage, deux modes de représentation artistique : le pictural et le poétique, dont nous nous proposons d’étudier la spécificité et les rapports mutuels.

L’ouvrage qui est l’objet de ce travail se compose de douze parties, chacune consacrée à un fleuve ou une fontaine mythologiques. Chaque segment débute par une « fable » - court passage narratif en prose qui raconte l’histoire mythologique liée au fleuve donné. La « fable » est ensuite reprise par la « Description pour la peinture » (toujours en prose) c’est-à-dire la description d’un tableau supposé représenter cet épisode mythologique. Vient enfin une épigramme se rapportant à cette peinture (comme on le voit, le mot « épigramme » est pris au sens premier du terme : inscription placée sous un tableau ou sur le socle d’une statue). Il s’agit à chaque fois d’un sonnet à rimes abba abba ccd eed (sauf la huitième épigramme : abba abba ccd dee).

Il faut noter que les « Descriptions pour la peinture » ont été écrites par Tyard non pas d’après des tableaux déjà existants mais comme des instructions adressées à qui voudrait illustrer les « fables » du recueil : « Seroit peinte une Semelé foudroyée et mourante... ». Le caractère indicatif de ces « Descriptions » est confirmé par la prédominance du conditionnel dans ces textes. En outre, lorsqu’il décrit le viol de Damalcide, Tyard propose, « si cet acte estoit estimé mal séant, pour estre représenté en la peinture de ce lieu », une autre scène, moins brutale. Ce choix, comme d’autres laissés « à la discrétion du peintre », prouve que le texte littéraire préexiste à l’hypothétique réalisation picturale. Mais probablement, en composant son recueil, Tyard connaissait déjà le cadre architectural où seraient peints les tableaux qu’il a décrits. Le temple d’Isis évoqué dans le dernier segment des Douze fables... peut ressembler au château d’Anet. On suppose que le cycle des peintures projetées par le poète fut exécuté dans cette magnifique demeure de Diane de Poitiers, que Philibert de l’Orme fut chargé de rebâtir pour la favorite royale en 1548. Déjà une anonyme Description de la belle Maison d’Anet, veuë le mardi seconde feste de la Pentecoste, 29 mai 1640 parle d’une galerie « toute remplie de plusieurs excellents tableaux de paisages et autres représentations ». J.C. Lapp, en suivant P.D. Roussel affirme que les 12 tableaux devaient décorer la salle appelée de nos jours « salon des Glaces » où ils auraient été remplacés en 1698 par des miroirs.

Lire la suite (Persée)