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Le sang épuré : La naissance du sentiment et de l’idée de "race" dans la noblesse française, 1560-1720

André Devyver

Devyver, André, Le sang épuré : La naissance du sentiment et de l’idée de "race" dans la noblesse française, 1560-1720, Université libre de Bruxelles, 1971.

Extrait de l’article

Quelque deux cent mille individus qui ne comptaient pas parmi les plus riches de la France, qui n’occupaient pas toujours les places les plus en vue, qui n’étaient dans l’ensemble ni les plus intelligents ni les plus capables, ont entrepris de faire croire - et ont fini par croire eux-mêmes - qu’ils constituaient un groupe à part, historiquement privilégié, biologiquement supérieur. La structure même de la société française, la prédominance des valeurs militaires expliquent, dans une certaine mesure, de telles prétentions. Déjà, au moyen âge, les barons pratiquaient l’endogamie. Cependant, l’enrichissement des bourgeois qui commença dès le XIIIème siècle, la place de plus en plus grande occupée par les légistes et les robins, auraient dû avoir normalement pour effet de multiplier les mariages entre couches sociales différentes. De fait, au XVème siècle, certains indices permettent d’affirmer que l’on fut, un moment, près d’arriver à un mélange total ; beaucoup de fiefs avaient été vendus à des roturiers, le genre de vie était affaire de revenus plutôt que de statut, la bonne entente régnait entre les gentilshommes, les marchands et les hommes do loi. Pour toute la Renaissance, l’historien J. Major Russell ne relève aucun signe d’hostilité entre les représentants des divers ordres aux Etats Généraux ; tous tombaient d’accord pour présenter des résolutions communes. Et puis brusquement, alors qu’éclatait une guerre civile affreuse, un changement brutal dans l’attitude coopérante et conciliante des nobles se produisit. En 1560, à Orléans, le comte de Rochefort demanda qu’il fût mis fin aux anoblissements ; il réclama avec fermeté le respect des anciennes prérogatives ; en quelque sorte, il ferma le second ordre. A l’époque, cette harangue fit sensation, et elle marque effectivement un tournant dans l’histoire sociale. A partir de cette date, des efforts plus grands furent déployés pour empêcher les mésalliances ; des théories pseudo-historiques virent le jour pour tenter d’établir l’origine franque des gentilshommes, et un "racisme" latent empoisonna les rapports entre les diverses catégories de Français.

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