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La trahison des maîtres

Nadine Kuperty-Tsur

Kuperty-Tsur, Nadine, La trahison des maîtres, dans Seizième Siècle, n° 5, 2009, p. 33-44.

Extrait de l’article

L’idée de trahison dans l’Ancien régime évoque le plus souvent une verticalité, du bas vers le haut, lorsqu’un serviteur trahit son maître, à l’instar de Commynes quittant le duc de Bourgogne pour se mettre au service de Louis XI1. Jean Dufournet sous-titre les Mémoires de Commynes une « Anthologie de la trahison2 ». Le débat sur la trahison de Commynes est toujours ouvert mais une chose est sûre, le motif de la trahison conditionne l’écriture de ses Mémoires. Le soin que Commynes y met à souligner ses qualités de conseiller vise à déplacer la notion d’appartenance à une cour et élude ainsi la question de sa trahison. Commynes a choisi de servir l’homme à même d’apprécier (et de rémunérer) ses qualités de conseiller : Louis XI l’emporte sur son ancien maître, Charles de Bourgogne. La présence récurrente dans les Mémoires des notions de fidélité et de loyauté montre que la transgression de ces valeurs préoccupe Commynes. Il se situe à une époque charnière où deux systèmes différents entrent en compétition : le système féodal d’une part, et d’autre part, un nouveau système dominé par les valeurs inhérentes à la bourgeoisie montante telles que l’intérêt, la rentabilité, la rationalité, la modération, le calcul. Les Mémoires campent Commynes en champion du nouveau système ; il fait la promotion de ses qualités de bon conseiller en accord avec les nouvelles valeurs bourgeoises : en rejoignant Louis XI, ne choisit-il pas le camp qui idéologiquement lui convient le mieux ? Au cours du XVIe siècle, pendant la période des guerres de religion, les récits se multiplient qui donnent à voir le cas de figure inverse : celui du serviteur exprimant le sentiment d’avoir été trahi par son maître.

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