Rapport d’autopsie du roi Henri III par le chirurgien Jacques Guillemeau
Jacqueline Vons (éd.)
Comment citer ce document :
Jacqueline Vons (éd.), "Rapport d’autopsie du roi Henri III par le chirurgien Jacques Guillemeau", extrait de : Jacques Guillemeau, Les Œuvres De Chirurgie, Rouen, 1649, chez Jean Viret, François Vaultier, Clement Malassis et Jacques Besonge [De l’imprimerie de Pierre Maille], p. 857 [exemplaire consulté : BU Médecine de l’Université François-Rabelais, Tours]. Document commenté édité en ligne sur Cour de France.fr le 2 novembre 2008 (https://cour-de-france.fr/article650.html) dans le cadre du projet de recherche "La médecine à la cour de France".
Rapport du corps mort du Très chrétien Henry troisieme, Roy de France et de Pologne
Nous soussignez, Conseillers, Medecins et Chirurgiens ordinaires du Roy, certifions que le jour d’hier, Mercredi deuxiesme de ce present mois d’Aoust mil cinq cens quatre vingt neuf, environ les dix heures de nuit suivant l’ordonnance de Monsieur le Grand Prevost de France, es [=en] hostel du Roy, nous avons veu et diligemment visité le corps mort de deffunt, de très-heureuse mémoire, et tres Chrestien Henry III, vivant Roy de France et de Pologne, lequel estoit decedé le mesme jour environ les trois heures apres minuit, à cause de la playe qu’il receut de la pointe d’un cousteau au ventre inferieur, au dessous du nombril partie dextre, le mardy precedent sur les huit à neuf heures du matin, et à raison des accidents qui survindrent à Sa Majesté Tres chrestienne, tost et apres icelle playe receüe de laquelle et accidens susdits, nous avons fait plus ample rapport à Iustice.
Et pour avoir tres-ample cognoissance de la profondeur de ladite playe, et des parties interieures offencees, nous avons fait ouverture dudit Ventre inferieur avec la Poitrine et Teste : apres diligente visitation de toutes les parties contenuës au ventre inferieur, nous avons trouvé une portion de l’intestin gresle nommé Ileon percé d’outre en outre, selon la largeur du cousteau de la grandeur d’un pied, qui nous a esté représenté saigneux plus de quatre doigts revenant à l’endroit de la playe exterieure, et profondant plus avant ayant vuidé une tres grande quantité de sang espandu par ceste capacité avec gros Thrombus ou caillons de sang ; nous avons aussi veu le Mezentere percé en deux divers lieux, avec incision des veines et arteres.
Toutes les parties Nobles, les Naturelles et Animales contenuës dans la Poitrine, Ventre inferieur et en la Teste estoient naturellement bien disposees, et suivant l’aage bien temperees et sans aucune lesion ny vice, excepté que toutes les susdites parties (comme aussi les veines et arteres tant grosses que petites) estoient exangues et uides de sang, lequel estoit tres abondamment sorti hors par ces playes internes, principalement du Mezentere, et retenu dedans la dite capacité comme en un lieu estrange et contre nature ; à raison de quoy la mort de necessité, et en l’espace d’environ dix huit heures, est advenuë à Sa Majesté Tres chrestienne, estant precedee de frequentes faiblesses, douleurs extremes ; suffocation, nausee, fievre continuë, altération et soif intolerable, avec tres grandes inquietudes. Lesquelles indispositions commencerent peu apres le coup donné, et continuerent ordinairement jusques au parfait et final sincoppe de la mort ; laquelle pour les raisons et accidens susdits, quelque diligence qu’on y eust peu apporter, estoit inevitable ; faite sous nos seings manuels, au camp de S. Cloud prez Paris, le Jeudi matin troisiesme d’Aoust, mil cinq cens quatre-vint-neuf.
Les Medecins qui ont assisté
LE FEVRE, DORTOMAN, REGNARD, HEROARD
Les chirurgiens qui l’ont embaumé
PORTAIL, LAVERNOT, D’AMBOISE, VAVDELON, LE GENDRE ».
Copie du rapport publié par Henry Dupuy
Une copie de ce rapport a été publiée par Henry Dupuy, « Sur les autopsies cadavériques des Rois de France, depuis Charles IX jusqu’à Louis XVIII, d’après les procès-verbaux authentiques recueillis », Revue médicale française et étrangère, septembre 1829, tome III, p. 361-390 [ici p. 366-368] [exemplaire consulté : Bibliothèque interuniversitaire de médecine et d’Odontologie de Paris].
On constate quelques différences de graphie, de ponctuation et de termes dans le texte de Dupuy, sans modification essentielle du sens [elles sont signalées en italique], si on excepte la disparition de la mention du lieu où l’autopsie aurait été pratiquée. On constate également un appauvrissement de savoir dans la réduction du nombre de signataires.
RAPPORT DU CORPS MORT DU TRÈS CHRESTIEN HENRI TROISIEME, ROY DE FRANCE ET DE POLOGNE.
Nous soussignez, conseillers médecins et chirurgiens ordinaires du Roy, certifions que le jour d’hier, mercredi deuxiesme de ce présent mois d’aoust mil cinq cent quatre-vingt et neuf, environ les dix heures de nuit, suivant l’ordonnance de Monsieur le grand prévôt de France et vertu du Roy, nous avons veu et diligemment visité le corps mort de deffunt, de très heureuse mémoire et très chrestien, Henry III vivant roy de France et de Pologne, lequel estait décédé le même jour environ, les trois heures après minuit, à cause de la playe qu’il receut de la pointe d’un cousteau, au ventre inférieur au-dessous du nombril, partie dextre.
Ce mardy précédent, sur les huit à neuf heures du matin, et à raison des accidents qui survindrent à sa majesté très chrestienne, tost et après icelle playe receüe, de laquelle et accidents susdits nous avons fait plus ample rapport à justice.
Et pour avoir très ample cognoissance de la profondeur de la dite playe et des parties intérieures offensées, nous avons fait ouverture du dit ventre inférieur, avec la poistrine et teste : après diligente visitation de toutes les parties contenues au ventre inférieur, nous avons trouvé une portion d’intestin grêle, nommé ileon, percée d’outre en outre, selon la largeur du cousteau de la grandeur d’un pied, qui nous a été représenté saigneux plus de quatre doigts, revenant à l’endroit de la plaie extérieure et profondant plus avant. Ayant vidé une très grande quantité de sang espandue par cette capacité avec gros thrombus ou caillons de sang, nous avons aussi veu le mezentère percé en deux divers lieux, avec incision des veines et des artères.
Toutes les parties nobles, les naturelles et les animales, contenues en la poitrine, ventre inférieur et en la teste, estaient naturellement bien disposées et suivant l’aage bien tempérées et sans aucune lésion ni vice ; excepté que les susdites parties (comme aussi les veines et les artères tant grosses que petites) estoient exangues et vides de sang, lequel estait très abondamment sorti hors par les playes internes, principalement du mezentère, et retenu dedans la dite capacité comme en lieu estrange et contre nature : à raison de quoi, la mort de nécessité et en l’espace d’environ dix-huit heures, est advenue à sa majesté très chrestienne, estant précédée de fréquentes faiblesses, douleurs extrêmes, suffocation, nausées, fièvre continue, altération et soif intolérables, avec de très grandes inquiétudes : lesquelles indispositions commencèrent peu après le coup donné, et continuèrent ordinairement jusqu’au parfait et final syncope de la mort, laquelle pour les raisons et accidents susdits, quelque diligence qu’on y eust pu apporter, estait inévitable : faite sous nos seings manuels au Camp de Saint-Cloud, proche Paris, le jeudi matin troisième d’aoust mil cinq cent quatre-vingt-neuf.
Les médecins qui ont assisté, LEFEVRE, DORTOMAN
Les chirurgiens qui l’ont embaumé, PORTAIL, LAVERNOT