Jean-François Labourdette : Charles IX et la puissance espagnole. Diplomatie et guerres civiles (1563-1574)
Sylvène Édouard
Comment citer cette publication :
Sylvène Édouard, "Jean-François Labourdette : Charles IX et la puissance espagnole. Diplomatie et guerres civiles (1563-1574)", Paris, Cour de France.fr, 2013 (https://cour-de-france.fr/article2994.html). Compte rendu publié le 29 décembre 2013.
Jean-François Labourdette : Charles IX et la puissance espagnole. Diplomatie et guerres civiles (1563-1574)", Paris, Honoré Champion, 2013.
Jean-François Labourdette, connu pour ses études ibériques et lusitaniennes en particulier, propose, avec cet ouvrage, une vaste chronique (679 pages) des relations diplomatiques entre le roi de France Charles IX et le roi d’Espagne Philippe II. D’approche très classique, le récit suit fidèlement la trame des événements diplomatiques souvent déterminés par la politique religieuse du roi de France. Commençant par une plongée d’usage dans le petit réseau de la diplomatie française, l’auteur en dresse un tableau quasi-généalogique : les secrétaires d’État formés par Guillaume Bochetel (les petits-fils de Robertet, Claude II de L’Aubespine et Jacques Bourdin, lequel forma à son tour les secrétaires Brûlart et Villeroy) puis les ambassadeurs issus du réseau des secrétaires, comme Sébastien de L’Aubespine, ou de la Maison du roi, à l’instar de Jean Ébrard de Saint-Sulpice. En dix-neuf chapitres, l’auteur met ensuite en perspective les alliances françaises, les revers diplomatiques et la situation intérieure. Survolant les alliances du début du règne – avec le Turc, Venise, l’Espagne ainsi que les princes protestants – mais sans insister sur l’importance de l’« amitié entre les princes » (voir B. Haan ci-dessous) dans les négociations diplomatiques.
L’auteur consacre la première partie aux choix diplomatiques de Charles IX au temps de la politique de tolérance, entre 1563 et 1567. D’une guerre civile à l’autre, les correspondances d’État montrent alors l’imbrication entre les affaires intérieures et les relations diplomatiques avec l’Espagne et les princes allemands surtout au niveau des provinces frontalières. Puis, de la surprise de Meaux à la paix de Saint-Germain, la bonne relation du roi avec les Habsbourg – et en particulier avec l’empereur dont il devint le gendre – fut confirmée par une coopération militaire dans le nord avant que les événements de l’année 1568 (exécutions de Hornes et d’Egmont, décès d’Élisabeth de Valois reine d’Espagne, et nouvelle prise d’armes des huguenots) ne remettent en question le fragile équilibre de la bonne entente entre la France et l’Espagne. L’auteur met ainsi en parallèle les correspondances avec le roi d’Espagne et celles avec l’empereur, soulignant le double langage de Charles IX qui, dans les premières, défend sa position de fermeté auprès de Philippe II et, dans les autres, promet le maintien de la politique de tolérance pour la bonne pacification du royaume. Par la suite, la Paix de Saint-Germain, en 1570, contenta donc l’empereur mais provoqua le mécontentement du pape et de Philippe II.
La seconde partie est ensuite consacrée à la coalition contre l’Espagne que Charles IX crut possible après la paix de Saint-Germain, espérant de nouveau jouer un rôle en Europe et surtout en Italie, tout en évitant un conflit ouvert avec son puissant voisin qui menaçait la Picardie et se résolut finalement à maintenir la paix.
L’événement de la Saint-Barthélemy, en août 1572, bouleversa, dans l’immédiat, le dessein du roi d’isoler le Habsbourg de Madrid puisqu’il fut désormais perçu comme l’allié de ce dernier et l’ennemi des réformés et de la paix. La dernière partie revient sur le rétablissement, par la diplomatie, des bonnes relations de Charles IX avec l’Angleterre, le Turc et les princes allemands contre l’Espagne. Cette chronique insiste donc sur le maintien des rivalités entre les deux couronnes - moins que sur leur amitié - que l’auteur présente, à travers les lettres de Charles IX, comme politique sous le prétexte de la religion.
Dressant un tableau très précis des affaires militaires et diplomatiques du règne de Charles IX, l’ouvrage de Jean-François Labourdette ne semble pas avoir été déterminé par la volonté d’apporter une « thèse » nouvelle en la matière, d’autant plus que, sur le sujet et la période, existe une production de recherches importante et récente. Or, en ne citant aucune étude spécialisée sur le sujet des relations diplomatiques et des guerres de religion, l’auteur fait le choix (que certains pourront trouver discutable) de ne pas rendre justice à cette historiographie. Pour n’en citer qu’une partie : les ouvrages de V. Vázquez de Prada (Felipe II y Francia, 2004), de M. Reinbold (Jenseits der Konfession : Die frühe Frankreichpolitik Philipps II. von Spanien, 2005), de B. Haan (Une paix pour l’éternité en 2010 et L’amitié entre princes. Une alliance franco-espagnole au temps des guerres de Religion en 2011), puis les thèses de J.-M. Ribera (Les ambassadeurs du roi de France auprès de Philippe II, 2004) et de M. Gellard (Les usages de la lettre et leurs effets dans l’action diplomatique de Catherine de Médicis, 2010). En dépit de l’absence d’une problématique renouvelée, l’auteur apporte toutefois une matière dense de témoignages auxquels redonnent vie une écriture et un propos clairs. Fourmillant de références tirées des innombrables volumes de correspondances d’États conservés à la Bibliothèque nationale de France et des rares éditions, le texte est très riche de cette information directe que l’auteur cite abondamment.