18 oct. 2024, Orléans : Reconstruire, réformer, refonder
APPEL À COMMUNICATIONS RECONSTRUIRE, RÉFORMER, REFONDER
PROPOSITION DE LA SECTION HISTOIRE ET PHILOLOGIE DES CIVILISATIONS MÉDIÉVALES POUR LE CONGRÈS NATIONAL DES SOCIÉTÉS HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES 2025 (ORLÉANS).
Le prochain Congrès national des sociétés historiques et scientifiques
se déroulera du lundi 14 au vendredi 18 avril 2025 à Orléans.
Vous pouvez dès à présent nous faire parvenir vos propositions de communications en vous inscrivant directement sur le site internet du CTHS ou en écrivant à l’adresse congres chez cths.fr
Les candidatures doivent nous être envoyées avant le vendredi 18 octobre 2024.
Les dossiers reçus après cette date ne pourront être pris en compte.
Les thématiques proposées sont :
Les choix de la reconstruction architecturale et urbanistique
Reconstruire et refonder dans des situations de migration et d’exil
Refondations et réinventions des patrimoines et des héritages culturels
Le langage de la réforme
Contingence et planification dans les réformes
Réforme et changement
Les réformes religieuses (catholique ou protestante)
Réformer et reconstruire
Reconstruire le passé mémoriel
Les acteurs de la réforme
La perception de la réforme par les contemporains
Rythmes et temps de la réforme
Les impacts économiques et financiers des actions de reconstruite, réformer et refonder
Les réformes dans le système de transmission du savoir (écoles, universités...)
Réformer et innover
En 2023, le Congrès national des sociétés historiques et scientifiques a abordé les notions de rupture et d’effondrement. De nombreuses communications présentées au cours de ce congrès ont montré que ces phénomènes de rupture et de disparition (qu’il s’agisse des espèces animales, des empires ou des institutions qui régissent la vie quotidienne de nombreuses populations) aboutissent très rarement à un chaos total. Aux phases de déclin et de destructions succèdent souvent des périodes de reconstruction et de renaissance dans lesquelles les sociétés retissent des liens, réparent des ruines, renouvellent des institutions, relancent l’économie.
Le Congrès national des sociétés historiques et scientifiques de 2025 se propose d’aborder ces perspectives d’action refondatrice qui scandent l’histoire de la terre, de l’humanité et des sciences tout autant que les périodes de rupture et de destruction. Plutôt que les effets et les conséquences, on analysera les contextes et les processus qui se définissent par trois verbes d’action : reconstruire, réformer, refonder.
Ces mots sont construits avec un préfixe à valeur itérative ; ils impliquent la transformation d’un état donné antérieur, interrogent le rapport tissé entre le passé et le présent vécu à une époque donnée, jettent les bases pour l’avenir. Puisqu’il s’agit de re-construire, re-former, re-fonder, ces actions sont définies par leurs promoteurs ou leurs acteurs en référence à un état antérieur qu’il s’agit de rétablir ou au contraire de dépasser, selon que ce passé est connoté positivement ou négativement. La notion de réforme, au coeur de la vie religieuse au long des siècles, comme de la pratique politique contemporaine, est parfois interprétée comme une régression. Mais les fondements historiques anciens ont montré l’équivalence de ces notions sous trois formes : la reconstruction permet la réforme et la refondation.
S’ils expriment des sens équivalents ou proches, les trois verbes distinguent toutefois des démarches qui ont chacune une signification précise.
Reconstruire a un sens évident en matière d’architecture : il signifie remplacer un édifice ancien, démoli accidentellement ou volontairement, par un autre sur le même emplacement, qui peut être reconstruit à l’identique ou, plus souvent, modifié dans son architecture et/ou dans ses usages. L’archéologie du bâti a mis en évidence la présence fréquente d’éléments de réemplois (fragments d’édifices antiques, portails romans réutilisés dans les églises gothiques…) qui peuvent conserver intentionnellement le souvenir de l’édifice antérieur. La reconstruction n’est pas une table rase qui efface le souvenir du passé. Les processus de reconstruction urbaine (à la suite des guerres notamment ou de catastrophes naturelles) sont à prendre en compte en distinguant des reconstructions partielles ou totales et planifiées : il convient alors de s’interroger sur l’initiative de ces opérations, soit menées par des particuliers, soit coordonnées par les autorités publiques.
Toujours en architecture, dans le domaine de la pédagogie, l’opération de restitution visuelle (sur le papier) d’édifices disparus ou à l’état de ruine occupe pendant toute la période moderne et au début de la période contemporaine une place centrale dans l’apprentissage de la composition. De telles pratiques existent aujourd’hui dans le domaine de l’enseignement de la construction, où la reconstruction matérielle de procédés techniques est une voie possible pour comprendre des dispositifs anciens et apprendre à les restaurer. L’archéologie expérimentale ou reconstructive est de même utilisée de longue date pour comprendre le fonctionnement des objets et des structures par l’expérience. Cette pratique s’est étendue à l’histoire comme en témoigne la reconstruction des machines de Léonard de Vinci.
Dans un autre domaine, la possibilité et la validité de la reconstruction des textes sont au cœur des débats philologiques. En l’absence d’original, lorsque seules subsistent des copies, le philologue doit choisir entre la voie de la reconstruction et celle de la conservation. D’une tradition académique et linguistique à l’autre, d’une tradition textuelle à l’autre, la décision diffère. En s’opposant aux pratiques reconstructionnistes, Joseph Bédier (1914 et 1928) a provoqué un « schisme » majeur dans les pratiques philologiques. En dénonçant l’impossibilité de classer avec certitude les manuscrits et la bifidité des stemmata codicum, Bédier concluait qu’il fallait s’en tenir à un « bon manuscrit », sous peine de reconstruire d’après le goût de l’éditeur. On pourra évoquer les modalités et perspectives des éditions reconstructionnistes aujourd’hui.
Mais en sens figuré, plus large, reconstruire peut définir tout processus de réorganisation et de réforme sociale, économique, politique et religieuse après une crise, une guerre ou un changement de régime, qui implique une action pour remédier aux destructions engendrées et un effort de remise en ordre, territorial, institutionnel ou sociétal. L’étymologie latine du mot dérive en effet de construere, mettre en ordre, ranger, superposer des couches.
Un courant historiographique récent s’intéresse aux reconstructions mémorielles, c’est-à-dire à la manière dont une société et ses dirigeants perçoivent et interprètent le passé à la lumière de leur propre contexte historique, au risque d’en modifier la vérité factuelle.
Refonder peut avoir un sens analogue dans cette dernière perspective et implique soit une œuvre de réparation qui permet de réintroduire des modes de vie ou des institutions en revenant aux principes initiaux souvent idéalisés, après une période d’affaiblissement ou d’abandon (ex. refondation de monastère ou de ville, comme par exemple le cas des villes après la Reconquista), soit au contraire une entreprise qui vise à recréer les bases d’une autorité ou d’un pouvoir après avoir écarté les causes de faiblesse précédentes : en ce sens, Charles VII et Louis XI ont refondé la puissance monarchique française après la crise de la guerre entre Armagnacs et Bourguignons. Le Moyen Âge utilise ce verbe surtout au sens de « rendre », « restituer », rétablir des droits.
Réformer est certainement le verbe le plus riche de sens, et le plus connoté dans ses usages. Ce mot clé du vocabulaire médiéval (reformatio) - même s’il n’est pas employé avec une très grande fréquence dans les textes - implique, au contraire des deux précédents, une action transformatrice qui vise à améliorer la situation antérieure et mettre fin à un état de crise. Pour certains, cette amélioration ne peut intervenir que par un retour à une forme initiale (rendre une forme première) qui a été abandonnée, voire trahie. Ainsi la réforme religieuse de Cîteaux, qui prétend revenir aux sources de l’inspiration bénédictine ou, dans un autre ordre, le rétablissement du Saint Empire qui reprend à la fois des traditions d’origine romaine et des héritages carolingiens. Dans cette perspective, la « réforme » s’affiche comme un retour à l’ancien, non pas une créativité. Dans d’autres circonstances, une réforme ne peut se développer sans un travail préalable de renouvellement des concepts et des modes de penser. Ainsi, toute mesure de transformation politique est considérée comme réforme ; elle implique un nouvel élan.
Ce terme de réformer peut aussi s’envisager comme synonyme de régénérer, la perspective prenant alors une dimension pour partie scientifique. Un appel au sursaut, à une reconfiguration de l’état social, politique, économique, intellectuel, scientifique tient lieu de réponse à une période de rupture (défaite militaire, renversement de l’ordre jusque-là établi, etc.) ou à des campagnes autour d’un supposé déclin social ou moral, d’une dégénérescence anthropologique aux causes multiples. La mise en œuvre de politiques publiques hygiénistes ou militaristes par exemple, tout comme la création d’organismes à visée régénératrice, comme put l’être l’Association française pour l’avancement des sciences (« Par la Science, Pour la Patrie »), participent de ces réactions.
Mais réformer désigne aussi une action de type législatif ou statutaire, devenue régulière dans les communes d’Italie médiévale, pour adapter et modifier les textes juridiques et institutionnels qui organisent la vie de la société ; c’est une « remise en forme », une mise à jour du droit. La réforme de ces pratiques d’élaboration et d’enregistrement du droit peut aller de pair avec une réforme de l’écriture, afin d’en faire un instrument plus adapté aux nouvelles fonctions. Les réformes de calendriers sont d’autres exemples d’adaptation technique rendues nécessaires pour préciser et clarifier le calcul du temps, en fonction des progrès de la connaissance.
À partir de ces notions de base, de nombreuses pistes de réflexion peuvent être suggérées et explorées. Le Congrès s’efforcera de prendre en compte la diversité des époques et des modalités dans les manières de reconstruire, refonder et réformer. Il convient également de mettre en avant les documents qui évoquent, et souvent justifient, de telles actions à l’épreuve de la réalité historique.
Les communications pourront aborder le thème soit à travers des études de cas, soit en proposant des réflexions plus générales sur l’évolution à plus long terme dans le rapport au passé, institutionnel, politique, mémoriel, qui est induite par les actions de reconstruire, refonder et réformer.
VOICI QUELQUES SUGGESTIONS DE PISTES DE RÉFLEXIONS
– Les choix de la reconstruction architecturale et urbanistique
La reconstruction d’un édifice est souvent l’occasion de mutations, d’agrandissements et d’améliorations, qui tendent à affirmer plus fortement le pouvoir du commanditaire ou à renforcer les défenses d’une ville. Rares, sauf à l’époque contemporaine dans le cadre de la « conservation du patrimoine », sont les reconstructions à l’identique. Dans le cas d’équipements publics, comme le pont d’Avignon, destructions et reconstructions partielles expriment des conflits d’autorité. En Syrie, les reconstructions de villes après les dévastations mongoles des XIIIe et XVe siècles, sont souvent l’occasion pour l’élite militaire d’affirmer son pouvoir et d’imprimer sa marque pour la postérité.
De manière analogue, les reconstructions urbaines peuvent accompagner la reconversion ou la réorientation des fonctions : ainsi, à la fin du Moyen Âge, dans le contexte de la guerre de Cent Ans ou par les aménagements de Vauban sous le règne de Louis XIV, observe-t-on un renforcement de la militarisation des villes pour accueillir des garnisons chez les habitants et plus tard par la construction de casernes.
La reconstruction concerne plusieurs cas de figures et à des échelles différentes. Elle peut se rapporter à un bâtiment, un îlot, un quartier parfois même une ville ou un village. Elle succède à des démolitions générées par des catastrophes naturelles (tremblement de terre, coulées de lave ou de boue, fleuve en crue, inondations…), des guerres, un manque d’entretien des bâtiments ou encore suite à une décision politique (opérations de démolition dans le cadre d’une politique publique).
Que la reconstruction soit à l’initiative des pouvoirs publics, d’un particulier ou d’un promoteur privé, elle s’accompagne d’un ensemble de questions sur les moyens disponibles, les acteurs en présence et la nature des travaux à engager avec une attention variable à l’histoire des lieux.
S’agit-il de reconstruire à l’identique ou bien convient-il de faire d’un désastre une opportunité de modernisation, de transformation radicale des lieux concernés pouvant ainsi parfois devenir un véritable laboratoire urbanistique et architectural ? Pour quels paysages, quelle identité ? Les opérations planifiées, telles que celles de Lisbonne après le tremblement de terre suivi d’un tsunami et d’un incendie le 1er novembre 1755, ou du Havre ou de Royan après la Seconde Guerre mondiale, montrent comment le projet urbanistique refonde la ville de manière différente. On peut évoquer aussi les projets de reconstruction idéelle qui n’ont jamais abouti complètement, tels que les plans d’urbanisme préparés par les intendants de Bordeaux au XVIIIe siècle. Il faut également prendre en compte les diversités lexicales, selon les périodes et les territoires concernés. En pays d’Islam, le terme utilisé en arabe est ?ammara, qui signifie réparer, construire, reconstruire, repeupler, restaurer. La reconstruction peut s’envisager au même endroit ou bien déplacée dans d’autres territoires. Convient-il de maintenir tout le bâti initial ou bien de modifier le tissu et les fonctions du territoire concerné, de privilégier des espaces moins denses voire non bâti ? Quelle mémoire conserver sur les lieux transformés et sous quelles formes ? Comment associer à la reconstruction les populations parfois elles-mêmes porteuses des projets (le mouvement des Castors en France) ?
– Refondations et réinventions des patrimoines et des héritages culturels
Dans le sillage des réflexions sur les inventions de la tradition (Hobsbawm 1983 ; Dimitrijevic 2004), il s’agit de s’interroger sur les cadres contemporains des actions collectives et/ou militantes menées dans le domaine du patrimoine – notamment du patrimoine culturel immatériel. Si la notion même de patrimoine renvoie en effet à la présence du passé dans un présent, matérialisé par un certain nombre d’objets et de pratiques, ce passé ne cesse d’être reconstruit précisément en fonction des contextes dans lesquels il est convoqué. On peut dès lors se demander quelles formes prennent ces reconstructions et ce qu’elles doivent tant aux cadres sociaux des activités collectives menées qu’à l’intimité des sujets qui les constituent.
Dans cette perspective, il peut être particulièrement intéressant d’aborder les reconstructions narratives des origines des peuples, qui peut faire l’objet d’un atelier.
– Reconstruire et refonder dans des situations de migration et d’exil
Guerres, cataclysmes, coups d’état, génocides ou effondrement économique ont entraîné, dans l’histoire récente et continuent d’entraîner aujourd’hui des déplacements massifs de populations dont les liens sociaux et familiaux, les ancrages territoriaux, les trajectoires professionnelles, les pratiques culturelles sont pulvérisés ou à tout le moins bouleversés. Comment reconstruire et que reconstruire dans des situations de migration et d’exil ? Sur quelles bases, avec quelles ressources et avec qui refonder des relations professionnelles, familiales, politiques ? Comment celles-ci s’appuient-elles tout à la fois sur la mémoire de la vie d’ « avant » et sur de nouvelles sources de légitimité, concernant par exemple les rapports de genre et de génération, les rapports au politique, les rapports entre individus et communautés, etc. ? Autant de questions que nombre de travaux menés actuellement tant sur les migrations et l’exil que sur les sorties de conflit ou les refondations et les changements post-crises sont susceptibles d’alimenter (cf. travaux de M. Beauchamps, 2024, C. Al Khallili 2023, M. Ferry 2021).
– Le langage de la réforme
Quel est le langage de la réforme dans les messages destinés à la faire accepter et adopter, y compris par des formes artistiques ? Existe-t-il une « propagande » de la réforme, et sous quelle(s) forme(s) ? Une lexicographie de la réforme s’impose en tout cas. La dernière enquête autour du mot reformatio menée sous la houlette de Marie Dejoux pour le Moyen Âge révèle le hiatus qui existe entre l’usage très limité que les Médiévaux ont fait du lexique de la réforme et celui des historiens modernes et contemporains pour décrire des expériences qu’ils estiment « réformatrices ».
– Contingence et planification dans les réformes
Il convient d’évaluer dans ces démarches la part d’empirisme et de contingence (Élodie Lecuppre-Desjardin) et la part d’un projet conçu d’avance, en rupture au moins partielle avec la situation présente, qu’il s’agit de mettre en pratique. On veillera toutefois à exclure l’étude de projets qui se présenteraient comme « révolutionnaires », et impliqueraient un changement radical, voire une table-rase.
– Réforme et changement
Réformer est souvent présenté comme une action destinée à mettre fin à un état de crise, qu’elle soit d’ordre moral, institutionnel ou économique. Mais ce n’est pas toujours vrai. L’élément axiologique d’intention améliorative n’est-il pas ce qui distingue la « réforme » de tout autre mouvement de transformation ? Mais le discours des réformateurs, au moins pour la période médiévale, en termes d’analyses historiques, parle plutôt de modification.
La réforme s’appuie souvent sur un programme qui expose et formalise les buts de l’action, ecclésiastique, princière ou souveraine ; ceux-ci visent à dépasser le retour au statu quo ante pour créer de nouvelles conditions de progrès qui, le plus souvent, concourent en fait à restaurer et renforcer le pouvoir des dirigeants.
La réforme, ecclésiastique ou la ??que, est souvent présentée comme une lutte contre des abus. Mais sa portée réelle est plus vaste : elle permet de réorganiser et mieux contrôler les rapports sociaux ou économiques, d’offrir de nouveaux cadres moraux, idéels et institutionnels à la vie de la société. Pour Marie Dejoux, les enquêtes ordonnées par Louis IX entre 1247 et 1270 sont essentiellement une démarche judiciaire, permettant aux sujets de dénoncer les abus des officiers locaux et ainsi de rapprocher concrètement l’exercice de la justice des sujets.
– Les réformes religieuses (catholique ou protestante)
On ne saurait être dupe du discours qui présente tout un ensemble de mouvements comme un « retour » à un état de fait antérieur, valorisé en tant que passé glorieux et plus « pur » en termes d’observance des préceptes chrétiens et plus spécifiquement des règles (celle de saint Beno ??t surtout) pour les ordres religieux. Il appartient avant tout à l’historien de mettre en évidence les processus qui ont fait advenir ces mouvements « réformateurs ». Le passé évoqué comme autorité pour ces transformations est idéalisé afin de justifier les mutations et de les faire accepter en discréditant les tenants de la conservation de l’ordre antérieur (voir à cet égard, entre autres, les conflits nés du mouvement de l’Observance dans les ordres religieux à la fin du Moyen Âge). Cela vaut aussi dans le domaine politique. Dans d’autres cas, la réforme religieuse permettait à un pouvoir politique de s’affirmer. Ainsi le réformisme religieux des Almohades, né en réaction aux Almoravides (1056-1147) et inspiré de courants à la fois sunnites et chiites, allait servir de fondement à une nouvelle dynastie qui régna sur l’Afrique du Nord et le sud d’al Andalus, de 1130 à 1269.
La réforme grégorienne occupe une place emblématique dans l’historiographie européenne comme archétype de réforme religieuse. Les Médiévaux évoquaient plutôt une action de « corriger », d’ « améliorer ». Ce n’est pas un « retour » à un état de fait antérieur, mais l’avènement progressif d‘un nouvel ordre du monde (Tellenbach), d’une ecclésiologie centralisée autour de la figure du successeur de Pierre et d’une société qui se veut coextensive à l’Église en tant que communauté des croyants.
De même, les « réformes » monastiques sont marquées par des « relectures » de l’observance originelle dans des contextes nouveaux : ainsi les cisterciens font leur propre lecture de la Règle de saint Beno ??t, celle d’hommes du XIIe siècle, marqués par des aspirations à un monachisme ascétique (pauvreté, travail manuel, strict retrait du monde) et centré sur la quête spirituelle individuelle du moine qui entre dans la communauté à l’âge adulte (refus des oblats et des petites écoles monastiques).
Les initiatives de réforme d’ordres religieux s’accomplissent le plus souvent, non en « refondant » d’anciennes communautés auxquelles on imposerait les nouvelles règles, mais en fondant de nouveaux établissements (ainsi des réformes cisterciennes, des observances mendiantes en Espagne ou de la réforme des Clarisses par sainte Colette de Corbie), ce qui souligne l’incompatibilité entre l’ancien état de vie religieuse et l’application de nouvelles règles.
Dans cet ensemble, l’historiographie de l’époque moderne semble marquée par le terme de « réforme ». Il y a la Réforme, naissance du protestantisme, la Réforme catholique, marquée par le concile de Trente (1545-1563), certains préfèrent parler de Contre Réforme. Se référer à cette expression signifie un malaise, l’idée que ce qui se déroule ne convient pas. L’appel à cette réforme se fait au nom de la tradition, la volonté de rompre avec un présent considéré comme une trahison du message évangélique originel et le rêve de revenir à une sorte d’âge d’or. Les ordres religieux ne font pas exception. La Réforme se situe entre deux pôles : modifier des ordres anciens, quitte à provoquer à l’intérieur des familles religieuses des scissions lourdes de sens ; créer de nouveaux ordres qui semblent mieux correspondre aux attentes de la société. Ce sont des ordres dont l’action sociale est évidente (gestion d’écoles ou de centres de soins), mais aussi des formes d’organisation originale (ex. : la Compagnie de Jésus) ou une nouvelle vision de l’espace d’action (ex : installation urbaine).
– Réformer et reconstruire
Les réformes religieuses sont-elles accompagnées de reconstructions, de l’avènement d’une architecture nouvelle (c’est assez connu pour les cisterciens, par exemple ou les ordres mendiants avec les églises-halles propres à la prédication) ? Réciproquement : une reconstruction signale-t-elle une volonté réformatrice ? Le fait est peut-être moins abordé dans le milieu séculier, pour les collégiales ou les cathédrales. Mais il se vérifie notamment à travers le projet pastoral de l’évêque de Paris Maurice de Sully : la reconstruction en style nouveau de la cathédrale va de pair avec la modification du réseau paroissial dans la Cité, le chantier de l’Hôtel-Dieu et l’œuvre écrite à destination du clergé du diocèse (dont les sermons au peuple, récemment publiés par la section Histoire et philologie des civilisations médiévales sous le titre à cet égard éloquent De la chaire à la pierre). Un style architectural nouveau est-il également associé à la Réforme protestante ?
– Reconstruire le passé mémoriel
Il y a là aussi un axe de réflexion à considérer. Le cas de la reconstruction actuelle de Notre Dame de Paris est emblématique de ses enjeux et de ses débats.
– Les acteurs de la réforme
Il s’agit ici d’évoquer les promoteurs, les relais de diffusion, les soutiens mais aussi les opposants. Ainsi, dans une vue synthétique de la réforme monastique en Castille au XVe siècle, qui implique tous les membres du clergé, Adeline Rucquoi souligne l’importance des relais des grands prédicateurs, qui ont largement diffusé, sur fond d’antijudaïsme et d’anti-islamisme, les idéaux de la réforme morale et ont permis que la réforme obtienne d’importants ralliements et soutiens dans toutes les couches de la société.
– La perception de la réforme par les contemporains
Quelles sont les adhésions et les résistances engendrées par les actions de reconstruire, refonder, réformer ? Les oppositions aux « réformes », souvent dénoncées comme des actions passéistes allant contre une forme de « modernité », sont à interroger à l’aune des justificatifs avancés par les promoteurs desdites réformes.
– Rythmes et temps de la réforme
Le processus doit-il être considéré comme une évolution progressive et ample, ou au contraire comme une phase de mutations rapides qui opposent un « avant » et un « après » selon les perspectives de Rienhard Kosseleck ?
– Les impacts économiques et financiers des actions de reconstruire, de réformer et de refonder doivent aussi être pris en considération.
– Les réformes dans le système de transmission du savoir (écoles, université…)
Ces réformes s’accompagnent souvent d’une réforme des textes : ainsi la réforme carolingienne du IXe siècle comporte-t-elle à la fois une réforme de l’écriture et une volonté de revoir les textes bibliques ou liturgiques afin de les rendre plus clairs et lisibles. Les travaux bibliques du XIIIe siècle, ou l’humanisme, dès la fin du XIVe siècle, ont entrepris une révision des manuscrits anciens pour éliminer les fautes introduites par des copies médiévales.
– Réformer et innover
Les actions de refondation, réforme, reconstruction constituent-elles un facteur « d’accélération » de l’histoire, en favorisant l’émergence de nouveautés techniques, conceptuelles, de nouveaux modes de penser (ainsi la « renaissance du XIIe siècle » précédant celle de la fin du Moyen Âge, qui a impulsé un vaste mouvement de redécouverte et de traduction d’œuvres antiques) ? La « modernité » est-elle une modalité de réforme ?
Présidents scientifiques : Olivier MATTEONI et Philippe JANSEN
– Professeur d’histoire du Moyen Âge à l’université Paris I - Panthéon-Sorbonne, directeur-adjoint du Laboratoire de médiévistique occidentale, Paris, (LAMOP, UMR 8589, CNRS)
Président de la section Histoire et philologie des civilisations médiévales,
Membre de l’Association française pour l’histoire de la justice,
la Société de l’École des chartes,
la Société de l’histoire de France,
la Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public,
et de la Société nationale des antiquaires de France.
– Professeur d’histoire du Moyen-Âge à l’université Nice - Sophia-Antipolis,
Membre de la section Histoire et philologie des civilisations médiévales,
de l’Association pour la promotion et la diffusion des connaissances archéologiques,
de la Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public.
Président du comité d’organisation : Corinne LEVELEUX-TEIXEIRA
Professeure d’histoire du droit à l’université d’Orléans, directrice d’études à l’École pratique des hautes études (EPHE), directrice de la Revue historique de droit français et étranger
Membre de la section Histoire et philologie des civilisations médiévales,
de l’Académie d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres d’Orléans,
de l’Association des historiens des facultés de droit,
de la Société d’histoire religieuse de la France,
de la Société de l’histoire de France,
et de la Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public