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8 jan. 2015, Paris : Pour une histoire de l’art et de la table

8 janvier 2015 - 18h-20h
Institut national d’histoire de l’art, galerie Colbert, salle Giorgio Vasari.
Accès : 6 rue des Petits-Champs ou 2, rue Vivienne, 75002 Paris
Entrée libre

Programme :

Deborah L. Krohn (Bard Graduate Center) : From Kitchen to Table in Early Modern Europe : Cookbooks as Mediators (communication en anglais)

Les livres de cuisine ou les recueils de recettes, qu’ils se présentent sous une forme manuscrite ou imprimée, se situent à l’intersection de la cuisine et de la table. Pourquoi publier un livre de cuisine ? Pourquoi illustrer un livre de cuisine ? Qui lit les livres de cuisine à l’époque moderne ? Et plus fondamental encore, qu’est-ce qu’un livre de cuisine pendant cette période ? Comme Adrian Johns l’a montré dans The Nature of the Book : Print and Knowledge in the Making (1998), « Tout livre imprimé est en fait à la fois le produit d’un ensemble complexe de processus sociaux et technologiques, et le point de départ d’un autre. En premier lieu, un vaste ensemble de personnes, de machines et de matériaux doit converger et agir ensemble pour qu’il puisse ne serait-ce qu’exister ». Les plus anciennes compilations de recettes vernaculaires remontent en Europe au XIIIe siècle, et des fragments nous sont parvenus de l’antiquité. Où se situe le livre de cuisine comme genre dans l !
’univers foisonnant des livres imprimés de l’époque moderne ? Un regard rétrospectif verrait dans les compilations de recettes un genre ayant évolué depuis de rares témoignages anciens à travers une série de manuscrits apparus dans la culture de cours pour émerger au XVe siècle avec l’apparition de l’imprimerie et se développer selon une trajectoire linéraire laissant dans l’ombre la naissance d’une littérature vernaculaire.
Cette intervention se situe dans le cadre d’un livre en préparation consacré à l’Opera dell’arte del cucinare de Bartolomeo Scappi (1570), que j’ai choisi d’aborder dans la double perspective de l’histoire du livre et de la culture de l’imprimé plutôt que du point de vue de l’alimentation. En dépit des développements de l’histoire du livre depuis la parution en 1958 de L’Apparition du Livre Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, les livres de cuisine, parmi lesquels de nombreux ouvrages d’économie domestique, ne sont généralement pas étudiés sous cet angle. Les travaux en histoire du livre s’attachent généralement aux ouvrages dont le contenu est considéré comme significatif : la Bible, les classiques, la littérature ou l’histoire, délaissant ou déconsidérant les publications plus prosaïques et parfois qualifiées de « populaires », parmi lesquelles les manuels et les ouvrages techniques, dont les livres de cuisine. Tandis que de nombreux autres genres modernes comparables ont f !
ait l’objet de recherches – livres de prière, de jeux et de costumes, par exemple, les livres de cuisine sont restés sous-étudiés en tant que livres. La langue est un bon indicateur du lectorat ; or il est intéressant de constater que la plupart d’entre eux étaient écrits en langue vulgaire, bien qu’il ait existé de nombreux traités médicaux ou médicinaux en latin comportant également des recettes de cuisine. Ainsi que je le montrerai, la présence de menus accompagnant les recettes dans des textes culinaires suggère une audience en mutation pour des sources plus complètes embrassant de nombreux secteurs de l’économie domestique. Comment s’approvisionner en ingrédients de qualité, comment les préparer et les servir, et comment la préparation de tout cela doit être organisée faisait l’objet de nombre de ces livres, selon des caractéristiques dépendant des circonstances historiques particulières. Dans cette présentation, j’insisterai sur la nature polyvalente des livres de cui !
sine de l’époque moderne.

Deborah L. Krohn enseigne l’histoire des arts décoratifs italiens de la Renaissance et l’histoire culturelle au Bard Graduate Center - Decorative Arts, Design History, Material Culture, de New York, où elle est associate professor. Diplômée de Princeton University, elle est titulaire d’un doctorat de Harvard University. Elle a entre autre sbénéficié d’une bourse post-doctorale Fulbright en Italie, de l’American Association of University Women et de l’Italian Academy for Advanced Studies à Columbia University. Parmi les expositions du Bard Graduate Center auxquelles elle a collaboré, citons Salvaging the Past : French Decorative Arts from the Metropolitan Museum of Art (2013, co-commissaire et co-éditeur du catalogue) et Dutch New York between East and West : The World of Margrieta van Varick (2009, co-commissaire et co-éditeur du catalogue). Elle a également participé à l’exposition Art and Love in Renaissance Italy au Metropolitan Museum of Art et contribué à son catalogue !
(2008). Elle a par ailleurs publié des études sur l’art et la commande en Italie à la Renaissance, sur l’histoire des collections et l’histoire de l’alimentation. Ses recherches en cours s’attachent à l’histoire et à la réception du premier livre de cuisine européen illustré, l’ Opera de Bartolomeo Scappi (1570).

Marie Lavandier (musées de Nice) : Les tables présidentielles, une dramaturgie du pouvoir

Se nourrir est une nécessité pour les êtres vivants. À cette contrainte biologique les hommes ont étayé un édifice culturel complexe et chargé de sens, la cuisine. Allant du choix et de la mise en oeuvre des aliments à leur service à table, la cuisine peut être comprise comme l’interprétation toujours renouvelée d’un besoin naturel inatteignable en tant que tel. Les arts dits « de la table », les arts décoratifs, l’architecture, mais aussi la mode ou la musique jouent dans l’instauration de la cuisine le rôle de cadres – ou de « hors d’œuvres » venant autour et à côté de la cuisine proprement dite. Secondés par la gastronomie – depuis l’appréciation privée de la qualité des mets et des boissons jusqu’à son expression publique au travers de la presse et du livre –, ils transforment la nécessité biologique en une manifestation culturelle dont les caractéristiques varient selon les aires géographiques, les époques, les groupes sociaux, les genres et les âges.
achera tout particulièrement à la vaisselle et aux ornements de la table, au mobilier et à la décoration intérieure, aux manières, aux vêtements et jusqu’aux propos de table, qui composent les encadrements successifs grâce auxquels s’alimenter devient cet acte complexe par lequel une culture se donne à voir et à penser.