Architecture et cérémonial à la cour de Henri II : l’apparition de l’antichambre
Monique Chatenet
Comment citer cet article :
Monique Chatenet, "Architecture et cérémonial à la cour de Henri II : L’apparition de l’antichambre", dans H. Oursel, J. Fritsch (dir.), Henri II et les Arts. Actes du colloque international, Paris, Ecole du Louvre, 2003, p. 355-380. Article édité en ligne sur Cour de France.fr le 1er avril 2008 (https://cour-de-france.fr/article135.html).
Les illustrations se trouvent en fin de texte ; pour des raisons de droits elles n’ont pas été reproduites. Le texte diffère très légèrement de la version éditée en 2003.
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En 1691, Charles-Antoine d’Aviler définit ainsi l’appartement : "c’est une suite de pièces nécessaires pour rendre une habitation complète, et doit être composée au moins d’une anti-chambre, d’une chambre, d’un cabinet et d’une garde-robe [1].
A Versailles, en 1674, le premier appartement de Louis XIV conservait encore cette simplicité originelle [2], à ceci près que, comme pour tout prince, les quatre pièces étaient précédées d’une salle, appelée "salle des gardes" au XVIIe siècle et "salle du roi" ou "salle de la reine" au siècle précédent. Or, on le sait depuis un mémorable colloque tenu à Tours en 1988 et un article publié la même année par Bertrand Jestaz [3], l’appartement naît sous le règne de Henri II : non seulement le mot, introduit dans notre langue par Du Bellay en 1559 [4], mais aussi la suite de pièces : c’est en effet dans les logis royaux du Louvre et d’Anet, les deux plus prestigieuses constructions du règne, que l’antichambre fait son apparition dans la distribution française [5]. Dans le texte qui suit, je chercherai à examiner plus précisément l’apparition de l’antichambre en France : les premiers exemples, les usages de la pièce, sa signification et ses développements au XVIe siècle.
Les premières antichambres
Jusqu’à la fin du règne de François Ier, comme en témoignent Saint-Germain-en-Laye et Chambord, ce qu’on appelle alors le "logis du roi" se compose d’une salle directement suivie d’une chambre, d’une garde-robe et d’un cabinet auxquels vient souvent s’adjoindre une galerie [6]. Pour qu’on puisse parler d’appartement, il manque donc l’antichambre. Pas un seul document sur un château de François Ier, pas un seul texte sur son mode de vie ne mentionne cette pièce. Le mot "antichambre" n’existe pas encore dans la langue française. Tout comme l’appartement, il apparaît sous Henri II - dans un contrat du Louvre en 1551 [7].
A défaut du mot, la pièce connaît toutefois un début d’existence à la fin du règne de François Ier : dans son Livre VI, Serlio emploie le terme italien anticamera
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à propos de ses deux principales réalisations en France : Le Grand Ferrare et Ancy-le-Franc. Au Grand Ferrare [8] (fig. 1), le logis d’Hippolyte d’Este, qui se développe à gauche du vestibule central, se compose, suivant une disposition relativement courante chez Serlio [9], d’une suite de trois pièces appelées anticamera, camera, rietro camera. A Ancy [10] (fig. 2), ce n’est pas le logis d’Antoine de Clermont qui est ainsi privilégié, mais celui qui fait suite à la salle du premier étage. Il est constitué d’une suite de trois pièces appelées toutes trois camera dans le texte du manuscrit de New-York [11] et anticamera, camera, rietro camera dans celui de Munich. Néanmoins, ces anticamere ne peuvent être considérées comme tout à fait françaises : non seulement l’architecte est italien, mais aussi, dans un cas, le maître de l’ouvrage. Oeuvres italiennes isolées sur le sol français, elles ne trouvent apparemment aucun écho avant 1547.
En revanche, sous le règne de Henri II, on assiste soudain à une floraison spectaculaire d’antichambres, à la fois dans des châteaux royaux - le Louvre, Fontainebleau, Saint-Léger, Amboise, le château Neuf de Saint-Germain -, mais aussi dans trois châteaux appartenant à des favoris : Anet, Beynes et, pensons-nous, Vallery. Examinons plus en détail ces premiers exemples. Au Louvre (fig. 3), l’antichambre est mentionnée en toutes lettres dans le marché récapitulatif de la maçonnerie du 17 avril 1551 :
"faire et lever au dessus desd. colonnes et arceau [du tribunal] le pan de mur tout contremont qui fera separation de la salle haute, antichambre et de la garderobbe " [12].
On restitue aisément son emplacement grâce au plafond de Scibec de Carpi, remonté ailleurs, et au contrat de 1553. Elle est située au premier étage, côté douves, entre la salle haute et la chambre du roi.
Au château neuf de Saint-Germain (fig. 4), l’antichambre apparaît dans un marché de 1557 passé avec Philibert de L’Orme :
"ung grand corps d’ostel de dix huict toises deux piedz de long ou environ sur quatre toises ung pied de large par dedans euvre qui sera applicqué a une salle de huict toises deux piez de long, une antichambre de quatre toises ung pied de long a l’un des boutz de lad. salle et une chapelle a l’autre bout de lad. salle" [13]
Bien qu’il ne reflète pas exactement le texte du contrat, le plan des Plus excellents bastiments de France permet de comprendre à peu près la position prévue pour l’antichambre, à l’une des extrémités de la salle et reliant celle-ci aux chambres de deux pavillons d’angle [14].
A Anet, Philibert lui-même fait connaître la composition de l’appartement du roi :
"la trompe fut faicte par une contraincte pour accomoder un cabinet à la chambre où le feu Roy Henry logeoit estant audit chasteau (...) Car après la salle estoit l’antichambre, puis la chambre du roy, et auprès d’elle, en retournant à costé, estoit en potence la garderobbe" [15].
Il est cependant plus difficile de retrouver l’appartement sur le plan de Barbier (fig. 5) - notre seule référence pour le premier étage - car, si l’on identifie facilement l’antichambre, la chambre, le célèbre cabinet sur trompe et la garde-robe "en potence",
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on cherche en vain la salle : Philibert considérait-il que la galerie faisait office de salle ? la salle était-elle située, elle aussi, "en potence" de l’autre côté de l’escalier ? On ne sait. Sans doute l’auteur a-t-il un peu enjolivé la réalité d’une distribution où il avait dû composer tant bien que mal avec de vieilles maçonneries. A tout le moins, il est clair qu’en 1567, date de la publication de son Architecture, le Lyonnais considérait que le logis de Henri II se devait de posséder les cinq pièces statutaires.
Nouvelle commande de Diane de Poitiers à Philibert de L’Orme, le logis que la favorite fait construire pour Henri II en 1558-1559 au château de Beynes et dont Catherine Grodecki a récemment publié marchés [16]. L’un deux, en date du 9 septembre 1559, précise sans ambiguité la composition du logis royal, formé de deux "corps d’hôtel" de quatre toises sur huit, dont l’un contiendra une salle, l’autre "la chambre du roy et une antichambre a costé".
Outre ces antichambres attestées, il y a celles qu’on peut restituer sans grand risque d’erreur. A Saint-Léger (fig. 6) -encore une oeuvre de Philibert -, la position de l’antichambre est connue avec une quasi certitude grâce au plan de Jacques Androuet Du Cerceau et au devis de charpenterie de 1555 qui précise l’emplacement de la chambre, de la garde-robe et du cabinet [17] : ici encore, l’antichambre est située entre la salle et la chambre du roi.
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A Fontainebleau (fig. 7), où Philibert de L’Orme travaille en 1556-1559 à un projet de logis pour le roi entre la grande basse-cour et la cour de la Fontaine, la place de l’antichambre se déduit de la position attestée de la chambre et de ses annexes, car si l’on ne restituait qu’une salle entre le vestibule central et la chambre, ses dimensions seraient invraisemblables : 40 m. de long pour 9 m. de large. Il est donc probable qu’un mur de refends, visible dans des documents ultérieurs, isolait déjà une antichambre [18].
Evelyne Thomas a récemment restitué les appartements de Henri II et Catherine de Médicis à Amboise, à l’aide de documents concernant des réfections du début du XVIIIe siècle. La composition de l’appartement du roi reste délicate à interpréter, mais on peut affirmer que le logis de la reine présentait une antichambre entre salle et chambre [19].
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On mentionnera enfin le château de Vallery, construit par Pierre Lescot pour le maréchal de Saint-André, "l’archimignon" de Henri II. La construction fut entreprise, on le sait, dans le but principal d’attirer le roi qui y fit deux séjours, en mars 1550 et en septembre 1556 [20]. Le château, inachevé et malheureusement en grande partie détruit, mériterait un relevé précis des vestiges de l’aile disparue. Restent les élévations de Du Cerceau et de Henri Sengre (1682) [21] qui corroborent les divisions intérieures présentées sur le plan approximatif que nous a également laissé Du Cerceau (fig. 8). Les dispositions s’apparentent étroitement à celles du Louvre : ici encore, le logis principal devait comporter une antichambre entre salle et chambre.
Le double rôle de l’antichambre
A quoi peut-on attribuer cette soudaine apparition des antichambres dans des châteaux appartenant au roi ou à un membre de son entourage immédiat ? Interprétant un peu imprudemment un passage de l’Histoire particulière de la
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court de Henry II [22], nous avions tous pensé il y a dix ans que l’institution du "conseil des affaires", apparemment accompagnée d’une nouvelle réglementation du lever, était à l’origine de cette transformation.
Or, cette hypothèse, il faut bien le dire, ne tient pas. D’une part, le conseil des affaires existait déjà sous François Ier [23] ; d’autre part, s’il y avait eu un nouveau règlement de la Maison du roi, on en trouverait la trace dans les nombreux recueils de textes sur le cérémonial constitués sous l’Ancien Régime et conservés à la Bibliothèque nationale, aux Archives nationales ou aux Archives du ministère des Affaires étrangères, ou encore dans l’abondante correspondance des diplomates étrangers à la cour de France. De plus, si ce règlement avait existé, le grand maître serait le premier à l’appliquer. Or, à Ecouen, ni le logis du roi ni celui de la reine ne possèdent d’antichambre. Quant à faire de Serlio l’introducteur de l’antichambre en France, ce n’est pas non plus très convaincant : l’adjonction d’une pièce dans un logis royal a des implications beaucoup trop complexes pour se résumer à l’intervention d’un architecte dont il ne faut pas sans doute surestimer le rôle.
Pour mieux cerner la question, examinons ce que les textes et les plans nous apprennent sur la fonction de cette pièce.
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Il faut attendre le règne de Henri III pour trouver, grâce aux règlements de la maison [24], une définition du rôle de l’antichambre, qui est double : c’est le lieu où les courtisans attendent le moment où ils pourront voir le roi et celui où le roi "dîne" ordinairement.
Le lieu où l’on "fait antichambre"
Le métier du courtisan en général et celui du diplomate en particulier, qui s’apparentent beaucoup à ce que les Anglo-Saxons appellent aujourd’hui le "lobbying", obligent à passer le plus clair de son temps à attendre : il y a toujours une nouvelle requête à adresser au roi, et le roi fait toujours tarder sa réponse. Sous François Ier, les ambassadeurs attendaient (dans le meilleur des cas) au milieu des foules se pressant dans la salle, ce qui permettait au souverain, visible mais inabordable, d’ignorer leur présence. Dans les cas graves, ils pouvaient tenter de le surprendre à la sortie de sa garde-robe [25] ou de faire le siège du logis du Grand maître, ce qui n’était pas sans risque : au vieux Louvre, le logis de Montmorency ne possédait pas de salle et l’escalier en vis qui donnait accès à sa chambre était parfois le lieu de dangereuses bousculades [26]. L’antichambre permettait donc aux courtisans, soit de se préparer à entrer dans la chambre au moment du lever ou pour une audience particulière, soit d’attendre plus confortablement le moment où, chaque jour, le roi sort de sa chambre pour se rendre à la messe.
L’introduction de l’antichambre dans la suite royale entraînait deux conséquences. D’une part, elle allongeait matériellement la distance entre le roi et les courtisans, réalité topographique chargée d’une forte signification symbolique dans une cour où le cérémonial quotidien doit illustrer la "conglutination, lien et conjonction de vraye amour" qui, en principe, unit le roi de France à ses sujets "plus qu’en quelconque autre monarchie ou nation chrétienne" [27]. D’autre part, elle accentuait la hiérarchie sociale en établissant une distinction entre ceux qui entraient dans la chambre, ceux qui attendaient dans l’antichambre, et ceux qui devaient rester dans la salle.
Ainsi définie, l’antichambre portait en elle-même le ferment de sa multiplication : dès le règne de Charles IX, on voit apparaître une double antichambre dans les appartements du roi et de la reine mère à Fontainebleau (fig. 9), à Charleval (fig. 10), aux Tuileries [28], et c’est sans conteste à Catherine de Médicis, auteur d’une célèbre lettre enjoignant son fils de "restaurer" le cérémonial de ses père et grand-père [29], que l’on doit accorder ici le rôle décisif.
Henri III partageait entièrement les idées de sa mère en matière d’image monarchique. L’antichambre, dont l’existence est enfin reconnue dans le règlement général de 1578, est triplée dans le règlement du 1er janvier 1585 qui exige l’insertion de trois pièces entre la "salle du roi" et sa "chambre royale" : "l’antichambre" proprement dite, "la chambre d’audience" et la "chambre
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d’Etat". Ce règlement ne resta pas lettre morte : en février 1585, la délégation conduite par le duc de Derby pour remettre à Henri III l’ordre de la jarretière gravit le grand escalier du Louvre, puis traversa les quatre pièces réglementaires - plusieurs témoignages l’attestent - avant de pénétrer dans la chambre du roi [30].
Parallèlement à l’allongement spectaculaire de l’appartement, le cérémonial du lever connaît d’intéressants développements qu’on peut suivre grâce aux règlements de 1578 et 1585 à l’origine du système des "entrées" successives dans la chambre du roi que Louis XIV allait rendre célèbre [31].
Lieu d’élection de la vie de cour, l’antichambre symbolise une société qui provoque tant de réactions hostiles durant la seconde moitié du siècle [32]. Traduction littérale d’anticamera, le mot "antichambre" est d’ailleurs un parfait exemple du nouveau langage françois italianizé et autrement desguizé des courtisans contre lequel s’insurgent, parmi tant d’autres, Robert Estienne ou Etienne Pasquier [33].
Quant à la pièce, elle est aussi, bien entendu, d’origine italienne. Mais dans l’usage qu’on vient de décrire, elle est plus spécifiquement romaine : la multiplication progressive des antichambres est en effet particulièrement précoce et marquée dans les palais des cardinaux de la Ville éternelle [34]. Rien d’étonnant à cela, d’ailleurs. Depuis le début
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du siècle, la curie romaine constitue pour les Italiens eux-mêmes une sorte de référence en matière de cérémonial [35], la cour de France faisant alors plutôt figure de repoussoir, comme l’écrit Isabelle d’Este en 1517 :
"Se la corte romana per ceremonie e distinctione di persone è maravigliosa, questa di Francia per disordine, per confusione, per non discernersi un huomo da l’altro e per un certo vivere libero e non taxato, è stupenda e mirabile. De cardinali, mancho conto se tene in questa corte che non si fa di capellani a Roma." [36]
L’introduction de l’antichambre, puis sa multiplication, phénomène qui se manifeste d’ailleurs à cette époque dans plusieurs cours d’Europe, a donc une forte signification : elle signale le passage d’un mode de vie quasi seigneurial à une société monarchique plus policée, plus hiérarchisée, plus italianisée. Il n’est finalement pas surprenant que l’antichambre ait été immédiatement adoptée par Saint-André, pur produit de la nouvelle société, et non par Montmorency dont on connaît le penchant pour la rusticité ancestrale [37].
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Le lieu où le roi dîne ordinairement : l’antichambre et la sallette
L’antichambre sert également de salle à manger : le règlement de 1578 précise que, durant le dîner, l’huissier doit garder la porte de la salle ou de l’antichambre "si Sa Majesté disne dans son antichambre". En 1585, Richard Cook écrit :
"The place where He dynneth is allwais for the most his antechamber (...) The King being sett at his table and whilst he is at dynner, it is permitted and lawfull for all men to enter into the antechamber, to see him dyne and to heare him talk and devise amongst his nobilitie" [38]
Enfin, le 19 juillet 1584, un acte notarié fait référence à la balustrade qui protège la table de Henri III : "un tour de table aussi pareil et semblable que celluy qui est à l’antichambre" du roi au Louvre [39].
A ce titre, la pièce a un précédent dans l’architecture française : la "sallette". Comme l’a justement relevé Kristen Neuschel en analysant divers inventaires de châteaux seigneuriaux [40], la salle tend, au XVIe siècle, à perdre son rôle de salle à manger ordinaire au profit d’une pièce plus petite. Robert Estienne, Philibert de L’Orme, Olivier de Serre et Jean Nicot confirment d’ailleurs l’existence de cette pièce appelée le plus souvent "sallette", mais aussi "petite salle", " chambre où mangent...", "mangerie" ou "mangeoir", dont on trouve également mention dans les Mémoires de Marguerite de Valois [41].
Le terme sallette, qui désigne, au sens premier, une salle de petites dimensions, existe dès le Moyen Age. Mais dans le sens de salle à manger distincte de la salle, il ne semble d’usage courant en dehors de la Bourgogne [42] qu’à la fin du XVe siècle. La pièce apparaît alors fréquemment dans les documents et l’on peut mentionner à titre d’exemple trois demeures de Pierre Le Gendre : son hôtel parisien, le château d’Alincourt et l’hôtel seigneurial de Hardvilliers [43], ou encore le château de Châteaudun dont la "petite sallette d’emprès la viz" [44] est mentionnée dans un devis de 1512 (fig. 11). On peut aussi citer le château de Jarzé (fig. 12), construit à l’extrême fin du XVe siècle, bien que le nom de la pièce ne soit attesté qu’au début du XVIIe : la petite vis, à l’angle gauche de la cour, donnait accès à une "sallette" ouvrant sur une chambre avec laquelle elle formait un petit logis [45].
Dans les demeures rurales que sont le château d’Alincourt et l’hôtel seigneurial de Hardvilliers, la sallette, placée à côté de la cuisine, est plus une "salle commune" qu’une salle à manger : cette disposition, que l’on rencontre dans les Livres d’architecture de Du Cerceau [46], est propre à la gentilhommière : "Nostre mesnager aura une une anti-cuisine qui lui servira de sallette ou mangeoir ordinaire", recommande Olivier de Serres tout en regrettant que les grands seigneurs en usent autrement [47].
A l’inverse, les sallettes de Châteaudun, de Jarzé et de l’hôtel Le Gendre font partie du logis, celle de Châteaudun possédant d’ailleurs une magnifique cheminée armoriée. A Châteaudun et à Jarzé, la sallette donne directement sur un escalier ; à l’hôtel Le Gendre, elle ouvre sur la salle, mais est indépendante des chambres. En aucun cas la pièce n’est placée, comme les antichambres des
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appartements royaux cités plus haut, dans une position intermédiaire entre salle et chambre : c’est là, me semble-t-il, une différence essentielle, car elle interdit l’usage de cour dont on vient de parler.
Si, en 1512, le logis du duc de Longueville est doté d’une sallette, on ne trouve pas mention de sallette distincte de la salle du roi dans les châteaux de Charles VIII ou de Louis XII [48] : pour répondre à son obligation de vie publique, le roi de France continue de dîner dans sa salle, alors que Charles Quint, comme tous ses prédécesseurs bourguignons, dînait ordinairement dans une pièce plus petite [49]. Le premier exemple royal est, semble-t-il, la sallette du château de Madrid (1528-1550) [50] (fig. 13), et sa présence s’explique par la distribution très particulière du château. En effet, il n’y a pas de "salle du roi" à Madrid, mais, à chaque étage, une "grande salle" [51] dont les dimensions (170 m2), le décor somptueux, les accès directs par des portes centrales s’apparentent plus à une salle du bal qu’à une salle du roi ordinaire. On remarquera d’ailleurs qu’à Châteaudun, la "grande" salle se signale aussi par des dimensions et des dispositions exceptionnelles.
C’est sans doute par leur position que les sallettes de Madrid se démarquent le plus de celle de Châteaudun. Sans s’apparenter véritablement à des antichambres (en fait, elles donnent accès à deux chambres, mais n’en commandent aucune, toutes les pièces du château ouvrant sur les loggias), elles sont néanmoins situées dans une position intermédiaire entre salle et chambre.
Plus troublante encore est, à cet égard, la disposition du logis de François Ier au premier étage du château de Villers-Cotterêts (fig. 14) ou, tout au moins, ce qu’on peut restituer à partir de plans du milieu du XVIIIe siècle conservés aux Archives nationales [52].
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A Villers-Cotterêts, où la circulation était rendue aberrante par le jeu de paume installé dans la cour, le grand escalier conduisait à une salle de très vastes proportions (environ 210 m2) [53]. Mais celle-ci n’ouvrait pas directement sur la chambre du roi située dans le pavillon en saillie comme le prouve sans ambiguité un plan de 1750 [54]. On accédait à la chambre du roi par la pièce carrée faisant suite à la salle, pièce qui était directement reliée à l’un des escaliers principaux du château : la vis de l’angle nord-ouest.
Par sa forme et sa position, cette pièce ressemble singulièrement à une antichambre, à un élément près : alors que les antichambres des appartements de Henri II sont commandées par la salle, la pièce de Villers-Cotterêts est directement accessible par un escalier principal. Ainsi, en dépit des apparences, le logis du roi ne se présente pas encore tout à fait comme une "suite" de cinq pièces (salle, antichambre, chambre, garde-robe et cabinet), mais comme un groupe de trois pièces (la chambre et ses annexes) ayant deux accès possibles : soit par la grande salle, soit directement par cette pièce qui servait selon toute vraisemblance de sallette. Comme à Madrid et à Châteaudun, la grande salle [55] de Villers-Cotterêts se prête mal au dîner ordinaire en en raison de ses vastes dimensions.
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Signification de l’apparition de l’antichambre dans l’appartement royal
En conclusion de ce qui précède, il semble donc que, peu de temps avant la naissance de l’antichambre, les sallettes aient fait leur apparition dans les logis royaux avec - à la différence des châteaux seigneuriaux - une propension à venir se placer dans une position intermédiaire entre salle et chambre. La nouveauté, sous Henri II, réside dans l’emploi systématique de la nouvelle pièce et son intégration à la suite royale où, tout en restant le lieu du dîner, elle devient aussi une sorte de salle d’attente de première classe. Il est très symptomatique à cet égard que, dans le logis de Charles IX à Fontainebleau, les deux pièces qui séparent la "grande salle neuve" (future salle de la belle cheminée) de la chambre du roi soient appelées dans le devis de 1571, "l’antichambre" et "la petite salle (...) où mange le roi" [56] (fig. 9).
En raison de l’existence de sallettes dans quelques demeures de François Ier, l’adoption de l’italianisme "antichambre" a pu intervenir autant par un effet de mode que par une décision véritablement préméditée. Néanmoins, on aurait tort de sous-estimer l’importance du changement de vocable. L’adoption d’un mot aussi chargé de sens que celui d’antichambre dans une société aussi profondément imprégnée par la civilisation italienne que l’entourage de Henri II ne pouvait qu’entraîner l’évolution des usages de cour signalée plus haut. La transformation de la sallette en antichambre au moment précis du changement de règne ne peut être le fait du hasard. On n’a pas suffisamment souligné, me semble-t-il, la profonde différence de tonalité qui sépare l’entourage de Henri II de celui de son père. Au travers de la correspondance diplomatique italienne, la cour de Henri II apparaît comme singulièrement plus policée, plus cultivée, plus "normale" que celle, fort pittoresque, de la génération précédente : Pantagruel a succédé à Gargantua. Le changement n’est d’ailleurs pas propre à la France : en Espagne, la différence est peut-être encore plus marquée entre la cour de Charles Quint et celle de Philippe II. L’absence de règlement ne doit pas cacher l’importance du changement. En France, si le cérémonial appartient plus qu’ailleurs à la tradition orale, cela ne signifie pas, comme l’ont cru un peu vite les contemporains étrangers, qu’on y est moins sensible aux préséances. Cent ans plus tard, la raison de cette attitude a été analysée avec beaucoup de pertinence par un diplomate vénitien, qui écrit en 1660 :
"Come nella mia relazione ho rappresentato all’Eccellentissimo Senato, è falso l’asioma che in Francia non si siano ceremonie ne pontualità, perchè vi sono come in ogni paese dove si prattica civiltà, e principalmente ne le corti ; ma questa differenza si prova che, dove nell’altre, sogliono essere le formalità fisse e ben regolate, nella Francia facilmente si cambia e voluntieri si confonde ogni cose, essendo massima di quella natione di genio assai elato e fastoso, essigere rigorosamente per se quanto se gli deve - e sempre qualche cose di più -, et all’incontro, a gl’altri estringere quanto si possi il trattamento." [57]
Dans la mesure où un règlement écrit a pour objet de fixer le rôle de chacun en fonction de sa naissance ou des prérogatives de sa charge avec pour effet secon-
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daire de limiter les passe-droits, son absence laisse le champ libre à "dame Faveur" :
"Ceste Faveur est bien accompaignee
Chascun la suy, de nul n’est dedaignee
Et comme il plaist au Roy elle est vestue
Par luy seul est haulsee ou abbatue [58]".
A la cour de France, le droit du prince l’emporte sur le droit du sang.
L’apparition de l’antichambre dans le logis seigneurial
Jusqu’ici, nous avons exclusivement observé l’apparition de l’antichambre dans le logis du roi, que celui-ci soit situé dans un château royal ou dans la demeure d’un favori. Reste à examiner l’introduction de l’antichambre dans les logis de la noblesse, examen difficile en raison de la rareté des textes qui nous oblige le plus souvent à restituer les distributions. Il semble d’ailleurs que la transformation terminologique s’opère ici beaucoup plus lentement qu’à la cour : si Jacques Androuet Du Cerceau emploie systématiquement le terme antichambre dans ses livres de 1559 et 1582, les mots sallette ou petite salle prévalent dans la langue courante jusqu’à la fin du siècle, et même bien au delà.
Revenons à notre point de départ, c’est à dire aux projets de Serlio pour Ancy-le-Franc et le Grand Ferrare qui proposent pour l’antichambre deux solutions bien différentes.
A Ancy, l’antichambre est, comme dans les logis royaux que nous avons examinés, insérée entre la salle et une chambre qu’une longue tradition, d’ailleurs, appelle la "chambre du roi". Cette vocation royale est d’autant plus vraisemblable que, comme le précise Serlio, Antoine de Clermont habite dans l’aile opposée. Son logis, dont la chambre ouvre directement sur l’escalier d’accès, se prolonge par une importante partie privée avec une librairie, une galerie et des accès directs à la chapelle et aux bains. Une telle disposition n’est pas exceptionnelle : à Oiron ou à Nantouillet, le logis qui fait suite à la salle n’est pas non plus celui du propriétaire dont la chambre, ouvrant de l’autre côté du grand escalier médian, est suivie par plusieurs pièces privées, dont une galerie [59]. Néanmoins, l’agencement ne relève pas non plus, semble-t-il, d’une vieille tradition, car dans les plus grands châteaux seigneuriaux du début du siècle - Gaillon, Châteaudun, Bury, Bonnivet et peut-être aussi au Verger -, le logis du maître est situé derrière la salle [60].
Au Grand Ferrare, le logis du propriétaire est bien, comme à Oiron et à Nantouillet, séparé de la salle par l’espace de circulation central. Cependant, au lieu d’ouvrir directement sur le vestibule, la chambre du cardinal est précédée d’une antichambre, constituant ainsi l’appartement minimum de quatre pièces défini par d’Aviler, appartement dont la partie privée est toutefois fort développée puisque qu’elle se prolonge par une galerie et une chapelle, et communique directement avec les bains, le jeu de paume et le jardin. Quant à la salle qui ouvre de l’autre côté du vestibule, elle introduit un logis sans antichambre, composé seulement d’une chambre et d’une garde-robe. Néanmoins, et sans nul doute en raison de sa situation "honorable" (on y accède par le "haut bout" de la salle), ce logis
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est dévolu à l’hôte ainsi que nous l’apprend une lettre du 5 mai 1546 adressée par Alvarotti au duc de Ferrare [61]. Rappelons que l’hôtel étant situé à deux pas du château de Fontainebleau, l’hôte d’Hipppolyte d’Este ne pouvait être le roi, ce qui explique sans doute les dimensions restreintes de l’appartement d’honneur [62] ; en règle générale, comme le montrent notamment Ancy, Ecouen, Vallery ou Noisy [63], la chambre (avec ou sans antichambre) du logis faisant suite à la salle se signale au contraire par des dimensions ou un décor particuliers pour héberger le roi ou dans l’espoir de le faire un jour.
Placée dans l’appartement du maître de maison entre un espace de circulation et la chambre, l’antichambre du Grand Ferrare n’est pas, elle non plus, tout à fait sans précédent. Par sa position, elle s’apparente aux sallettes seigneuriales de Châteaudun ou de Jarzé qui ouvrent directement sur un escalier. Or il n’est pas sans intérêt de noter que la sallette de Châteaudun communique avec la chambre privée du logis ducal et qu’à Jarzé, la sallette du premier étage forme la première pièce d’un logis qui devait se prolonger par une galerie. Et bien qu’il soit difficile de l’affirmer en raison de la difficulté d’interprétation des documents, tout porte à croire qu’Azay-Le-Rideau présentait, du côté de l’escalier opposé à la salle, un logis formé d’une sallette et d’une chambre [64].
Il ne s’agit pas d’exemples isolés. A Ecouen (fig. 15), le logis que Montmorency fait élever à l’époque où le Grand Ferrare sort de terre devait présenter une disposition similaire, autant qu’on puisse en juger en l’absence de texte. Situé au premier étage de l’aile sud, du côté de la chapelle, on y accédait par le grand escalier central où les armes du connétable assurent une sorte de "fléchage". Depuis l’escalier se succédaient deux pièces [65] dont la première, qui ne possède aucun dégagement, était nécessairement une sallette ou une antichambre. La chambre qui suivait, ouvrait d’un côté sur une petite garde-robe, de l’autre sur le palier d’un escalier d’angle menant à la fois à la tribune de la chapelle, à la librairie de l’étage supérieur, et à la galerie orientale [66]. Au bout de la galerie, un autre escalier d’angle descendait vers l’appartement des bains. Ainsi, à Ecouen, l’antichambre absente du logis du roi, existait très vraisemblablement dans celui du connétable [67].
Plus tard dans le siècle, les deux projets successifs pour le château de Verneuil offrent un développement du même ordre. Dans le premier projet (fig.16), l’appartement qui suit la salle ne possède qu’une amorce d’antichambre précédant la très vaste chambre du pavillon d’angle où place du lit est nettement marquée. Mais c’est de l’autre côté de l’escalier central que se développe l’appartement destiné au maître de maison, reconnaissable à la galerie qui le prolonge. La chambre, située d’évidence dans le pavillon d’angle, est séparée de l’escalier d’accès par une pièce carrée où la position des fenêtres interdit de placer un lit, et qui était donc, selon toute apparence, une antichambre.
Dans le second projet de Verneuil (fig. 17), la distribution n’est pas sensiblement différente : c’est encore l’appartement du maître de maison et non celui faisant suite à la salle qui possède une antichambre.
En dépit de ces édifices, le fil conducteur reste assez difficile à saisir dans l’architecture construite. Aussi les recueils de Jacques Androuet Du Cerceau apportent-ils une agréable confirmation en
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établissant clairement la distinction entre les deux types d’appartements à antichambre (avec salle ou sans salle) tout en nous offrant par une vingtaine d’exemples son interpétation de la nouvelle pièce.
Dans le livre de 1559, on trouve peu d’appartements sans salle. Ils apparaissent dans la première moitié du recueil (n° IX, XX, et XXX) et sont liés à des modèles, certes cossus, mais certainement pas princiers. L’un d’eux (n°XX) laisse percer l’origine de l’inspiration, car on y reconnaît les dispositions internes du grand Ferrare, en particulier le vestibule central. Les appartements à salle et antichambre, qui l’emportent largement, se manifestent surtout dans la seconde partie du traité (XXXVIII, XXXXIX, XLI et XLVIII) ou sont liés à des programmes nettement plus ambitieux (n° XVIII, XXIV, XXVIII) [68]. Il semble donc qu’à cette époque, Du Cerceau soit surtout sensible à la mode de cour. Le penchant presque obsessionnel pour le pavillon d’angle qu’il manifeste dans ce traité ne le conduit pas, d’ailleurs, à des propositions heureuses pour l’appartement qui doit en quelque sorte s’enrouler en colimaçon à l’intérieur du plan massé (n° XXVIII, XXXIX, XLI, XLVIII).
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A l’inverse, le livre de 1582 ne présente qu’un seul exemple d’appartement à salle et antichambre (n° XXXIV-XXXIV bis) (fig. 18), dans l’unique projet de l’ouvrage possédant l’apparat nécessaire à un château royal, notamment un escalier monumental et une salle de bal. Groupées au début du recueil, les antichambres sans salle (VI, XI, XVI, XVII, XXXI), reprennent pour quatre d’entre elles (fig. 19) un parti découvert antérieurement, mais que Du Cerceau développe d’une manière tout à fait originale : les deux carrés accolés de l’antichambre et de la chambre répondent symétriquement au rectangle de la salle. Quant au cinquième modèle (n° XI ; fig. 20), il nous rappelle plus directement l’architecture construite en associant, de part et d’autre d’un porche dans oeuvre central, deux logis, l’un à salle sans antichambre l’autre à antichambre, chambre et galerie, que l’auteur s’efforce plus ou moins heureusement de distribuer par des escaliers latéraux.
En conclusion, l’étude des débuts de l’antichambre en France fait apparaître le règne de Henri II comme un temps fort dans la longue histoire de l’appartement. Certes, il ne s’agit pas d’une création ex nihilo, pas plus dans le château seigneurial que dans la demeure royale : l’abandon d’une partie des fonctions de la salle au profit de la sallette, le développement d’un logis confortable pour le propriétaire avec l’introduction de la galerie privée et du cabinet semblent avoir provoqué dès le règne de François Ier une séparation de la salle et du logis du maître que la mode de l’escalier central rampe sur rampe semble avoir précipitée. Mais il revient au règne de Henri II d’avoir trouvé avec l’antichambre des formules durables, non seulement pour la disposition de l’appartement du roi, qui survivra jusqu’à Louis XIV, mais aussi pour celui du maître, et plus encore leur association de part et d’autre d’un escalier central, solution qui prévaudra, à Richelieu encore, pour le roi et le cardinal.
ILLUSTRATIONS
1. Serlio, Livre VI (Columbia), Le Grand Ferrare
2. Serlio, Livre VI (Columbia), Ancy-le-Franc, plan du 1er étage
3. Le Louvre, plan du 1er étage, par Du Cerceau
4. Le Château Neuf de Saint-Germain, plan, par Du Cerceau
5. Anet, plan du 1er étage, par Barbier)
6. Saint-Léger, restitution de la distribution au 1er étage, d’après J. Blécon.
7. Fontainebleau, logis de Henri II, restitution par F. Boudon et J. Blécon
8. Vallery, plan, par Du Cerceau
9. Logis de Charles IX et de Catherine de Médicis à Fontainebleau
10. Charleval, plan, par Du Cerceau.
11. Châteaudun, aile Longueville, restitution de la distribution projetée en 1512, par M. Chatenet
12. château de Jarzé, restitution de la distribution au rez-de-chaussée, par J. Blécon et M. Chatenet
13. Madrid, plan du rez-de-chaussée, par Jean Marot, 1676.
14. Villers-Cotterêts, 1er étage, restitution du logis de François Ier, par M. Chatenet
15. Ecouen, plan du 1er étage, restitution de la distribution par M. Chatenet.
16. Verneuil, 1er projet.
17. Verneuil, 2e projet
18. Du Cerceau, livre de 1582, modèle XXXIV
19. Du Cerceau, livre de 1582, modèle XVI
20. Du Cerceau, livre de 1582, modèle XI
Notes
[1] Ch. A. D’Aviler, Cours d’architecture... 1e ed., 1691. (éd. 1710, p. 377). Je remercie vivement Jean Guillaume pour sa relecture attentive et ses judicieux conseils.
[2] Pierre Verlet, Le château de Versailles, 2e éd., 1985, p. 83, fig. 9. Pour l’appartement royal français au XVIIe siècle, voir l’article fondamental de Hugh Murray Baillie, "Etiquette and the Planning of the State Apartments in Baroque Palaces", Archaeologia or Miscellanious tracts relating to Antiquity, vol. CI, 1967, p. 169-199.
[3] J. Guillaume (dir.) "Architecture et vie sociale. L’organisation intérieure des grandes demeures à la fin du Moyen Age et à la Renaissance, Paris, 1994 (coll. "De architectura"). B. Jestaz, "Etiquette et distribution intérieure dans les maisons royales de la Renaissance", Bulletin monumental, 1988, p. 109-120.
[4] J. Du Bellay, Les Regrets (1558), sonnet 157 : "aux muses je bastis, d’un nouvel artifice, un palais magnifique à quatre appartements". Cité par J.-M. Pérouse de Montclos, "Logis et appartements jumelés dans l’architecture française", Architecture et vie sociale ..., p. 236. Le terme, qui apparaît dans le règlement général de 1585, s’impose très lentement.
[5] F. Boudon et M. Chatenet, "Les logis du roi de France au XVIe siècle", Architecture et vie sociale..., p. 65-82 ; B. Jestaz, op. cit.
[6] Les logis de François Ier à Blois, Fontainebleau, Villers-Cotterêts et Chambord présentent des galeries.
[7] Huguet, Dictionnaire de la langue française au XVIe siècle, cite un exemple de 1529 isolé du contexte architectural.
[8] J.-P. Babelon, "Du "Grand Ferrare à Carnavalet. Naissance de l’hôtel classique", Revue de l’art, n° 40-41, 1978, p. 83-108.
[9] Voir par exemple le Livre VII, pl. 23.
[10] Sabine Frommel, Sebastiano Serlio architetto, 1998.
[11] S. Serlio, Livre VI, ms. Université de Columbia, éd. par Myra Rosenfeld, Sebastiano Serlio on Domestic architecture, pl. XVII : "Nel capo della sala si trova una camera D della quale s’entra alla camera angolare E drieto la quale vi è una camera F et questa sarà amezzada e così la camera D si potrà amezare." Il est clair que la pièce principale de la suite est la seconde chambre. Les mots "anticamera, salotto, camera" qui figurent sur le plan lui-même ont été rapportés ultérieurement par Serlio. Le manuscrit de Munich a été édité par M. Rosci, Il trattato di architettura di Sebastiano Serlio, Milan, 1967.
[12] C. Grodecki, "Les marchés de construction pour l’aile Henri II du Louvre (1546-1558), Archives de l’art français, t. XXVI, 1984, p. 19-38, marché récapitulatif de la maçonnerie CXXII, 165, 17 avril 1551. Sur la minute, le mot "antichambre" est ajouté dans la marge et d’une autre écriture parce que, comme l’explique C. Grodecki (communication verbale), il ne s’agit pas d’une rédaction a novo mais de la mise à jour d’un acte passé antérieurement. On a ainsi la preuve qu’avant 1551 Lescot n’a pas encore introduit formellement l’antichambre dans la distribution du logis royal. Voir F. Boudon - M. Chatenet, op. cit.
[13] Arch. nat., Minutier central, XIX, 108, 11 février 1557 (n. st.) publié avec quelques erreurs par M. Roy, Artistes et monuments de la Renaissance en France..., t. I, 1929, p. 379 (devis du 11 février 1557 n. st.).
[14] A moins que ce ne soit à une chambre et à l’appartement des bains.
[15] Philibert de L’Orme, L’Architecture, 1567, liv. IV, chap. 1.
[16] C. Grodecki, Les travaux de Philibert Delorme pour Henri II et son entourage. Documents inédits recueillis dans les actes des notaires parisiens, Nogent-le-Roi, 2000, pp. 71-73. Je remercie très vivement l’auteur qui, avec sa générosité coutumière, m’a communiqué ces textes inédits. Pour le château de Beynes (Yvelines), voir la notice de Nicolas Faucherre, dans Le guide du patrimoine. Ile-de-France. Paris, 1992, p. 128-129.
[17] F. Boudon et J. Blécon, Philibert de L’Orme et le château royal de Saint-Léger en Yvelines, Paris, 1985.
[18] F. Boudon, J. Blécon, C. Grodecki, Le château de Fontainebleau de François Ier à Henri IV, 1998 (à paraître).
[19] E. Thomas, "Les logis royaux d’Amboise", Revue de l’art, 1993,p. 44-57.
[20] L. Romier, La carrière d’un favori. Jacques d’Albon de Saint-André, 1909, p. 237-239.
[21] Conservés à Chantilly, publ. par P. Du Colombier, "L’Enigme de Vallery", Humanisme et Renaissance, t. IV, 1937, p. 1-15. et par R. Planchenault, "Les châteaux de Vallery", Bulletin monumental, 1963, p. 237-259.
[22] Archives curieuses, 1e série, t. 3, 1835, p. 175 sq. :
"alors fut institué un nouveau conseil appelé les affaires du matin, encores observé tel (règne Charles IX). Le roi estant éveillé, sa chemise lui est apportée ; lors, tous les grands et la plus grande partie de la noblesse entre pour le saluer. Sa chemise prise, qui luy est baillée par le premier et le plus grand des princes qui se trouve là, et luy habillé, après s’estre prosterné à genoux devant un petit oratoire et autel qu’on lui dresse en sa chambre, ses devotions faites, luy relevé, chacun se retire et ne demeure que ceux des affaires")
[23] Voir par exemple la description du lever dans une lettre de Jean de Ravenel à François de La Trémoïlle du 22 avril 1531 citée par A. de Ruble, "La cour des Enfants de France sous François Ier", Notices et documents publiés par la Société de l’histoire de France, 1884, p. 323, sq.
[24] Monique Chatenet, "Henri III et l’ordre de la cour. Evolution de l’étiquette à travers les règlements généraux de 1578 et 1585", R. Sauzet (dir.), Henri III et son Temps, Paris, 1992, p. 132-139.
[25] Mantoue, Archivio di Stato, A. G. 636. 1520, 5 octobre Paris (Stazio Gadio)
[26] Mantoue, Archivio di Stato, A. G. 638. Lettre de Fabriziano Bobba, 26 juin 1539, citée par M. Smith, "Familiarité française et politesse italienne au XVIe siècle", Revue d’histoire diplomatique, n°3-4, 1988, p. 213.
[27] Edit de 1523, cité par Gaston Zeller, Les institutions de la France au XVIe siècle, Paris, 1987, p. 97.
[28] F. Boudon et M. Chatenet, op. cit.
[29] H. de La Ferrière (Lettres de Catherine de Médicis, t. II, 1885, p. 90-95,) date la lettre du 8 septembre 1563 ; mais cette date a été contestée, notamment par Mariéjol (Catherine de Médicis(1519-1589), Paris, 1920, p. 269-270.) qui y a vu, non sans arguments, une lettre adressée à Henri III en 1576. Il faut relever néanmoins que toutes les copies de cette lettre (dont certaines du XVIe siècle), la disent adressée à Charles IX "peu après sa majorité".
[30] Voir, par exemple : Mantoue, Archivio di Stato, A.G. 661, 25 février 1585, Paris (Ferrante Guisoni au duc de Mantoue). et Bibl. nat., Ms. fr. 4321, fol. 31., 23 février 1585. Il faut en conclure qu’on avait changé de place la chambre du roi ou qu’on avait coupé par des cloisons la salle haute du Louvre.
[31] M.Chatenet, "Henri III et l’ordre de la cour"...
[32] P. Smith The anti-courtier trend in XVIth century French Litterature, Genève, 1966 (Travaux d’humanisme et Renaissance, LXXXIV).
[33] Etienne Pasquier (Recherches, VIII, 3 , p. 662) blâme l’emloi du mot antichambre : "il y avoit plus de raison de dire avant-chambre".
[34] Voir en particulier C. L. Frommel, Der Römische Palastbau der Hochrenaissance, Tübingen, 1973, et Patricia Waddy, "The Roman Apartment from the Sixteenth to the Seventeenth Century", Architecture et vie sociale..., p. 155-166.
[35] Kathleen Weil-Garris et John d’Amico, "The Renaissance ideal Palace : A Chapter from Cortesi’s De Cardinalatu", Studies in Italian Art History, I, 1980, p. 45-123.
[36] A Luzio et R. Renier, "Gara di viaggi fra due celebre donne", Intermezzo, t. 1, 1890, p. 8, cité par Marc Smith, Familiarité française ... p. 219.
[37] On serait même tenté d’imaginer, puisque la nouvelle pièce entraînait nécessairement une redéfinition des compétences des officiers de la Maison, que Saint-André n’était pas hostile à l’adjonction d’une pièce susceptible d’étendre ses prérogatives de premier gentilhomme de la chambre au détriment des officiers de la salle placés sous la responsabilité directe du Grand maître Montmorency.
[38] Relation de Richard Cook, publ. par D. L. Potter et P.R. Roberts, "An Englishman’s view of the court of Henri III, 1585", French History, 1990. Voir aussi : M. Chatenet "Henri III et le cérémonial du dîner ", Les tables royales (Colloque de l’Ecole du Louvre, Versailles 1994, à paraître)
[39] C. Grodecki, Documents du Minutier central, t. I ; n° 330.
[40] Kristen B. Neuschel, "Noble Households in the Sixteenth Century : Material Settings and Human Communities", French Historical Studies, vol. XV, n° 4, 1988, p. 595 - 622.
[41] F. Godefroy, dans le Dictionnaire de l’ancienne langue française... (mot "salete"), cite notamment R. Estienne, Dictionariolum.. ; (éd. 1542) : "petit lieu ou salette à manger" et J. Nicot, Thrésor... (éd. 1606) : "Une sallette, aulula, caenatio". Voir également Philibert de L’Orme, Architecture, liv. VIII, ch. XIII : "[les salles] qui sont petites et servent pour manger ordinairement..." ; Olivier de Serres, Théâtre d’agriculture, 1605, Liv. I, ch. V. : "sallette ou mangeoir ordinaire" ; Y. Cazaux (éd.), Mémoires de Marguerite de Valois, Paris, 1971, p. 145. "[1578 :] L’heure du soupper estant venue, qui estoit un jour maigre, que le roi ne souppoit point, la reine ma mère souppa seule en sa petite sale, et moy avec elle."La citation proposée par Furetière "il faut menager en cet appartement une salette pour manger" montre que le terme est encore en usage à la fin du XVIIe siècle.
[42] Charles V possédait au Louvre une salle servant uniquement pour les repas (M. Whiteley, "Le Louvre de Charles V. Dispositions et fonctions d’une résidence royale", Revue de l’art, n°97, 1992, p. 60-71.), mais ses successeurs sur le trône de France semblent avoir abandonné cet usage. En revanche, la tradition se perpétue dans le contexte bourguignon ainsi qu’on peut le lire dans Les honneurs de la cour d’Aliénor de Poitiers (éd. J. B. de La Curne de Sainte-Palaye, Paris, 1781, t. 2.) : "Aussi les gentilshommes de telles maison [de roys, ducqs, princes] peuvent avoir des ciels et dosserets en leurs sales ou salettes dessus les tables où ils mangent". Je remercie vivement Mark Girouard de m’avoir communiqué cette référence.
[43] D. Hervier, Pierre Le Gendre et son inventaire après décès..., Paris, 1977. L’inventaire a été dressé en 1525.
[44] Et plus loin "petite salle" : A.D. Eure-et-Loir, E. 2850, fol. 6-7, 19 février 1512 (n. st.)
[45] M. Chatenet et C. Cussonneau, "Le devis du château de Jarzé : la place du lit." Bulletin monumental, 1997 (II), pp. 103-126. Le terme sallette apparaît dans un texte de 1603 et qualifie à la fois la pièce du rez-de-chaussée et celle de l’étage.
[46] Dans de nombreux modèles du Livre de 1559, (n°I, VII, IX, XIV, etc.), la pièce, signalée par les lettres AF ("aula famulitii") est appelée dans le texte "salle pour les serviteurs" ou "salle commune". Cinq des six modèles des Petites habitations présentent une "salle commune" située, tantôt près de la cuisine (A), tantôt entre la cuisine et le logis (C, D), tantôt dans le logis (B, F). Dans ce dernier cas, elle est doublée, à l’étage des offices, par une "salle pour les serviteurs" (D. Thomson, "France’s Earliest Illustrated Printed architectural Pattern Book. Designs for living "à la française" of the 1540’s", Architecture et vie sociale..., p. 221-234) .
[47] Op. cit. L’auteur prend pour exemple le connétable de Montmorency qui se prétendait moins bien servi lorsqu’il ne dînait pas à la cuisine.
[48] Il n’y avait apparemment pas de sallette à Amboise (E. Thomas, op. cit.), ni à Blois : dans le montre le récit de l’entrevue Louis XII et de Philippe le Beau en 1501, la "salle où mange le roi" et la "salle du roi" ne sont qu’une seule et même pièce (Théodore et Denis Godefroy, Le cérémonial françois, Paris, 1649, t. II, p. 149-155.)
[49] Krista de Jonge, "Le palais de Charles Quint à Bruxelles. Ses dispositions intérieures aux XVe et XVIe siècles et le cérémonial de Bourgogne", Architecture et vie sociale..., p. 107-125.
[50] M. Chatenet, Le château de Madrid au bois de Boulogne, Paris, 1987.
[51] C’est le qualificatif qu’emploie Du Cerceau dans les Plus excellents bâtiments. On remarquera que l’auteur, dans le Livre d’architecture de 1559, marque la différence entre la "salle" ordinaire (aula, AL), la "grande salle" (aula publica, AP) et la "salle de bal" (aula saltationis, AS). Voir aussi ci-dessus, note 46.
[52] Arch. nat., N III Aisne 188 1-12 Voir C. Riboulleau, Villers-Cotterêts. Un château royal en forêt de Retz, Amiens, 1991 (Cahiers de l’Inventaire, n°24). Je remercie vivement l’auteur pour les nombreux renseignements et documents dont elle m’a fait bénéficier.
[53] C. Riboulleau, op. cit., p. 49. Sur le dessin du British Museum, Du Cerceau a porté cette note marginale : "au second estage est une salle de 12 t. de long sur 4 t. et demie de large" (23,50 m. sur 8,80 m., soit 207 m2).
[54] Arch. nat., N III Aisne 188 1 : plan du 1er étage de l’aile gauche, s. d. (vers 1750). Le plan présente un projet de transformation de la chambre du roi, mais l’état avant travaux est clairement indiqué : il n’y avait pas de porte entre la salle et la chambre. Ce serait d’ailleurs très peu vraisemblable : d’une part l’espace pour la percer est très réduit (environ 80 cm.) ; d’autre part, comme le montre la position désaxée de la cheminée de la chambre, c’est là que s’appuyait le lit du roi.
[55] F. de Mallevoüe, Les actes de Sully passés au nom du roi de 1600 à 1610, Paris, 1911, p. 217 : "Item en la grande salle appelée la salle de bal qui regarde sur le jardin".
[56] F. Boudon et M. Chatenet, op. cit. : noter qu’à Versailles, l’appartement royal de 1683 possède également deux antichambres, dont l’une (cette fois la première) est appelée "la salle où le roi mange" (B. Saule, Versailles triomphant. Une journée de Louis XIV, Paris, 1996, p. 163.)
[57] Bibl. Marciana, It. cl VII 1743 (7802) : Ceremoniale della corte di Francia presentato da Giovanni Battista Nani quando ritornato da quell’ambasciata estraordinaria 1660.
[58] Discours de la court presenté au Roy par M. Claude Chappuys son libraire et varlet de chambre ordinaire, Paris, 1543. Je remercie très vivement Marie-Madeleine Fontaine de m’avoir signalé cette très instructive évocation poétique de la cour de France.
[59] J. Guillaume, "La galerie dans le château français : place et fonction", Revue de l’art, 1993, p. 33-42.
[60] Ibid. A Gaillon, Bury et Bonnivet, le logis du maître possède une galerie. Pour Châteaudun, voir M. Chatenet, Le château de Madrid..., P. 244.
[61] (Pacifici, p. 141, note 1 : "Il cardinale (...) havea preparato un bellissimo banchetto nel suo palazzo, il quale ha tutto apparato e posto eccellentemente in ordine, (...) cioè un salotto assai ben grande, tre stantie per S. S. R.ma et due da forestieri. Sotto le sue vi è una stuffa da lavarsi dipinta a grotteschi assai belli”.
[62] Plusieurs historiens, dont Kristen B. Neuschel, (op. cit., p. 605), ont signalé l’importance des hôtes dans les dépenses des Maisons de la noblesse. Mais on trouve peu de renseignements sur le lieu où on les loge en dehors de ce passage de Ian Loys Vivès (Dialogues, éd. franco-latine, Anvers, 1571 ; 1e éd. latine, 1535) qui décrit manifestement une maison flamande : "Ceste chambre haute est là où l’on reçoit les hôtes, non pas que mon maître baille chambre à louage ce que ja n’advienne ; mais elle est préparée pour ses amis venant loger chez luy, tousjours ornée, garnie et vaquante".
[63] Pour le logis du roi au château de Noisy (Noisy-le-Roi, Yvelines), voir les marchés publiés par C. Grodecki, Documents du minutier central..., t. II, p. 172-173 (21 octobre 1577) et Hélène Couzy, « Le château de Noisy-le-Roi », dans Revue de l’art, n° 38, 1977, p. 23-34.
[64] M. Latour, "L’angle d’Azay-le-Rideau", Bulletin monumental, 1993, p. 605-615. L’inventaire de 1537 ne permet pas de connaître la distribution originelle, car le premier étage étant endommagé, les propriétaires avaient dû se replier tous deux au rez-de-chaussée. Néanmoins, la première pièce à gauche de l’escalier, sans dégagement ni place pour le lit, a bien les caractères d’une sallette.
[65] La cloison centrale a disparu mais le décor des poutres indique clairement son emplacement.
[66] V. Carloix dans les Mémoires du maréchal de Vieilleville, t. I, chap. VIII, fait explicitement référence au "cabinet de la chambre" de Montmorency où Henri II, Vieilleville et Montmorency conversèrent deux heures durant en 1547. Reste à savoir où était située cette pièce qui a pu être modifiée lors de la construction de la galerie orientale.
[67] Il en était apparemment de même dans le logis de Mme de Montmorency situé dans la partie droite de l’aile sud.
[68] F. Boudon, "Les livres d’architecture de Jacques Androuet Du Cerceau", A. Chastel et J. Guillaume (dir.), Les Traités d’architecture de la Renaissance, Paris, 1988, p. 387-396. (coll. "De architectura").