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Présence du corps absent 

Estelle Doudet

Estelle Doudet, « Présence du corps absent », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 32, 2016, 19-36.

Extrait de l’article

« Le roi ne meurt jamais » est le titre donné aux pages finales des Deux corps du roi d’Ernst Kantorowicz. La mort princière est l’un des moments-clefs de la théorie des corps symboliques et des imaginaires politiques qu’elle articule. C’est alors que se pose de façon aiguë la dialectique de l’absence et de la présence, de l’éphémère et du permanent. Lorsqu’advient un décès royal, les commentateurs contemporains déploient en général ce que Francis Assaf a appelé une thanatographie : se multiplient déplorations poétiques, proses commémoratives, épitaphes ornées des couleurs de la louange. Grâce à une rhétorique mêlant plainte et consolation, ces productions disent le changement de règne tout en prévenant les troubles qu’il pourrait provoquer. Les spectacles ont activement participé au XVe siècle à une telle publicisation de la mort du souverain. Parallèlement aux effigies présentes aux funérailles des rois de France depuis Charles VI, des mises en scène théâtrales montrant le prédécesseur disparu ont parfois été intégrées aux entrées urbaines offertes aux nouveaux gouvernants.

es spectacles qui s’affrontent à la représentation de la mort du prince régnant visent moins, en général, à commenter la disparition de tel ou tel individu qu’à démontrer la pérennité du corps politique dont il était le chef. En cela, leur propos ne se distingue guère des thanatographies lyriques et narratives. Cependant le théâtre étant lui-même un lieu où s’articulent des corps de chair, ceux des acteurs, et des corps de fiction, ceux des personnages, y montrer un souverain qui vient de décéder soulève des problèmes délicats. Comment donner à voir ce qui échappe désormais aux regards à une époque où les spectres hantent rarement les planches ? Quel corps du roi les corps de théâtre permettent-ils d’incarner ? Pour quelles raisons représente-t-on un passé désormais révolu lors des fêtes d’avènement ?

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