Peut-on parler de modèle nobiliaire à propos des familles des demoiselles de Saint Cyr entre 1686 et 1793 ?
Dominique Picco
Comment citer cet article :
Dominique Picco, "Peut-on parler de modèle nobiliaire à propos des familles des demoiselles de Saint Cyr entre 1686 et 1793 ?", dans J. Pontet, M. Figeac, M. Boisson (éd.), La noblesse de la fin du XVIe siècle au début du XXe siècle, un modèle social ? Actes du colloque organisé par le CAHMC (Centre Aquitain d’Histoire Moderne et Contemporaine) du 3 au 5 mai 2001 à l’Université Bordeaux III, Anglet, Atlantica, 2002, tome 1, p. 173-198. Article édité en ligne sur Cour de France.fr le 1er juin 2008 (https://cour-de-france.fr/article377.html).
Le texte diffère très légèrement de la version éditée en 2002.
(Page 173 de la première édition)
1686, Louis XIV fonde la Maison royale de Saint Louis à Saint Cyr et souhaite, par l’intermédiaire de cette institution, récompenser ses officiers en leur accordant le privilège de faire élever leurs filles aux frais du Trésor. Venir en aide à une noblesse durement frappée dans ses rangs [1] et dans ses finances [2] par les guerres qui se succèdent et inquiète de la perspective d’un nouveau conflit qui se précise par la signature de la Ligue d’Augsbourg en juillet 1686 semblait une nécessité. Dans le même esprit, le roi avait d’ailleurs créé, dès 1670, l’hôtel des Invalides, et en 1682 les compagnies de cadets gentilshommes. Avec le recul, cette nouvelle fondation paraît aux historiens, tels Bruno Neveu [3] et Daniel Roche [4], à la charnière des préoccupations éducatives de Madame de Maintenon [5], de la politique de récompense des valeureux soldats, mais aussi de la volonté royale de soumission du
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second ordre. Récompenser, gratifier par des pensions voire par des décorations [6], pour attirer le maximum de nobles dans les armées était aussi un moyen de mieux les soumettre en les rendant redevables de ses bontés.
Saint Cyr était ouvert à la noblesse du royaume mais encore fallait-il que les futures demoiselles soient conformes au profil défini, dès la fondation, par le pouvoir royal. Par la représentation qu’ils se faisaient des familles aptes à être admises à Saint-Cyr, Louis XIV et ses successeurs créèrent donc non pas tant une noblesse particulière qu’un modèle nobiliaire spécifique. La royauté fit donc exister un modèle de noblesse, celui des demoiselles de Saint Cyr.
L’intérêt suscité parmi les gentilshommes de la France entière fut grand et nombreux sont ceux qui tentèrent d’y placer leurs filles. La confrontation entre leurs demandes et la représentation monarchique de la famille idéale, indispensable pour tenter de mesurer l’adéquation entre modèle produit par le pouvoir et candidates, n’est possible, vu la rareté des sources, que sur une période très restreinte, entre 1711 et 1717. Si l’adhésion de ces lignages aux normes requises constituait bien un présupposé inhérent à toute tentative d’intégration dans cette structure sélective, a-t-elle été pour autant pure et simple ou bien ces nobles n’ont-ils pas, par leurs pratiques, fait déraper le modèle initial vers un autre, plus large ou plus restreint ?
En un siècle, plus de trois mille fillettes parvinrent à franchir les grilles de ce prestigieux établissement construit à l’ombre de Versailles, non sans avoir surmonté les obstacles liés aux formalités d’admission. Leurs familles peuvent être appréhendées par leurs Preuves de noblesse conservées pour les années 1686-1766. Mais, si ces dossiers permettent bien de vérifier la conformité de ces lignages au modèle monarchique, il ne faut pas en oublier les limites : sans cesse, il est indispensable de démêler le vrai du faux, la réalité de l’image que ces familles cherchent à donner d’elles-mêmes au généalogiste royal.
Ainsi l’étude, à partir de sources différentes, des lignages des demoiselles de Saint-Cyr permet-elle de dégager trois modèles nobiliaires imbriqués, celui de la monarchie, celui des familles candidates et enfin
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celui des admises. Ces profils aux contours plus ou moins bien dessinés se recoupent, se superposent en partie et permettent, en entrant dans la sphère des représentations et pratiques nobiliaires, d’explorer « de nouvelles voies pour interpréter les phénomènes nobiliaires », selon les termes de Robert Descimon [7].
Le modèle nobiliaire défini par le pouvoir royal
Dès les premières Lettres patentes [8] de 1686, Louis XIV dessine nettement les contours des futures demoiselles. Les deux cent cinquante places sont destinées à des :
« ...filles nobles et principalement de celles qui seront issues de gentilshommes qui auront porté les armes. Voulons qu’aucune demoiselle ne puisse être admise pour remplir l’une des dites deux cent cinquante places qu’elle n’ait fait preuve de noblesse de quatre degrés du côté paternel, dont le père sera le premier ».
Saint-Cyr s’adresse à la seule noblesse, à condition qu’elle soit ancienne et prouvée, avec une très nette préférence pour les familles de militaires. Le préambule de ce même texte précise qu’il s’agit de :
« ...pourvoir à l’éducation des demoiselles d’extraction noble surtout pour celles dont les pères étant morts au service, ou s’étant épuisés par les dépenses qu’ils auraient faites, se trouveraient hors d’état de leur donner les secours nécessaires pour les faire bien élever » [9].
Nobles, mais d’une noblesse ancienne et avérée, orphelines ou d’une famille ruinée par le service du roi au cours des guerres récentes, telles sont donc définies, dès l’origine, les postulantes idéales ; la seule formalité précise à accomplir étant l’établissement des preuves de noblesse, démarche indispensable jusqu’en 1790 [10].
Les Lettres Patentes de 1694 [11] et de 1718 [12] ne marquèrent aucun changement notable dans les critères d’admission. Cependant celles de 1694, plus précises quant à la nature des documents nécessaires pour faire acte de candidature, peaufinent le profil des postulantes. Un placet, donnant nom et qualité de la fillette, de ses parents, et éventuels états de service du père, doit s’accompagner d’un certificat de pauvreté
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de l’évêque et d’un extrait de baptême destiné à vérifier l’âge de l’enfant et sa filiation noble. Si, et seulement si, la candidature est retenue, la famille fait ses preuves de noblesse sans que ce texte ne précise la nature des pièces à fournir ; une fois la noblesse établie, l’admission devient définitive. Dans le texte de 1718, Philippe d’Orléans confirme la fondation de Louis XIV, tant au niveau des intentions, des principes que des biens matériels et des structures de la communauté religieuse, sans remettre en cause les critères d’accès et donc sans altérer le profil des familles. Il faut attendre 1763 pour que Louis XV modifie les conditions d’admission :
« A l’avenir, aucune des deux cent cinquante places fondées en notre maison de Saint-Cyr ne pourra être accordée qu’à celles dont le père ou le grand-père auront servi au moins dix ans dans nos troupes, si ce n’est qu’avant ledit temps l’un ou l’autre aient été tués à notre service, ou qu’ils l’aient quitté par rapport à des blessures ou des infirmités qui les aient empêchés de continuer » [13].
Le modèle nobiliaire imposé par le pouvoir devient alors plus étroit puisque recentré sur la seule noblesse militaire, peut-être dans le but de récompenser les officiers engagés dans la désastreuse guerre de Sept-Ans, à moins que ce ne soit déjà là les prémices de la réaction aristocratique. Même si auparavant le service des hommes de la famille était souhaitable, ce n’est qu’en 1763 qu’il devient critère officiel de sélection. L’accès à Saint-Cyr est alors, en théorie, impérativement lié à un temps minimum passé aux armées du père ou du grand père, véritable comptabilité de l’impôt du sang. Au-delà d’une noblesse ancienne et désargentée, l’institution devient alors le domaine réservé des filles de militaires. Aucune autre évolution des critères d’admission et du même coup du profil des familles des demoiselles n’intervint jusqu’à la suppression des preuves en 1790.
Pour compléter de trop rares textes réglementaires, de multiples brochures intitulées « mémoires » ou « instructions », parurent à Paris entre 1686 et la fin du XVIIIe siècle. Cette institution s’adressant à la noblesse de tous les coins de France, jusque dans les provinces les plus éloignées de la capitale, il fallait la faire connaître, expliquer la marche à suivre pour solliciter une place, donner la liste des pièces à produire.
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Quatre opuscules non datés remontent sans aucun doute aux premières décennies de l’établissement [14] ; la publication des cinq autres s’échelonne tout au long du XVIIIe siècle [15]. Si l’objectif primitif était de faciliter les démarches, de donner des conseils aux familles pour accroître leurs chances de sélection, les thèmes abordés permettent à l’historien d’affiner l’image que se faisait la monarchie des futures demoiselles et surtout de leur famille.
Ces documents éclaircissent la notion d’ancienneté nobiliaire : l’enfant doit avoir derrière elle au moins cent quarante ans de noblesse, remontant, selon les textes les plus anciens, au moins à 1550 [16]. Au fil du temps, ils deviennent plus éloquents sur la pauvreté des candidates ; les formules vagues : « pauvreté », « elles doivent être pauvres » de la fin du XVIIe siècle, cèdent la place à des termes plus précis : « ...que la demoiselle est pauvre, et que ses père et mère n’ont pas de biens suffisants pour l’élever selon sa condition ». En 1784, l’accent est mis à la fois sur l’impossibilité de donner une éducation convenable à la petite fille : « ...les père et mère de la demoiselle n’ont point de biens suffisants pour la faire élever suivant sa condition », et sur la ruine des familles aux armées, celles-ci ayant « ...épuisé leur fortune par les dépenses qu’ils y auraient faites, et se trouveraient hors d’état de leur donner les secours nécessaires pour les bien élever ». Pendant trois-quarts de siècle, comme dans les Lettres Patentes, le service du père aux armées n’apparaît pas comme critère de sélection, il est néanmoins conseillé de signaler si le père : « ...sert, ou a servi… », de notifier les : « ...emplois que son père a ou a eus, dans les armées de Sa Majesté… ». Plus tard, on recommande d’ajouter : « ...les emplois que [...] ses autres parents ont eus, ou ont actuellement dans les armées de Sa Majesté… ». Les instructions de 1784 font clairement référence aux nouvelles normes d’admission :
« Par d’autres Lettres patentes du 1er juin 1763, il a été ordonné qu’à l’avenir les demoiselles qui se présenteront pour être reçues dans ladite maison seront tenues de justifier que leur père ou aïeul ont servi au moins dix ans chacun dans les troupes de Sa Majesté, si ce n’est qu’avant ledit temps l’un ou l’autre aient été tués à son service, ou qu’ils l’aient quitté par rapport à des blessures ou des infirmités qui les aient empêchés de le continuer. »
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Par rapport aux textes officiels, ces opuscules rajoutent une touche originale au portrait de la demoiselle. Saine de corps et d’esprit, elle doit avoir une belle apparence physique : « aucune infirmité ni difformité » ne saurait être tolérée ; pas question d’élever à l’ombre du pouvoir des fillettes atteintes de :
« …difformités, ou des infirmités d’esprit et de corps, comme d’être épileptique, borgne, louche, bossue, boiteuse, galeuse ou qui ait des maux incurables et contagieux… » [17].
Le modèle monarchique s’enrichit ainsi de l’indispensable joli minois de petites filles et d’adolescentes élevées non loin de Versailles et de la Cour devant faire honneur par leur allure à leur souverain.
Ces brochures ne se cantonnent pas à la délimitation du profil des bonnes candidates et de leur famille, elles livrent la composition du dossier de candidature. Pour vérifier la recevabilité de celle-ci, c’est-à-dire son adéquation avec les critères retenus par la monarchie, les autorités compétentes avaient besoin d’écrits et en premier lieu d’un placet contenant :
« ...le nom de la demoiselle, celui de ses père et mère, son âge, le lieu de sa naissance, les emplois de son père, s’il sert, ou a servi dans les Armées » [18].
Afin d’établir avec certitude la filiation noble, la naissance légitime et l’âge de la postulante, il était demandé aux familles de joindre un extrait baptistaire. La pauvreté devait être attestée par un certificat de l’évêque -ou à défaut du vicaire général- du diocèse du domicile familial. Tous les fascicules du XVIIIe siècle signalent que ces deux documents n’étaient obligatoires qu’au moment des preuves, une fois la candidature retenue. Aucun justificatif du service des pères des postulantes dans les armées n’est requis avant le Mémoire de 1784 qui, réforme oblige, exige :
« Un mémoire détaillé des services militaires des père, grand-père et proches parents de la demoiselle, et la preuve de dix années au moins de service pour chacun des père et aïeul de cette demoiselle, lesquels doivent être justifiés par lettres, brevets et commissions d’officiers, ou par des certificats équivalents, soit du ministre de la guerre, soit du commandant ou principaux officiers des corps dans lesquels lesdits père et aïeul auront servi, conformément aux lettres patentes du 1er juin 1763. »
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Toute interruption avant le terme des dix ans doit elle aussi être appuyée par des certificats :
« Celles dont le père ou le grand-père auront été tués au service seront tenues de le justifier par des extraits mortuaires en bonne forme, dûment légalisés ; et celles dont les pères ou grands-pères auront, avant les dix ans ci-dessus, quitté le service pour raison de blessures ou d’infirmités, rapporteront un certificat des commandants ou officiers des corps dans lesquels ils auront servi, contenant la qualité des blessures, infirmités ou autres accidents qui les auront obligés de quitter le service ».
Autre particularité de cet opuscule, la liste des pièces à fournir gonfle d’un seul coup ; pour la première fois, l’administration réclame l’extrait de baptême des sœurs cadettes [19], celui du père et un certificat du curé : « portant le nombre de leurs enfants vivants et l’âge de leurs filles ». Les temps ont changé depuis la fondation par Louis XIV, les causes de l’appauvrissement de la noblesse aussi : à la fin du XVIIIe siècle, il n’y a plus guère de familles ruinées par le service aux armées ; problèmes financiers et difficultés à élever les filles selon leur rang résultent plutôt d’un plus grand nombre d’enfants survivants, de filles en particulier.
Les pièces exigées pour déterminer si une fillette se rattachait bien au modèle ont donc évolué dans le temps et en particulier après 1763, date du resserrement du recrutement vers la seule noblesse militaire. Leur nombre gonfla brutalement dans le dernier quart du XVIIIe siècle, phénomène relevant soit de la méfiance accrue du pouvoir à l’égard de familles enclines à tricher pour obtenir une place, soit de la réaction nobiliaire, ou bien encore de la bureaucratisation des rouages de l’État monarchique.
Inutile pour cette bonne noblesse de perdre temps et argent à rassembler ces documents en vue d’une éventuelle admission si la famille ne correspond pas aux critères établis :
« L’on avertit aussi ceux qui ne seraient pas en état de prouver la possession de cent quarante années consécutives de noblesse… qu’ils ne se donnent
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pas la peine de présenter des placets pour être admis aux preuves, parce que cela ne leur servirait de rien » [20].
Inutile de la bercer de faux espoirs, si l’une des conditions nécessaires et indispensables n’est pas remplie : bonne santé et bel aspect physique de la petite fille [21], pauvreté et noblesse de quatre degrés du côté paternel, puis à partir de 1763, dix ans de service du père dans les armées. Il faut, disent clairement ces textes, correspondre au modèle défini par le souverain pour avoir une chance d’être sélectionnée.
Le modèle nobiliaire au travers des placets de demande d’entrée à Saint-Cyr
Deux manuscrits conservés à la Bibliothèque Nationale permettent, à travers des placets sollicitant l’admission à Saint-Cyr, de confronter le modèle nobiliaire imposé par le pouvoir royal avec des familles candidates. Ils offrent également la possibilité de mesurer l’ampleur du succès que remporta cette institution auprès de la noblesse du temps : selon les modes de calcul [22], entre 10000 et 14000 demandes seraient parvenues, en un siècle, à Versailles.
De 1711 à 1716 plus de huit cents requêtes furent recopiées dans le Livre des Demoiselles [23]. Le schéma en est toujours le même : un parent,
« Le Sr de Hanache capitaine de dragons au régiment de Châtillon ayant un frère lieutenant dans le régiment, se trouvant chargé de cinq enfants, demande deux places pour deux de ses filles, l’une âgée de 11 ans et demi et l’autre de 8 ans » [24],
ou la demoiselle elle-même,
« Dlle Marie Le Lay, de la province de Bretagne, âgée de 11 ans dont le père est mort et la mère très pauvre demande une place pour elle » [25],
sollicitent une place en précisant âge, situation familiale (orpheline, famille nombreuse...), éventuels états de service dans l’armée du père, ou d’autres membres de la parenté, sans oublier une formule suggérant la pauvreté. La seconde source est un ensemble de dix-neuf listes ou États divers des Demoiselles qui demandent pour entrer à Saint-Cyr [26] remontant aux années 1711 à 1717 ; les textes y reprennent, sauf
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exception [27], dans le désordre, et en les abrégeant, ceux du répertoire précèdent. Ces deux registres furent d’un usage très différent et leur existence accrédite l’idée d’un premier tri avant consultation du roi : dans le Livre des Demoiselles les suppliques étaient recopiées, datées et numérotées dans l’ordre de leur arrivée à Versailles, les États étant, quant à eux, présentés périodiquement [28] au roi pour qu’il y choisisse les nouvelles recrues. Entre temps, une première sélection avait été opérée par un grand serviteur de l’État, fidèle et familier du souverain : le père de La Chaise jusqu’en 1700, puis le directeur temporel de Saint-Cyr, poste occupé successivement par Daniel-François Voisin entre 1700 et 1717, le duc de Noailles et, à partir de 1732, par un membre de la famille d’Ormesson [29].
Pour évaluer la conformité de la noblesse des postulantes par rapport au modèle établi par les autorités monarchiques, trois sondages ont été effectués : deux à partir du Livre des Demoiselles cent placets de mars 1711, cent autres pour la période janvier à septembre 1714 et le dernier, constitué des soixante-treize requêtes de l’État de 1717. Soit un total de 273 suppliques [30].
De la demoiselle, pourtant concernée au premier chef par une admission à Saint-Cyr, on ne donne que le nom de famille, précédé parfois du prénom [31] et de l’âge [32]. Le personnage central est le père, dont l’ombre, qu’il soit vivant [33] ou mort, plane sur tous les placets ; c’est à travers lui, ses nom, qualité, états de service que se dessinent les contours des familles candidates. Aucune allusion aux indispensables quatre degrés : le noblesse n’est évoquée que par la qualité du père. Rares sont les nobles titrés, les chevaliers et même les écuyers, les trois quarts se disent simples seigneurs [34] et affirment dans la même proportion avoir servi dans les armées de Sa Majesté [35]. Alors qu’au début du XVIIIe siècle, les instructions officielles ne demandent rien de plus, certaines familles rajoutent que ces hommes-là ont passé entre dix et trente ans dans l’armée, qu’ils y ont même perdu la vie, ou ont été gravement blessés [36] :
« Le Sieur de Pennenjun, gentilhomme de la province de Bretagne expose qu’il a servi l’espace de 25 ans tant en qualité de
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capitaine au régiment royal de vaisseaux où il perdit une jambe à la journée de Crémone, que capitaine au régiment dauphin cavalerie et n’a quitté en 1713 que par son infirmité avec une pension de 1000 livres que Sa Majesté a eu la bonté de lui accorder [...] Demande une place pour une de ses filles âgée de huit ans » [37].
L’arme et le grade sont connus pour la moitié des pères militaires : les plus nombreux servirent dans les gardes du corps, ou dans la cavalerie, c’est-à-dire dans des armes prestigieuses et, pour la première, très proche de la personne du Roi [38]. Cette répartition, en contradiction avec la pauvreté exigée par les critères monarchiques, ne se retrouve pas parmi les grades [39] : bien peu de militaires en occupèrent de très élevés, ils furent capitaines (45%), simples officiers ou sous-officiers (moins de 14%).
La faiblesse des revenus est suggérée par des formules souvent allusives comme : « très pauvre », « peu de biens », « sans bien », mais certains utilisent les termes de : « dernière misère », « grande indigence », ou pire encore :
« Louis, Charles de Saluces expose qu’il est dans une extrême misère étant réduit avec sa femme et ses enfants à vivre d’aumônes et demande une place pour une de ses filles qui aura 12 ans au mois de mars 1715 laquelle y a déjà eu une sœur qui va faire profession à l’Abbaye-aux-Bois ».
entre les lignes :
« qu’il a servi huit ans en qualité de capitaine au régiment de Picardie et a été obligé de quitter par une blessure qu’il reçut au siège de Luxembourg, que son fils aîné est lieutenant d’infanterie, que plusieurs de ses parents servent actuellement » [40].
D’autres parents pensent être « hors d’état d’élever leur fille », « de la faire instruire », arguant même qu’ils doivent choisir entre l’éducation d’une fille et l’établissement d’un fils aux armées. Au Roi donc d’élever à ses frais les filles s’il veut que cette noblesse aux revenus modestes continue à se ruiner pour le servir, semblent dire ces gentilshommes ! Quelques-uns donnent des détails quant à l’origine de leurs difficultés. D’aucuns les expliquent par un veuvage, en particulier de la mère [41], reflet de la situation difficile dans laquelle se trouvaient ces femmes pour élever seules leurs enfants. Soixante et un pour cent soulignent
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le poids d’une grande famille [42] : à partir de quatre, les enfants sont vus comme une charge, que dire alors des fratries de cinq à neuf enfants [43] ! Plusieurs filles [44] à élever, et surtout à établir, voilà encore une source de dépenses, poussant certains parents à en proposer plusieurs ensemble [45]. Parfois le gentilhomme dit avoir « consommé tout son bien au service », d’autres lèvent le voile sur des tragédies familiales : la formule « ruine aux armées » revient souvent sous la plume de nobles du Nord de la France (Artois, Boulonnais...) dont les biens ont été détruits par des combats ou sont passés à l’ennemi après une modification de frontière. Les nouveaux convertis, en abjurant, ont tout perdu et pensent avoir leurs chances, au nom de l’enfance huguenote de Madame de Maintenon. Quant au Sieur de Saint Martin, il montre une grande habileté pour multiplier les arguments susceptibles de retenir l’attention du pouvoir :
« Le Sieur de Saint Martin, gentilhomme du gouvernement de Calais expose qu’il a longtemps servi pendant la dernière guerre en qualité de capitaine au régiment des vaisseaux ; qu’il a essuyé trois incendies qui ont consommé ses maisons et effets ce qui l’a réduit dans l’indigence ; que son épouse est nouvelle convertie dont il a huit enfants qu’il n’est pas en état d’élever et a été obligé de mettre sa fille aînée chez la grand-mère qui malgré son abjuration, est toujours attachée à son ancienne religion et comme il appréhende qu’elle n’en donne quelques impressions à sa fille, il demande une place pour elle. » [46]
Mais si ces hommes racontent parfois leurs déboires, ils avancent peu de chiffres : apparaissent seulement huit pensions de 300 à 1000 livres et une estimation de 300 à 400 livres de biens. Vu la faiblesse de ces informations, à peine peut-on suggérer l’appartenance de ces familles au groupe inférieur de la noblesse, situé par Guy Chaussinand-Nogaret sous la barre de 1000 livres de revenu annuel, « seuil où la vie noble devient chiche », où ces familles « vivent aux marges de la décence » [47]. Les auteurs de ces placets outrepassent la simple adéquation au modèle défini par le pouvoir lorsque, faisant allusion aux membres de la parenté pouvant servir les intérêts de la candidate, ils montrent la puissance des solidarités familiales. On n’oublie pas de mentionner le maximum de parents, même éloignés [48], dans les armées
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du Roi avec grade et arme : les plus nombreux sont encore capitaines et gardes du roi [49]. Mêmes les morts et les blessés [50] au combat sont rappelés au bon souvenir de Sa Majesté :
« Le sieur Taurin Dannat qui a servi en qualité de lieutenant d’infanterie, lequel a eu deux frères tués dans la marine, et qui y a encore deux autres lieutenants de vaisseau qui servent depuis 26 et 28 ans, l’un desquels a reçu 60 blessures devant Cadix, étant chargé de famille et sans bien, demande une place pour l’une de ses filles » [51].
Ces gentilshommes invoquent aussi les parents au titre ou à la charge prestigieuse : ils se targuent d’un frère page de Madame la Duchesse, d’un parrain marquis, d’un oncle évêque ou avocat au Parlement, d’un parent lieutenant général ou plus modestement d’un lien avec un chevalier de Saint Louis ou un gentilhomme ordinaire du Roi. Des femmes peuvent aussi être citées si elles sont de puissantes marraines comme la princesse de Conti ou si elles furent pensionnaires à Saint-Cyr [52]. Dans l’exercice de rédaction d’une demande de place à Saint-Cyr, toutes les solidarités lignagères sont mises à contribution pour ajouter un « plus » à une candidature au demeurant toujours conforme au modèle monarchique.
Comment s’opérait la sélection entre toutes ces nobles familles se montrant en tous points « conformes » à l’image que le pouvoir attendait d’elles ? Dans les deux registres, les heureuses élues sont repérables par des annotations en marge [53] : elles représentent 25% des cas dans le premier et 62% dans le second [54]. A partir du contenu de leur placet on peut tenter une sorte de « portrait robot » des familles sélectionnées :
Tableau 1 : Éléments déterminants dans l’admission à Saint Cyr, d’après le Livre des Demoiselles (1711 et 1714) et l’ État de 1717.
1711 | 1714 | 1717 | TOTAL | %* | |
---|---|---|---|---|---|
Nombre de reçues | 28 | 25 | 19 | 72 | 100% |
Service du père | 21 | 21 | 10 | 51 | 71% |
Pauvreté | 18 | 13 | 6 | 37 | 51% |
Plus de 4 enfants | 6 | 8 | 4 | 18 | 25% |
Recommandées | 9 | 9 | - | 18 | 25% |
Famille à Saint-Cyr | 4 | 11 | - | 15 | 20,8% |
* parmi les 72 admises
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Presque trois fillettes sur quatre ont un père militaire, et une sur deux appartient à une famille qui clame sa pauvreté : pas de doute, celles-ci correspondent bien au profil. Quant aux autres arguments, ne concernant qu’une admise sur quatre, ils n’apparaissent pas déterminants. La rentabilité des appuis est, en particulier, à nuancer : parmi les placets dépouillés entre deux tiers et trois quarts des candidatures retenues n’étaient pas appuyées par une recommandation écrite [55], néanmoins car elles avaient pu l’être oralement, sans que trace en soit gardée. Cette fidélité du pouvoir monarchique par rapport au modèle se trouve confirmée par quelques cas connus de rejet d’une candidature [56]. Ont été écartées celles qui ne pouvaient prouver quatre degrés de noblesse, les trop âgées ou les malades, c’est-à-dire celles qui n’étaient pas « aux normes ». De là, à dire que celles-ci étaient toujours respectées, il n’y a qu’un pas qu’il faut bien se garder de franchir vu la lourdeur de la machine administrative [57] et les pratiques de la Cour.
Le contenu des placets, rédigés par ces familles nobles pour essayer de décrocher une place à Saint-Cyr, révèle une noblesse apte à se conformer aux exigences du modèle monarchique tout en essayant de se distinguer du lot. Noble, le père de la postulante prétend l’être, mais sa noblesse reste encore à prouver. Militaire très souvent, il est fier du temps de service effectué. Fier, il l’est aussi de ses blessures et sa famille n’oublie jamais de signaler s’il a donné sa vie pour servir son Roi. Ces élites nobiliaires savent se montrer désargentées et exhiber leurs charges de famille ou leurs revers de fortune. Si jusque là, elles s’en tiennent, ou presque, au profil défini, le souhait de réussir dans leur entreprise les pousse à mettre en avant toute parenté ou relation qui par le nom, le titre, la fonction, pourrait retenir l’attention du Roi. Nombre de ces gentilshommes, habitués à présenter des requêtes à leur souverain, savaient s’y prendre pour accumuler un maximum d’arguments en leur faveur. Ainsi c’est bien un lignage tout entier qui cherchait à se montrer sous son jour le plus flatteur afin d’obtenir la place tant convoitée. De telles pratiques conduisirent la monarchie, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, à rendre obligatoires des documents authentifiant les allégations quant à la durée du service, la taille des familles ou le nombre des filles. En réalité en 1763, le pouvoir royal ne créa donc pas un
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nouveau modèle nobiliaire pour les familles des demoiselles de Saint Cyr, il ne fit qu’officialiser des critères que la noblesse avait suggérés elle-même, par ses propres pratiques, dès le début du siècle.
Le modèle nobiliaire à travers les Preuves de noblesse des demoiselles
Le département des manuscrits de la Bibliothèque nationale possède dix neuf volumes de Preuves de noblesse [58] des demoiselles, copies de ceux qui, conservés à Saint Cyr, furent brûlés à la Révolution. Chaque registre regroupe cent dossiers [59] contenant le résumé des actes présentés à d’Hozier [60], généalogiste du roi, afin qu’il authentifie les quatre degrés de noblesse de la future élève. Toutes les pensionnaires ne figurent pas dans ces volumes : ceux-ci s’arrêtent en 1766 [61] et les sœurs de demoiselles étaient dispensées de faire leurs preuves [62]. Sur ces 1906 dossiers [63], trois cents ont été dépouillés en trois sondages pour les années 1685/86, 1741/45, 1762/66 [64]. L’extrait d’acte de baptême de l’enfant est suivi de pièces regroupées par degré [65] : le contrat de mariage et au moins deux autres documents établissant la filiation et la qualification noble au choix dans une liste [66]. La confrontation de celle-ci avec la composition réelle des dossiers révèle quelques différences dont la plus importante est l’absence de rôle de taille, comme de tout autre document relatif aux exemptions fiscales. S’y ajoutent aussi quelques actes originaux : lettres d’anoblissement, de naturalité [67], de légitimation d’enfants naturels [68], ou d’autres sans rapport avec l’authentification de la noblesse comme la composition d’une fratrie [69], un certificat de service ou de mort d’un père au combat. Cette abondante documentation permet de repérer, par leur manière de se présenter, l’adhésion des familles des heureuses élues au modèle monarchique, tout en pistant d’éventuels dérapages.
La réglementation officielle rendait indispensable de prouver quatre degrés de noblesse du coté paternel, mais ces familles affichent presque toutes une noblesse bien plus ancienne :
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Tableau 2 : Degrés de noblesse prouvés dans les Preuves de noblesse des demoiselles de Saint-Cyr (1685-1766).
3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 18 | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1685/1686 | - | 13 | 25 | 22 | 13 | 15 | 9 | 1 | 1 | 1 |
1741/1745 | - | 10 | 46 | 31 | 11 | 1 | 1 | - | - | - |
1762/1766 | 4 | 32 | 50 | 8 | 1 | - | - | - | - | - |
TOTAL | 4 | 55 | 121 | 61 | 25 | 16 | 10 | 1 | 1 | 1 |
% (2) | 1,3% | 18,3% | 40,3% | 20,3% | 8,3% | 5,3% | 3,3% | 0,3% | 0,3% | 0,3% |
(1) : Plus cinq dispenses de preuves (1,6% des dossiers dépouillés)
(2) : Sur les 300 dossiers dépouillés
Sur trois cents dossiers, un sur cinq ne justifie que quatre degrés, 40% en annoncent cinq, 10% plus de huit. La première période est celle où les preuves remontent le plus loin, le cas le plus extrême étant Adrienne Elisabeth de Boufflers Rouvenel [70], originaire du Beauvaisis dont la noblesse remonterait, sur dix-huit générations, à 1166. Au début des années 1740, les vieilles familles comme celle d’Amable de Charpin Feugerolles [71], dont les archives conservent un arrêt de la Cour des aides de Paris de 1478, font exception, et dans le dernier volume un tiers des admises atteste juste quatre degrés [72]. À long terme une tendance se dessine donc au resserrement autour du minimum exigé, si bien que les demoiselles reçues dans la seconde moitié du XVIIIe siècle semblent appartenir à des lignages plus récents. Faut-il y voir, un signe de l’extinction des familles plus anciennes ou de leur désintérêt progressif pour cet établissement ?
Comme dans les demandes d’entrée, certains lignages cherchent à se distinguer du commun en fournissant, notamment, une généalogie établie en vue d’une admission dans l’ordre de Malte. Vingt familles, soit 6,7%, se targuent d’avoir fait entrer de un à trois hommes dans un ordre qui exigeait seize quartiers de noblesse ; c’est peu, mais elles appartiennent presque toutes (70%) aux registres de 1685/86, ce qui renforce l’idée d’une noblesse plus ancienne des premières admises.
(P. 188)
Les quatre degrés devaient être, selon le règlement, équivalents à cent quarante ans de noblesse : à peine plus de 6% des demoiselles n’atteignent pas ce chiffre [73] et possèdent une noblesse un peu trop fraîche [74]. Néanmoins le plus vieux document est rarement antérieur à 1400 ce qui signifie, dans la terminologie de théoriciens du XVIIIe siècle, que la plus grande partie de cette noblesse est de simple extraction. Le caractère relativement modeste de ces lignages est renforcé par l’abondance d’actes relevant de la grande enquête entreprise par Colbert à partir de 1666 : 176 familles, soit 58,6%, disent avoir été maintenues dans leur noblesse. Mais parmi ces actes, quelle est la part des véritables maintenues et des anoblissements masqués ?
Si dans l’écrasante majorité des cas, les fillettes reçues à Saint-Cyr sont bien conformes, en termes de noblesse, aux règles, il existe quelques cas limites, environ 9%, auxquels il faut ajouter les dispenses accordées par Louis XV dans les années 1760. Trois concernent des familles d’origine étrangère, les Plunkett, irlandais installés en Lorraine [75], les Cameron de Glenkingy, écossais établis en Boulonnais [76] et des barons d’Empire, les Limosin-Alheim [77]. Ces trois lignages sont reconnus de noble extraction dans leur pays d’origine, mais ils ne peuvent « faire leurs preuves » selon les règles françaises, ils sont donc renvoyés à l’arbitrage du Roi. En leur accordant sa grâce, le souverain ne fit que reconnaître une noblesse déjà authentifiée par d’autres princes. Deux autres cas concernent des familles dont la noblesse parut si récente à Louis-Pierre d’Hozier qu’il en référa au roi. Marie-Renée de Jouenne jouit de quatre degrés de noblesse, mais sur seulement cent douze ans [78], même cas de figure pour Adelaïde de Saincton [79]. L’épaisseur de ces deux dossiers révèle une dure bataille de procédure pour obtenir une dérogation au caractère exceptionnel : « ...dérogeant Sa Majesté pour cette fois seulement et sans tirer à conséquence à tous règlements et Lettres Patentes à ce contraire ». Les dispenses accordées par Louis XV entre 1763 et 1766 ne permirent donc jamais à une roturière d’entrer à Saint-Cyr, il ne s’agissait que de surseoir à une lacune assez modeste dans la noblesse de futures élèves, sans que cela ne modifie à l’avenir ni la procédure, ni le profil des familles.
Au-delà de la vérification de l’adéquation des admises au modèle imposé par le pouvoir, ces dossiers permettent de brosser un tableau
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assez fin des familles des demoiselles, tableau où le père est encore le personnage central, car si les preuves sont au nom de sa fille, c’est lui seul qui, selon le droit français, transmet la noblesse. Premier trait de son portrait, sa qualification noble :
Graphique 1 : Noblesse des pères des demoiselles de Saint-Cyr d’après les Preuves de noblesse (1685-1766).
La petite noblesse non titrée domine largement (89%) [80] : la part des écuyers est la plus forte (40%), suivie des chevaliers (26%) et des simples seigneurs (22%) [81]. Parmi les vingt-trois familles titrées (8%) [82], Marguerite de Cossart Espiés [83], baptisée à Paris, en l’église Saint-Jean-en-Grève en décembre 1676, était fille et petite-fille de marquis.
Second trait du portrait du père des demoiselles, sa carrière professionnelle. Sur ce point, les informations sont très décevantes par rapport aux placets et remontent, dans le baptistaire de la petite fille, à une dizaine d’années par rapport à l’admission. Rien sur la mort du père, ni sur d’éventuelles blessures et après 1763 aucune trace des années de service. Un peu plus de la moitié (53%) révèle néanmoins la fonction de ces hommes, qu’il s’agisse d’un emploi militaire, civil ou d’un honneur particulier :
(P. 190)
Graphique 2 : Fonctions des pères des demoiselles de Saint-Cyr, selon les Preuves de noblesse (1685-1766).
Si les filles de militaires sont beaucoup moins nombreuses (46%) que parmi les postulantes (69%) des années 1711-1717, leur poids n’a cessé de croître, passant de 30% à 60% en un siècle. Au total c’est donc 88,5% des pères dont nous connaissons l’activité qui servirent aux armées un peu moins de la moitié dans des corps prestigieux, cavalerie (23,7%), gardes de la maison du roi (15,8%), dragons ou bénéficièrent de brillantes affectations en tant que gouverneur, commandant d’une ville ou d’une place forte. Les autres (42%), furent officiers dans l’infanterie, la marine, ou dans les armes « nouvelles ». Plus de trois quarts (84%) des grades sont connus et offrent bien des similitudes avec ceux des pères des candidates notamment par la prépondérance des capitaines (49%) [84] et des lieutenants (15%), par rapport aux simples officiers et sous-officiers (6%). Une minorité (14%) occupa des grades élevés, parfois même prestigieux, pourcentage trop important au sein de familles soi-disant modestes. Par exemple, le père de Claudine Thérèse de Chastenay Lanty [85] est mestre de camp général de cavalerie au moment de la naissance de sa fille, celui des demoiselles de Lageard Cherval [86], mestre de camp général des dragons. Ces hommes se distinguent bien plus par leur place dans la hiérarchie militaire que par leur appartenance à un corps d’armée : coexistent parmi eux des officiers d’armes très cotées avec d’autres qui, faute de moyens,
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ont servi dans des troupes moins prisées, refuge de faibles fortunes. Quant aux gardes de la maison du roi qui côtoyaient chaque jour le souverain, même s’ils n’étaient pas dans le besoin, ils pouvaient facilement faire connaître leur requête et ils furent favorisés à Saint-Cyr, comme ils l’étaient aux Invalides [87]!
La figure dominante de pères militaires laisse peu de place à d’autres profils (6%), mais leur présence détruit tout de même l’image d’une homogénéité totale du recrutement. Les pères atypiques, de moins en moins nombreux au fil du temps, sont membres d’un ordre religieux ou de chevalerie [88], occupent des fonctions honorifiques, comme gentilhomme de la maison du roi, ou encore des charges et offices de conseiller du roi, maîtres des eaux et forêts, conseillers au Parlement de Paris. Avec Louise Hyacinthe Huchet de Besneraye [89], petite fille d’un président à mortier au Parlement de Bretagne, toute une dynastie de robins franchit les grilles de Saint-Cyr, même si son père fut enseigne de vaisseau -preuve de la séparation relative, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, entre noblesse d’épée et noblesse de robe. Derrière le modèle dominant de la noblesse militaire, conforme aux normes royales, s’insinue ici le monde des robins, indice de l’imbrication, même à Saint-Cyr, de ces deux groupes sociaux.
Les Preuves de noblesse dévoilent aussi les alliances matrimoniales de ces familles : dans son contrat de mariage, la mère de l’enfant est le plus souvent désignée par les qualité, titre, ou fonction de son père. Ces trois cents femmes sont presque aussi souvent filles de militaires (16,6%) [90] que de divers officiers civils (14,7%) : bailli ou receveur des tailles, conseiller du roi, maître des requêtes, avocat ou président à mortier d’un parlement. Ces actes révèlent deux types de stratégies matrimoniales : d’un côté des lignages fermés où l’on se marie entre soi et, à l’extrême, entre gens du même microcosme, entre officiers de marine ou gardes de la maison du roi ; de l’autre, les unions entre militaires et robins, comme celui des parents d’Angélique et de Marie Geneviève de Pillavoine du Coudray [91]. Le père et le grand-père paternel servirent respectivement comme lieutenant de cavalerie et lieutenant d’infanterie alors que l’aïeul maternel était avocat au Parlement de Paris. Statistiquement, les alliances homogamiques
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dominent, avec 39% au même niveau de noblesse [92], 16% avec des femmes d’une noblesse plus élevée, et presque autant d’un rang inférieur. Vingt-quatre unions furent contractées entre des militaires et des filles de robins ou de bourgeois à talents : l’exogamie ne concerne ici que 8% des mariages.
Un dernier aspect du modèle monarchique reste à confronter avec la réalité des familles des admises, celui de la pauvreté. Comme par essence les Preuves de noblesse n’avaient rien à prouver en ce domaine, il est logique qu’aucun document ne vienne en témoigner ; c’est donc par des voies détournées qu’il est possible d’avancer quelques hypothèses pour essayer, sur les traces de Jean Meyer [93] et de Michel Nassiet [94], de distinguer la pauvreté réelle de la gêne relative. À travers le prisme des actes dépouillés, une petite moitié de ces lignages ont eu les moyens de servir le roi aux armées, ce qui n’était pas à la portée de toutes les bourses, compte tenu du prix des charges, de l’équipement, de l’entretien et de la nécessité de tenir son rang [95] et pouvait-on y prétendre, avec moins de 4000 livres par an [96]! Servir dans l’armée, ou avoir servi, est déjà un signe de la pauvreté toute relative d’une famille [97], et ce d’autant plus que certains pères de demoiselles occupèrent de hauts grades accessibles uniquement aux belles fortunes. Telle est l’origine des remarques acerbes de contemporains, comme le cardinal de Bernis vilipendant au milieu du XVIIIe siècle « la noblesse aisée » faisant ses « preuves de pauvreté » pour réussir à faire entrer ses filles à Saint-Cyr ou La Beaumelle, dénonçant le caractère factice du certificat de pauvreté :
« Ce règlement est souvent éludé ; un gentilhomme est toujours censé pauvre, peut-être eût-il fallu déterminer le sens du mot pauvreté. Les biens destinés à la noblesse indigente, ne seraient pas la proie de l’avide richesse » [98].
Mais que dire d’une petite moitié des familles, dont le dossier ne livre aucune information sur le « métier » des pères ? Même si ces Preuves n’étaient pas établies pour attester de leur activité, on peut poser comme hypothèse que l’absence de mention soit révélatrice de l’absence de fonction. De là, la tentation est forte d’y reconnaître les familles, trop pauvres pour assumer l’achat d’une charge ou l’entretien
(P. 193)
d’un fils aux armées qui végétaient dans leurs campagnes en remâchant leur rancœur de ne pouvoir servir. Sans aller jusqu’à faire partie de « la plèbe nobiliaire » délimitée par Jean Meyer, il est néanmoins possible d’admettre que ces familles aux revenus moyens, sans être réduites à la misère, avaient du mal à faire face aux dépenses qu’engendrait le service aux armées et étaient très intéressées par une institution d’où leurs filles sortaient dotées, après avoir reçu pendant dix ans, aux frais du roi, une bonne éducation.
S’il y a bien un modèle nobiliaire parmi les familles des demoiselles de Saint-Cyr, celui-ci est conditionné par les règles définies et imposées par le pouvoir royal découlant de la représentation qu’il se faisait de ses lignages et présupposant l’acceptation tacite de la noblesse qui cherchait à faire admettre ses filles dans l’établissement.
En effet en réservant la Maison royale de Saint-Louis à certains membres du second ordre, Louis XIV et ses successeurs ont posé un modèle officiel, correspondant à leur perception des familles nobles habilitées à bénéficier d’un tel privilège. Cette représentation monarchique, somme toute assez lâche, faite d’ancienneté nobiliaire, de pauvreté et de service armé pouvait correspondre à un grand nombre de lignages et ne fut guère modifiée par le resserrement, en 1763, sur une noblesse militaire stricto sensu : les dossiers de Preuves de noblesse des années 1762 à 1766, ne montrent pas un changement notable dans le profil des heureuses élues, comme si la réforme de 1763 n’avait fait qu’entériner les évolutions antérieures.
L’adhésion au modèle monarchique était une condition préalable à toute tentative d’obtention d’une place à Saint-Cyr. Il est donc naturel que les familles de candidates s’y soient conformées, même si, animées par le désir de réussir dans leur projet, elles cherchaient aussi à se singulariser par différents atouts, afin d’attirer l’attention lors de la sélection. De telles pratiques ont amené les autorités à poser des règles supplémentaires qui ne firent qu’officialiser des pratiques sans transformer en profondeur le modèle initial.
La vérification de la noblesse passe, aux XVIIe et XVIIIe siècles, par des documents écrits authentifiés et ne repose plus, comme au siècle
(P. 194)
précédent, sur réputation et reconnaissance sociale. Les Preuves de noblesse en attestent, et permettent d’affiner le portrait nobiliaire des demoiselles. Mais là encore, dans le choix des documents proposés au généalogiste, ces familles ont un enjeu, celui d’obtenir l’indispensable certificat, préalable à toute admission définitive d’une candidate sélectionnée par le souverain. Il leur faut donc encore adhérer aux critères, savoir choisir les « bons » actes et même au besoin les travestir. Autant dire qu’il est difficile, en particulier en matière de pauvreté, de démêler la réalité de la gêne financière des difficultés feintes : pour distinguer le vrai du faux, il faudrait avoir recours à d’autres sources, en particulier aux actes notariés. La question de la conformité des familles des demoiselles de Saint-Cyr au modèle nobiliaire défini par la monarchie pour cette institution éducative reste donc ouverte.
Dominique Picco
Université Michel de Montaigne-Bordeaux3
Notes
[1] Selon A. Corvisier, Histoire militaire de la France, tome 1 : des origines à 1715, Paris, 1997, chapitre XVII, p. 436 et suivantes, la guerre de Hollande aurait fait 120 000 victimes militaires, soldats et officiers confondus.
[2] Ibid., p. 439 et 441.
[3] B. Neveu, « Du culte de Saint Louis à la glorification de Louis XIV : la Maison royale de Saint Cyr », Journal des savants, juillet/décembre 1988, p. 277 à 290 ; P. Cocatre-Zilghen, B. Neveu, « Saint Cyr, institut religieux et fondation royale ». Actes du colloque du tricentenaire de la fondation de la Maison royale de Saint Louis à Saint Cyr, 23-24 juin 1986, Revue de l’histoire de Versailles et des Yvelines, 1990, tome 74, p. 21 à 39 ; B. Neveu: « Saint Cyr : institut religieux, fondation royale et mémorial dynastique", in Les Demoiselles de Saint Cyr, maison royale d’éducation 1686-1793. Paris, Somogy/ADY, 1999, p. 132 à 147.
[4] D. Roche, « Éducation et société dans la France du XVIIIe : l’exemple de la Maison royale de Saint Cyr », Cahiers d’histoire, Lyon, tome XXIII, 1978, n°1, p. 3 à 24, repris dans Les Républicains des Lettres. Gens de culture et Lumières au XVIIIe siècle, Paris, 1988, p. 350 à 370, particulièrement p. 351.
[5] Elle rejoint en cela tout un courant de la réforme catholique. Voir M. Sonnet, L’éducation des filles au temps des Lumières, Paris, 1987, chapitre I, p. 38 à 44.
[6] L’ordre de Saint Louis fut crée en 1693 et s’ajouta aux ordres plus anciens en particulier ceux du Saint-Esprit et de Saint-Michel attribués fréquemment aux militaires.
[7] R. Descimon, « Chercher de nouvelles voies pour interpréter les phénomènes nobiliaires dans la France moderne. La noblesse, « essence » ou rapport social ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine, janvier-mars 1999, tome 46, p. 5 à 21.
[8] Lettres patentes de 1686 : BNF Mss.Fr. 23824 et 14029, Mss. Nlle. Acq. Fr. 7489.
[9] Ibid.
[10] Date de la suppression des preuves de noblesse pour l’accès à Saint-Cyr. Voir Arrêt du conseil d’état portant révocation des règlements qui exigent des preuves de noblesse pour l’entrée à la Maison royale de Saint-Cyr, à l’école militaire... (23/6/1790), Paris, 1790.
[11] BNF Mss.Fr. 11674 et 22290.
[12] BNF Mss.Fr. 11674.
[13] Lettres patentes du 1er juin 1763 citées dans T. Lavallée, Histoire de la Maison Royale de Saint-Cyr (1686-1793), Paris, 1853, p. 247.
[14] Instruction de ce qu’il convient de faire pour obtenir une place de Demoiselle dans la Maison de Saint Louis établie à Saint-Cyr, s.l.n.d., BNF 4-Lk7-8626. Instruction pour les gentilshommes qui demanderont des places pour mettre leurs filles ou leurs parentes dans la Maison de Saint Louis, s.l.n.d., BNF 4-Lk7-8627. Mémoire des titres qu’il faut que chaque demoiselle choisie par le Roi…, s.l.n.d., BNF 4-Lk7-8628. Mémoire des titres qu’il faut que chaque demoiselle nommée par le Roi pour être reçue..., s.l.n.d., BNF 4-Lk7-8629 et Mss.Fr. 32507.
[15] Mémoire pour servir aux personnes qui désireront obtenir des places pour des demoiselles... , Paris, 1713, BNF 4-Lk7-8630. Mémoire pour servir aux personnes qui ont obtenu des places pour des demoiselles... , Paris, 1726. BNF 4-Lk7-8631. Mémoire pour servir aux personnes qui désireront obtenir des places pour des demoiselles…, Paris, 1745 publié dans P. Chabot, Preuves de noblesse des demoiselles du Poitou, reçues dans la Maison Royale de Saint Louis à Saint-Cyr de 1686 à 1793, Vannes, 1902. BNF Lm2-3651. Mémoire pour servir aux personnes qui désireront obtenir des places pour des demoiselles..., Paris, 1753. BNF Mss.Fr. 26468. Mémoire pour servir d’instruction aux personnes qui désireront obtenir des places pour des demoiselles. Paris, 1784, publié dans T. Lavallée, Histoire de la Maison..., op. cit., p 319 à 323.
[16] C’est-à-dire à la même date que dans la grande enquête de Colbert.
[17] Instruction…, s.l.n.d., BNF 4-Lk7-8626.
[18] Ibid.
[19] Il s’agit ici d’éviter les fraudes par échange de baptistaire entre des sœurs et peut-être de gagner du temps lors de candidatures postérieures des plus jeunes.
[20] Mémoire de 1745, cité dans P. Chabot, op. cit.
[21] Aucun certificat attestant de la bonne santé, physique et morale, de la fillette ne fut jamais exigé. Chaque nouvelle était examinée à son arrivée à Saint Cyr, en cas de problème l’enfant était renvoyée chez elle aux frais de sa famille. Voir Mémoire…, s.l.n.d., BNF 4-Lk7-8629.
[22] Voir D. Picco, Les demoiselles de Saint-Cyr (1686-1793), Doctorat nouveau régime, Université de Paris 1, sous la direction de D. Roche, 1999, à paraître, chapitre II.
[23] Livre des Demoiselles qui demandent pour entrer à la Maison Royale de Saint Louis à Saint-Cyr, 1711-1716, Ms.XVIIIe, BNF Mss.Fr. 11677.
[24] Ibid., mars 1711, placet n°17. En marge à droite : « bon pour la cadette le 26 septembre 1711 », en marge à gauche : « l’aisnée est trop âgée ».
[25] Ibid., novembre 1713, placet n° 527.
[26] États des Demoiselles qui demandent pour entrer à Saint-Cyr, dans Registres des demandes et bons originaux du Roi, du Régent et de divers ministres pour l’admission des Demoiselles depuis octobre 1710 jusqu’au 2 août 1734, Ms. XVIIIe, BNF Mss.Fr. 11678.
[27] L’État de 1717 ressemble plus au Livre des Demoiselles.
[28] Théoriquement tous les six mois, mais en réalité en fonction des décès des pensionnaires et des départs en fin de scolarité.
[29] Henri François de Paule d’Ormesson de 1732 à 1752, François de Paule, fils du précédent de 1752 à 1775 et enfin Henri François de Paule, son fils de 1775 à 1792.
[30] Un même placet présente parfois le cas de plusieurs fillettes de la même famille. Au total, 273 textes correspondent à 302 demandes de places.
[31] 32 cas sur 302, soit 10,6%.
[32] Celui-ci ne figure que dans la moitié des demandes.
[33] 56% des demandes sont formulées par le père.
[34] 81 seigneurs en 1711, 68 en 1714, 54 en 1717, soit 203 au total (74,4% des mentions).
[35] Sur les 273 requêtes 189 pères, soit un peu plus de 69%, sont dans ce cas.
[36] Les orphelines ou filles de blessés de guerre constituent presque le tiers de l’ensemble des cas étudiés et 45% des filles de militaires.
[37] Livre des demoiselles…, op. cit., janvier 1714, placet n° 556, aucune mention marginale.
[38] Sur 97 affectations connues figurent 30 gardes du roi et 16 cavaliers pour 18 marins, 14 officiers d’infanterie, 9 dragons, 5 miliciens, 2 grenadiers, 2 artilleurs et 1 fusilier.
[39] L’échantillon est ici plus important. Sur les 189 pères de postulantes ayant servi dans les troupes royales, 122 grades sont connus soit 64,6% des cas étudiés.
[40] Livre des Demoiselles…, op. cit., octobre 1714, placet n° 645. « Accordé le 2 février 1715 ».
[41] 34 cas.
[42] 167 des 273 placets dépouillés.
[43] 67% des familles donnant le nombre précis d’enfants disent en avoir entre cinq et neuf ; 16,2% dix ou plus.
[44] 19 familles signalent de deux à six filles.
[45] 29 demandes de ce type, soit plus de 10% des placets.
[46] Livre des Demoiselles…, op. cit., janvier 1714, placet n° 565. En marge : « Recommandée par le Duc de Charost » et « Accordé le 8 juin 1716 ».
[47] G. Chaussinand-Nogaret, La noblesse au XVIIIe siècle, De la féodalité aux Lumières, Paris, 1976, p.77-78.
[48] 145 placets sur les 273 dépouillés invoquent un ou plusieurs parents militaires, parmi eux, les plus nombreux sont des frères et des oncles (respectivement 49 et 50 cas).
[49] 60 gardes du roi pour 10 marins, 8 cavaliers, 8 officiers d’infanterie.
[50] 39 placets comportent des mentions de ce type.
[51] Livre des Demoiselles…, op. cit., mars 1711, placet n° 90. Aucune mention marginale.
[52] 15% des 273 placets signalent une parente demoiselle, le plus souvent une sœur.
[53] « bon », « accordé », « roy », « si elle a les qualités requises », suivi de la date de la décision royale. Si la demande impliquait deux sœurs et qu’une seule fût acceptée, les termes consacrés sont alors : « bon pour une », « bon pour la cadette », « bon pour la plus jeune ».
[54] Cette proportion très différente relève de l’utilisation différente des deux volumes.
[55] Sur les 28 admises des placets de 1711, 25% bénéficient d’une recommandation ; en 1714 la proportion atteint 36%.
[56] Dans tout Livre des Demoiselles neuf notes en marge justifient avec précision le rejet d’une candidature.
[57] Les refus pour âge dépassé relèvent des délais entre l’arrivée du placet, son examen et la réception éventuelle, (6 mois en moyenne) et non de tentatives de fraude. Voir D. Picco, Les demoiselles de Saint-Cyr..., op. cit., tableau 30.
[58] Preuves de noblesse des filles demoiselles reçues dans la Maison de Saint-Louis, fondée à Saint-Cyr par le Roi au mois de juin de l’an 1686, et formée par les soins et par la conduite de Madame de Maintenon ; dressées par Mr Charles [et Louis Pierre] d’Hozier, (1685-1766), Ms.XVIIe et XVIIIe, 19 vol., BNF Mss.Fr. 32118 à 32136.
[59] Sauf le volume III qui en contient 106.
[60] Les d’Hozier furent juges d’armes de France et généalogistes du roi de 1641 à la Révolution : Charles René de 1641 à 1732 ; son neveu Louis-Pierre jusqu’en 1767, puis les fils de ce dernier, Denis Louis et Antoine Marie, et un petit-fils, Ambroise Marie.
[61] Louis-Pierre d’Hozier meurt ruiné en 1767, les volumes de son cabinet sont alors mis en vente, une partie fut acquise par la Bibliothèque royale.
[62] D’après les brochures publiées à l’intention des familles, les sœurs et cousines germaines de demoiselles bénéficiaient d’un allégement de procédure.
[63] 1906 dossiers, dont 17 du premier volume concernent plusieurs sœurs admises en même temps (22 individus supplémentaires), soit un total de 1928 cas individuels.
[64] Soit les volumes I (octobre 1685-octobre 1686), XIV (juillet 1741-août1745) et XIX (septembre 1762-juillet 1766).
[65] Le père constitue le premier degré dans les dix premiers volumes. A partir du onzième le décompte change, la demoiselle correspond alors au premier degré.
[66] Cette liste est reprise par chaque Mémoire… et Instruction…, op. cit. Elle comprend des titres primordiaux, constitutifs, mais aussi des titres « civils » soit tout acte où se trouve précisée la qualification noble.
[67] Sur les trois cents dossiers étudiés, deux familles naturalisées au XVIe siècle : celle de Louise Françoise de Turin (Voir Preuves de noblesse…, op. cit., vol. I, année 1686, dossier n° 6), et celle de Claire Ursule de Ligneville Autricourt, née en 1737 à Nancy, qui avait obtenu ses lettres de naturalité en 1569, six générations plus tôt. Voir Preuves de noblesse…, op. cit., vol. XIV, année 1745, dossier n° 100.
[68] Dans les dossiers de Marie Elisabeth de Saluces Champelin et de sa cousine Marie Anne de Saluces Aizec. Voir Preuves de noblesse…, op. cit., volume VI, année 1705, dossier n°15 et volume VII, année 1711, dossier n° 48.
[69] La preuve de Marie de la Chièze Briange Sainte Sozie, née en 1726 à Martel (diocèse de Cahors) recèle la liste de sept frères et sœurs nés en 1719, 1720, 1722, 1723, 1725, 1729, 1732. Voir Preuves de noblesse…, op. cit., volume XIII, année 1738, dossier n° 6.
[70] Preuves de noblesse…, op. cit., vol. I, année 1686, dossier n° 33.
[71] Ibid., vol. XIV, année 1743, dossier n° 47.
[72] On y relève aussi cinq dispenses et quatre familles qui n’auraient pu entrer dans cet établissement si le décompte des degrés était toujours resté le même.
[73] Le calcul a été fait, pour chaque dossier, à partir de la date de l’acte le plus ancien.
[74] En ajoutant les preuves à trois degrés (si le père en constitue le premier), le pourcentage s’élève à 9%.
[75] Preuves de noblesse…, op. cit., vol XIX, année 1763, dossier n° 29.
[76] Ibid., année 1765, dossier n° 78.
[77] Ibid., année 1763, dossier n° 36.
[78] Ibid., année 1766, dossier n° 99.
[79] Ibid., dossier n° 93.
[80] Sa place reste constante tout au long de la période : chevaliers, écuyers, seigneurs et nobles représentent 91% du premier sondage, 88% des deux autres.
[81] Avec le temps, ces derniers sont de plus en plus nombreux (10, 20 puis 25 dans le dernier volume) alors qu’au XVIIIe siècle, la possession d’une seigneurie est loin d’être réservée à la noblesse. Cette évolution relève soit de l’imprécision du dernier volume des Preuves, soit de modifications dans le recrutement.
[82] La proportion fléchit légèrement vers la fin du XVIIIe siècle, mais l’échantillon est trop petit pour avancer une quelconque interprétation, y compris quant à la plus grande fréquence de ce type de noblesse par rapport aux demandes d’entrée. Voir D. Picco, Les demoiselles de Saint-Cyr..., op. cit. , chapitre V.
[83] Preuves de noblesse…, op. cit., vol. I, année 1686, dossier n° 25.
[84] Dans les placets des années 1711 à 1717 du Livre des demoiselles…, op. cit. et de l’État de 1717…, op. cit. 87,8% des grades étaient connus, avec parmi eux 45% de capitaines.
[85] Preuves de noblesse…, op. cit., vol. XIV, année 1744, dossier n° 64.
[86] Ibid., vol. XIV, année 1745, dossier n° 83.
[87] Voir A. Corvisier, Histoire militaire de la France..., op. cit., tome I, chapitre XVII, p. 445.
[88] Ordre de Malte, ou de Notre Dame de Montcarmel et de Saint-Lazare de Jérusalem (10 cas soit 3,3% des dossiers dépouillés).
[89] Preuves de noblesse…, op. cit., vol. XIX, année 1764, dossier n° 59.
[90] Au fil du temps, celles-ci sont de plus en plus nombreuses. Voir D. Picco, Les demoiselles de Saint-Cyr..., op. cit., chapitre VI, tableau 55.
[91] Preuves de noblesse…, op. cit., vol. I, année 1686, dossier n° 18.
[92] 34 entre chevaliers, 54 chez les écuyers, 28 chez les seigneurs.
[93] J. Meyer, « Un problème mal posé : la noblesse pauvre. L’exemple breton au XVIIe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1971, p. 161 à 188 et La noblesse bretonne au XVIIIe siècle, Paris, 1966, [réédition 1985], 2 vol.
[94] M. Nassiet, Noblesse et pauvreté, la petite noblesse en Bretagne, XVe-XVIIIe siècles, Rennes, Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1997 [réedition].
[95] Voir A. Corvisier, Histoire militaire de la France..., op. cit., tome I, p. 437 à 441.
[96] Voir G. Chaussinand-Nogaret, op. cit., p. 77.
[97] En cela, on peut totalement suivre Caroline Lougee, Le paradis des femmes. Women, salons and social stratification in seventeenth-century France, Princeton, New Jersey, 1976, chapitre XIII, p. 202 à 206.
[98] Voir L. La Beaumelle, Mémoires pour servir à l’histoire de Mme de Maintenon et à celle du siècle passé, et Lettres de Mme de Maintenon, Amsterdam, 1755/1756, 9 vol., vol. 3, chapitre X, p. 138.