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Le Léviathan dans la doctrine de l’État de Thomas Hobbes : sens et échec du décisionnisme politique

Emmanuel Tuchscherer

Emmanuel Tuchscherer, "Le Léviathan dans la doctrine de l’État de Thomas Hobbes : sens et échec du décisionnisme politique", dans Astérion, année 2004, numéro 2.

Extrait de l’article

Carl Schmitt (1888-1985) publie Le Léviathan dans la doctrine de l’État de Thomas Hobbes en 1938, l’année de ses cinquante ans, à la veille de la Seconde Guerre mondiale et au lendemain d’une tentative malheureuse d’engagement politique aux côtés du parti national-socialiste (1933-1938). La carrière du « juriste engagé » est sur le point de s’interrompre ; celle du politiste est en revanche à son apogée, et l’on est tenté de penser sur ce point que le commentaire du Léviathan représente à certains égards un de ces textes où se ramasse, dans le temps long de l’aventure intellectuelle, un ensemble de pensées, d’observations, de conclusions, débarrassées des scories des circonstances et réduites à une épure – parfois obtient-on même, lorsque la décantation a bénéficié d’une atmosphère favorable, une telle impression d’ordre et de cohérence que l’on incline à parler de doctrine ou de système de pensée. Der Leviathan suggère à cet égard deux appréciations divergentes.

L’essai constitue indéniablement l’aboutissement d’un cheminement intellectuel inauguré au début des années 1920, par deux œuvres inaugurales de la pensée schmittienne : la Dictature (1920), d’une part, où Schmitt s’essaye pour la première fois à l’exercice périlleux de l’archéologie d’une notion politique ; suivie de peu par Théologie politique (1922), qui offre la première et la plus claire formulation du paradigme décisionniste (« est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle »). Les œuvres successives exploiteront pleinement les ressources conceptuelles fournies par ces deux textes programmatiques. Ainsi, nul doute que la notion de « pouvoir constituant » exploitée dans la Théorie de la Constitution (1933) ne soit une amplification et, si l’on peut dire, une « juridicisation » de la notion de « dictature souveraine » développée dans la Dictature ; de même, on ne peut que souligner les convergences d’appréciation entre la doctrine de la souveraineté, exposée en 1922, et la reformulation de la théorie décisionniste qui s’opère en 1927 et 1932 dans les deux premières éditions de la Notion de politique. Dans ce continuum théorique, Le Léviathan dans la doctrine de l’État de Thomas Hobbes vient en quelque sorte opérer la synthèse d’une méthode et d’une ambition.

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