16 juil. 2023, Douai : Discours juridique, genre et histoire
Au sein de l’histoire du droit s’élèvent depuis quelques années des voix de plus en plus puissantes, demandant un renouveau de la méthode et des paradigmes de la discipline. Démarche réflexive, étude des rapports de pouvoir, remise en cause de la naturalité de certaines normes, interrogations sur l’universalité et la neutralité du droit sont autant d’enjeux communs aux études critiques et à l’histoire du droit, appelant au rapprochement de ces disciplines.
C’est dans cette perspective que ce colloque international souhaite investir la thématique « Discours juridiques, genre et histoire ». Cet événement s’adosse au futur ouvrage porté par l’ANR HLJP Genre et sera complété par un colloque organisé l’année suivante, en 2024, sur le droit appliqué et ses pratiques. Toutefois, bien qu’ouvrage et résultats soient présentés et discutés, il s’agit également d’ouvrir le champ à d’autres contributions.
Au commencement, un constat : lier genre et histoire du droit implique des enjeux majeurs. Dès lors, il s’agit de poursuivre un rapprochement à peine entamé et de combler un vide historiographique. Dans la recherche juridique française, depuis les années 2010, quelques travaux pionniers et le projet fondateur RÉGINE ont suscité des émules ; néanmoins, le processus d’acculturation en histoire du droit n’en est qu’à ses débuts.
Par ailleurs, le genre invite à adopter une analyse intersectionnelle, tant dans une approche de la pluralité des rapports sociaux, que dans une réflexion sur la manière dont ces rapports sont articulés afin d’en saisir et d’en restituer la complexité.
Enfin, travailler sur le genre implique une remise en cause des méthodes traditionnelles d’analyse de nos disciplines. Pour l’histoire du droit, fondée sur un socle épistémologique singulier, cela incite à créer des outils spécifiques, dont des grilles de lecture sui generis. Le colloque propose ainsi d’engager un dialogue interdisciplinaire sur ces nouvelles manières d’appréhender l’objet genre.
Concrètement, en se penchant sur « les discours juridiques », le colloque s’intéresse aux textes de droit saisis en tant qu’énoncés normatifs.
En premier lieu, il s’agit d’observer les textes normatifs, entendus comme textes primaires : de la Constitution à l’acte administratif individuel en passant par les textes internationaux, les chartes et conventions collectives, ou encore la législation royale, impériale et les coutumes.
En second lieu, ces discours juridiques sont constitués de textes secondaires, en amont, en aval, ou en parallèle du texte primaire. Ainsi, nous pouvons nous situer aux prémices du processus et remonter vers les producteurs et productrices des discours : impulsions individuelles ou collectives qui souhaitent formaliser, par un texte juridique, une demande sociale ; premiers acteurs ou premières actrices à l’initiative d’un texte, par exemple.Les débats d’instance de production du texte – notamment les débats parlementaires – sont ici visés, puisque ces discours facilitent l’identification de ce que la doctrine désigne comme l’esprit de la loi, les intentions de ce fameux « législateur », qui n’est en réalité qu’une figure abstraite. Dresser le profil sociologique des acteurs et actrices des débats et/ou cartographier les idéologies,les stratégies et les rapports de force en jeu, permet ainsi d’affiner la contextualisation des discours.
Enfin, la production doctrinale concernant un texte normatif, qu’elle se situe en amont ou en aval du processus, fait partie intégrante de ces discours juridiques et est partie prenante de l’étude. En effet, le travail doctrinal génère des discours qui coexistent avec les textes primaires : ils s’inscrivent dans une relation de commentaire et d’élaboration des conditions contribuant à la mise en application ultérieure d’une norme, par les professionnels du droit et par les justiciables. De plus, ces discours façonnent plus ou moins directement la production des textes primaires. Ce faisant, il s’agira également, au-delà des enjeux juridiques techniques et théoriques mobilisés, de s’intéresser aux juristes eux-mêmes, ainsi qu’au contexte de rédaction de leurs discours situés.
La finalité serait de saisir les représentations dominantes, entérinées et consacrées dans des productions textuelles, parées du sceau de l’autorité juridique. De fait, les discours juridiques autour du droit formel sont donc appréhendés dans leur dimension symbolique d’officialisation de la « normalité » et leur visée performative : le fameux sollen, qui tend à modeler durablement la société, en faisant fi, parfois, de sa réalité concrète et autonome.
Non seulement la perspective historique permet de souligner les évolutions, les ruptures, les permanences des contours du sujet de droit selon les époques, des plus anciennes avec les systèmes juridiques antiques, aux plus contemporaines jusqu’au droit en vigueur, mais cette même perspective offre aussi un cadre propice à l’analyse des contextes.
Assez largement alors, la question des épistémologies critiques et des savoirs situés est également au cœur du propos. Il s’agira, dans les contributions, de discuter des objets, des théories, des concepts mobilisés, et des pratiques de recherche sur le genre et l’intersectionnalité. En outre, les débats philosophiques et théoriques du droit, entre jusnaturalisme et positivisme, peuvent ainsi être repensés par ces épistémologies critiques. Pour soutenir et nourrir ces interrogations, la perspective internationale et comparée pourrait nous inviter à sortir de l’ethnocentrisme, en croisant différents systèmes juridiques aux cultures scientifiques hétérogènes.
Sont donc sollicitées des interventions relevant du champ juridique – histoire du droit, droit positif, philosophie/théorie du droit, sociologie du droit... – comme de l’ensemble des sciences humaines et sociales – histoire, science politique, philosophie, sociologie, science du langage, psychologie, ethnologie, anthropologie, littérature (liste non exhaustive) –, s’inscrivant dans l’un de ces trois axes :
les épistémologies critiques du droit, la philosophie du droit ou la théorie du droit à l’aune du genre et de l’intersectionnalité ;
les méthodes d’analyses genrées et intersectionnelles, et les outils heuristiques élaborés pour l’analyse des discours en général et des discours juridiques en particulier ;
les résultats de recherche d’analyse genrée et intersectionnelle des textes juridiques eux-mêmes de toute nature, primaires et/ou secondaires : échanges au sein des espaces militants qui ont traduit des préoccupations sociales en enjeux juridiques, débats de production, ou controverses doctrinales, entre autres.
Modalités de soumission
Les propositions d’intervention de 1 500 à 3 500 signes (espaces comprises), suivies d’une courte biographie, sont à envoyer au comité d’organisation
avant le 16 juillet 2023.
Si vous disposez d’identifiants HAL, vous pouvez déposer votre proposition sur la plateforme suivante : https://hdgenre.sciencesconf.org.
Si vous ne disposez pas d’identifiants HAL, vous pouvez envoyer directement votre proposition à : hljpgenre chez univ-artois.fr
Comité scientifique
Ariane AMADO, Véronique BLANCHARD, Luisa BRUNORI, Nicolas BUÉ, Nathalie CROCHEPEYRE FLAMENT, Prune DECOUX, Hélène DUFFULER-VIALLE, Alexandre FRAMBÉRY-IACOBONE, Margot GIACINTI, Nader HAKIM, Hugues HELLIO, Marie HOULLEMARE, Amélie IMBERT, Anne JENNEQUIN, Martine KALUSZYNSKI, Sébastien LANDRIEUX, Caroline LASKE, Frédérique LE DOUJET-THOMAS, Farid LEKÉAL, Quentin MARKARIAN, Sabrina MICHEL, Arnaud PATURET, Marc RENNEVILLE, Florence RENUCCI, Régis REVENIN, Anne ULRICH-GIROLLET, Fanny VASSEUR-LAMBRY, Sophie VICTORIEN et Alain WIJFFELS.