Noblesse d’épée et tradition militaire au XVIIIème siècle
Philippe Bechu
Philippe Bechu, "Noblesse d’épée et tradition militaire au XVIIIème siècle", dans Histoire, économie & société, 1983, n° 4, p. 507-548.
Extrait de l’article
Chacun connaît l’interrogation du chevalier d’Arcq : « Noblesse militaire : depuis quand ces deux mots ne sont-ils plus synonymes parmi nous ? »
Certes, un même statut juridique, la conscience d’appartenir à un même ordre, parfois les mêmes préjugés, tout ceci fait que l’on a pu parler de l’égalité de toute noblesse. En fait, la disparité entre la naissance, les fortunes, les talents, les charges, les carrières et les emplois n’est nulle part aussi grande qu’au sein du second ordre et la « noble familiarité » décrite par Sébastien Mercier et unissant toutes les catégories de noblesse semble bien difficile à étendre à l’ensemble de l’ordre.
Si l’étude d’un corps aussi hétérogène par l’origine et les fonctions de ses membres que celui de la noblesse est particulièrement délicate, l’analyse se révèle plus difficile encore lorsqu’on choisit de traiter de la gentilhommerie militaire. Les « élites militaires » sont en effet de nature complexe car, l’existence d’une hiérarchie proprement militaire n’exclut pas d’autres critères d’estime sociale tels que la « qualité », la fonction ou les distinctions dont on est revêtu.
Nous avons voulu, à partir de l’étude d’une carrière et de l’évocation d’une famille, tenter d’appréhender ce que l’on pourrait appeler la « noblesse guerrière » et essayer de déterminer par delà les oppositions traditionnelles, et quelque peu artificielles, entre noblesse de cour et noblesse de province ou entre noblesse de robe et noblesse d’épée, quelle était l’importance de la tradition militaire au sein de la noblesse d’épée.
La famille de Scépeaux, qui sert d’illustration à notre propos, tient une place un peu particulière. A la fois provinciale et parisienne, elle fait, à partir des années 1740- 1750, la transition entre la noblesse de cour et la noblesse de province avec laquelle elle entretient un réseau serré de relations familiales et amicales.