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« Un si prodigieux amas de bienfaits tourné en poison » : félonie et démesure dans les Mémoires de Saint-Simon

Frédéric Charbonneau

Charbonneau, Frédéric, "« Un si prodigieux amas de bienfaits tourné en poison » : félonie et démesure dans les Mémoires de Saint-Simon", Études françaises, vol. 45, n° 2, 2009, p. 99-111

Résumé de l’article

Fidèle à la tradition des Mémoires aristocratiques, le duc de Saint-Simon se montre dans son oeuvre attentif aux créances comme aux dettes de la monarchie, à la balance des bienfaits et du service qui définit dans un monde ordonné les rapports du souverain et de ses grands vassaux. Du cardinal de Bouillon, dont il est question dans ces pages, le mémorialiste condamne avec énergie les intrigues et la trahison ; et il trouve une source à ses félonies dans une récompense accordée jadis par Henri IV à l’aïeul du cardinal, fait prince souverain de Sedan. Aux yeux de Saint-Simon, cette transaction est inouïe. Une telle « princerie » crée des monstres : des souverains régnicoles ; et de cette impossibilité ontologique découle la félonie, un prince souverain ne pouvant demeurer simple et loyal sujet du Roi. Les crimes du cardinal sont ainsi commis en vertu d’un nom et d’un titre que la sanction royale consistera à éradiquer. Or la stratégie de Saint-Simon est tout autre : faute de pouvoir lui-même abolir le rang de prince étranger et réduire les Bouillons à leur rang de pairie, Saint-Simon a sans relâche écrit des centaines, voire des milliers de pages en faveur de cette abolition, convoquant les ressources de la critique la mieux informée en matière de titulature afin d’accomplir son oeuvre de justice et de vérité, et de rendre à chacun scrupuleusement son dû.

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