15 mars 2023, Paris : Les émotions politiques aux XIXe, XXe et XXIe siècles
Ce colloque souhaite interroger le rôle, les significations et conséquences des émotions politiques sur la formation de groupes sociaux et dans l’établissement, par des groupes existants, de règles et valeurs aux fondements de leur vie commune aux XIXe, XXe et XXIe siècles. Il s’agit de mesurer comment différents degrés d’appropriation des émotions produites font l’histoire sociale du Politique.
Si les émotions forment un axe fructueux et déjà institué de la recherche germanophone en histoire contemporaine, en France, l’attention portée aux sensibilités ou, moins souvent, aux émotions collectives, semble surtout enrichir les différentes approches d’histoire médiévale et moderne, moins celle des périodes les plus récentes. En sciences politiques, sociologie, ethnologie et anthropologie, cet objet a pourtant suscité de nombreux travaux français sur l’époque contemporaine. Ce colloque souhaite donc se consacrer à ce champ historique propre en établissant des passerelles entre les recherches francophone et germanophone portant sur l’histoire contemporaine, notamment en comparant – grâce aux différentes interventions – les divergences de traitement observables dans ces deux pays.
A travers différentes pratiques, les émotions contribuent à diffuser et enraciner des idées, ainsi qu’à dessiner les contours de groupes sociaux. Les émotions en politique, ou plutôt les émotions politiques puisqu’elles se manifestent également en dehors du champ politique suivant une définition élargie que nous adoptons ici, constituent de réels « acteurs » de l’histoire. A travers des études empiriques, nous souhaitons nous interroger sur la « performativité » des émotions politiques, notamment par la création de groupes, parfois appelés communautés imaginaires ou émotionnelles. Si les stratégies de mobilisation (moyens, objectifs, encadrement) seront évoquées afin de situer les émotions reconstruites, l’accent portera sur leur réception, c’est-à-dire sur leur perception et leur appropriation aux fondements de la fabrique sociale du Politique. En outre, ce colloque visera à décloisonner des études ancrées dans un contexte national ou culturel unique, en enrichissant les grilles d’analyse des grammaires émotionnelles, mais aussi à mieux comprendre les périodes de transition – de déprise émotionnelle – d’un régime démocratique à un régime dictatorial, et inversement.
Les contributions de ce colloque pourront ainsi répondre aux questions suivantes :
De quelle manière les émotions politiques participent-elles à définir les contours des groupes à l’intérieur des sociétés ?
Dans quelle mesure les émotions politiques sont-elles révélatrices des appartenances sociales, régulent les comportements et motivent l’action collective ?
Comment les émotions collectives participent-elles au développement de la solidarité, de la cohésion sociale et au sentiment d’appartenance ?
Dans quelle mesure les émotions politiques contribuent-elles à former des mémoires collectives, mais également individuelles ?
Les émotions politiques sont-elles plus présentes dans les régimes dictatoriaux ou est-ce essentiellement les idées auxquelles elles sont associées qui les rendent plus visibles et interrogent leur dimension éthique ?
Dans quelle mesure le vécu individuel d’émotions politiques se distingue de leur possible vécu collectif ?
Les contributions s’inscriront dans trois grands terrains de recherche.
Le premier terrain s’intéresse aux festivités et réunions politiques, à leurs participants directs et indirects, par le biais de (re)transmissions en direct (radio, télévision, réseaux sociaux) ou a posteriori (presse écrite, télévision, créations artistiques), dont l’un des buts est de créer un vécu commun avec le groupe des participants physiques. Lorsqu’il y a une adhésion émotionnelle ou idéelle, le lien créé entre présents et absents participe à la création d’un groupe, appelé parfois « communauté imaginée » (Benedict Anderson). Il reste à savoir quand et par quels moyens les émotions politiques participent à la création d’une telle communauté, et également au service de quelle société (Gesellschaft) cet imaginaire émotionnel, voire communautaire (Gemeinschaft), est mis en œuvre.
Le deuxième terrain d’enquête de ce colloque concerne les arts et porte un accent particulier sur la musique. Bien plus que l’étude d’une musique ou d’une œuvre d’art, les contributions s’intéresseront à leur contextualisation, à la manière dont les arts sont mobilisés, c’est-à-dire au moment où l’on fixe une signification politique d’une œuvre d’art. Nous nous demanderons de quelle manière les arts, et plus particulièrement les arts participatifs comme le chant, contribuent de manière consciente et inconsciente, à façonner mémoires et appartenances. A ce titre, les études s’appuyant sur des corpus d’égo-documents sont particulièrement bienvenues.
Enfin, le troisième terrain de ce colloque s’intéressera au discours. Les réunions politiques, les arts (visuels et sonores) et les discours se complètent, étant donné que le discours permet, entre autres, de fixer un sens sur les émotions mobilisées, tout en en suscitant de nouvelles. Par ailleurs, il relève également d’une forme d’art, en l’occurrence oratoire. Les silences, la posture, l’intonation, le choix des mots permettent aussi de susciter et mobiliser des émotions. Il ne s’agira ici pas tant de s’interroger sur l’historicité des émotions politiques, en montrant les variations de leurs significations, dans le cadre de l’histoire conceptuelle (Begriffsgeschichte), mais de montrer leur degré d’appropriation auprès du ou des groupes destinataires du discours. Ici aussi, les études s’appuyant sur des égo-documents pourront permettre de faire la différence entre les directives officielles et la pratique sur le terrain, soulignant le cas échéant les divergences entre discours, narration et réalité qui témoignent autant de modalités d’appropriation que de rejet.
Même si "l’histoire du sensible" dans la sphère française et l’Emotionsgeschichte dans l’espace germanophone restent les disciplines principales de ce colloque, ce dernier est ouvert aux interventions d’historien.ne.s, sociologues, psychologues, neuroscientifiques, linguistes, musicologues qui, confrontés à cette problématique dans leur recherche, souhaitent exposer, à partir de supports écrits, sonores et visuels, leurs approches et méthodes d’analyse de ce domaine complexe et fournir leurs outils afin d’étudier les émotions politiques vécues.
Modalités de soumissions
Les propositions de communications sont à envoyer jusqu’au 15 mars 2023
à l’adresse suivante : emotionspolitiques2023 chez gmail.com. Les candidatures retenues seront communiquées mi-mars 2023. Elles doivent comporter un résumé de la communication (max. 500 mots), les coordonnées institutionnelles et une courte notice bibliographique de l’auteur.e. Le colloque se déroulant en français et en allemand, une maîtrise, a minima passive, de ces deux langues est requise.
Les frais de transport seront remboursés aux participant.e.s qui ne résident pas à Paris sur présentation des billets dans la limite de 110 € pour les participant.e.s venant de France et de 140 € pour les participant.e.s venant de l’étranger. Le comité d’organisation prendra en charge les frais de repas (pauses déjeuner et café) pour l’ensemble du groupe.
Comité organisateur
Julien Corbel, doctorant, CEREG (EA 4223), ED 625 MAGIIE, Université Sorbonne Nouvelle
Charlotte Soria docteure en histoire, UMR Sirice, Sorbonne Université