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Monarchie héroïque ? Héritage chevaleresque et vocation militaire de la fonction royale en Europe, XVIe-XIXe siècles

Martin Wrede

Wrede, Martin, « Monarchie héroïque ? Héritage chevaleresque et vocation militaire de la fonction royale en Europe, XVIe-XIXe siècles », Histoire, économie & société, 2015/1 (34e année), p. 86-103.

Extrait de l’article

Nous commencerons par la fin, ou, pour être plus précis, par deux fins : deux fins de règne. La première eut lieu en octobre 1918 au sein du Commandement suprême de l’armée allemande à Spa. L’on y proposa rien de moins que la mort du « chef de guerre », Oberster Kriegsherr, l’empereur Guillaume II. Le Kaiser était censé non seulement chercher la mort, mais la trouver, grâce à ce qu’on appela une « petite attaque spéciale » sur le front ouest organisée dans ce but même. L’épisode est bien connu. C’était en effet la fin. Non pas la fin physique de Guillaume II, certes, qui, notamment pour des raisons religieuses, resta sourd à ce genre de requêtes, mais néanmoins la fin de la monarchie allemande et de sa tradition de mise en scène héroïque et militaire.

Cette faillite morale de l’empire germano-prussien était prévisible. Des clichés de propagande montrant Sa Majesté en train de mettre au point les opérations devant les cartes d’état-major, entourée de Hindenburg et Ludendorff – « S.M. » figurant au centre – étaient largement considérés comme peu crédibles, tout comme ceux qui montraient « Notre Empereur sur le champ de bataille » : Guillaume II en tenue d’hiver, avec casque à pointe, partageant les souffrances des soldats. Le public appela joliment ce motif photographique « La licorne ». Il était de notoriété publique que l’empereur, comme toujours, ne faisait que poser sur ces clichés et que ceux-ci n’avaient rien à voir avec la réalité. À la fin de la guerre, Guillaume II était discrédité en tant que responsable individuel, et, par répercussion, la fonction monarchique le fut finalement aussi. C’était en particulier le capital héroïque de la monarchie qui était épuisé, suite à l’échec de sa mise en scène. Seul le sacrifice, gratuit sur le plan militaire, du monarque, paraissait à même de redonner du prestige à la dynastie et à la monarchie.

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