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5 juin 2025, Morlanwelz-Mariemont : La cour se met au vert (II). Arts, diplomatie et politique à la campagne (Europe – XVe-XVIIe siècle)

Argumentaire
Le 20 février 1545, l’empereur Charles Quint cède à sa sœur Marie de Hongrie, en remerciement pour la gouvernance générale des Pays-Bas qu’elle assume avec conscience et ardeur depuis près d’une quinzaine d’années, la prévôté de Binche en Hainaut. Dans cet écrin de verdure, la gouvernante profite de ses revenus et d’une totale liberté pour confier à Jacques Du Brœucq la création d’un pavillon de chasse appelé à devenir l’épicentre d’un vaste domaine : le « mont de Marie », Mariemont. C’est dans ce même environnement et en conviant notamment les destinées historiques de ces illustres personnages que le Domaine & Musée royal de Mariemont a choisi, en association avec les organisateurs du colloque interdisciplinaire La cour se met au vert. Mises en valeur et usages politiques des campagnes entre Moyen Âge et pré-modernité (Lille-Vaucelles, 2022), de poursuivre les enquêtes rassemblées au cours de cette rencontre dédiée à l’un des aspects de la vie curiale entre le XVe et le XVIIe siècle dans une optique comparative à l’échelle européenne.

Dans le cadre de l’exposition Marie de Hongrie. Art & Pouvoir à la Renaissance, un colloque international se tiendra au Musée royal de Mariemont du 19 au 21 mars 2026. S’appuyant sur un dialogue interdisciplinaire rassemblant historiens, historiens de l’art et de l’architecture, archéologues et spécialistes de la littérature, cette rencontre scientifique mettra l’accent sur les résidences curiales à la campagne, leur inscription dans leur territoire, leur ornementation, la vie festive qui s’y déploie, mais aussi les tractations diplomatiques et plus généralement politiques qui s’y trament. La cour est une micro-société à géométrie variable, dont les contours varient au gré des hiérarchies, des espaces et des temporalités, animée par une itinérance quasi constante, parfois saisonnière ; elle se déplace dans sa totalité ou en partie, la plupart du temps accompagnée de domestiques, d’officiers et de sergents. À la fin du Moyen Âge, elle semble avoir su faire de la campagne un environnement privilégié pour mêler l’utile à l’agréable. Qu’il s’agisse de fuir l’agitation ou les miasmes urbains, de pratiquer l’art du retrait ou au contraire de profiter de l’espace pour rassembler les acteurs de sommets internationaux, qu’il s’agisse de jouir d’un domaine giboyeux pour se frotter au « sauvage » ou, au contraire, d’inscrire en un lieu encore vierge la page ornementale d’un pouvoir en quête d’affirmation, le monde rural constitue assurément un lieu à part entière qui, non seulement accueille, mais également favorise la vie de cour, constituant en cela un véritable acteur de la culture aulique. En complément des travaux rassemblés dans les actes du colloque lillois à paraître aux Presses du Septentrion, les organisateurs de ce présent colloque invitent les contributeurs à développer des études ouvertes à l’ensemble de l’Europe dans un souci d’histoire comparée autour des thèmes suivants :

1. Les résidences et leurs aménagements

À plus ou moins grande distance des centres urbains, les résidences qui accueillent tout ou partie de la cour nécessitent des aménagements dont la connaissance est aujourd’hui nourrie par les travaux historiques classiques, mais également les résultats des fouilles archéologiques. Bâtis, jardins, parcs, fontaines, bassins… autant d’éléments dont la fondation et l’entretien nécessitent investissements et personnels, créativité et savoir-faire. Les résultats de ces installations et leurs évolutions s’inscrivent tout autant dans une histoire environnementale en plein développement, que dans une histoire économique et culturelle qui font de ces dispositifs les témoignages de la richesse, des goûts et de la circulation des idées de cette société élitaire. Les études menées en histoire, archéologie, histoire de l’art et de l’architecture permettront de mieux cerner l’habitat et l’espace de représentation qu’offre la résidence campagnarde à cette société du paraître qu’est la cour médiévale et moderne.

2. Les cours savantes

Au croisement de cette histoire environnementale et de celle des curiosités savantes, la campagne offre à l’aristocratie tout autant un écrin protecteur et salutaire nécessaire à l’épanouissement des corps qu’un terrain d’expérience propre à développer des savoirs empiriques alors en pleine expansion. Tandis qu’Anne de Saxe (1544-1577) profitait de ses jardins pour mettre au point des potions salvatrices, et que le roi du Danemark Frédéric II (1534-1588) offrait à Tycho Brahe une île pour en faire un observatoire astronomique privilégié, l’ensemble des cours européennes profitaient de ces escapades à la campagne pour expérimenter, échanger et apprendre de la nature[1]. De même, les espaces extérieurs au château peuvent constituer des lieux d’innovations techniques où, comme c’est le cas à Hesdin, jeux d’eau, mécanismes savants et automates ingénieux doivent servir à éblouir et distraire les visiteurs. L’attention se portera ici sur la société curiale saisie en tant qu’actrice de ces innovations ‘scientifiques’ et sur les conséquences de cette proximité éclairée sur les arts de gouverner, bien avant l’ère des physiocrates. Dans ce cadre, les domaines princiers peuvent même devenir des lieux d’expérimentation agraire, à des fins économiques.

3. L’usage de la campagne dans les dispositifs politiques

À la campagne, la cour emporte avec elle les affaires du monde urbain et international. Les princes et princesses, les régents, les consorts, les gouvernantes, etc. déplacent bien souvent avec eux leur conseil, tandis que les messagers parcourent les chemins de l’information nécessaire à la prise de décision. Si la campagne est en cela un lieu du politique comme un autre, les chercheuses et chercheurs sont invités à considérer la mise au vert comme un endroit privilégié dans la négociation et dans la communication politique. Les triomphes de Binche et Mariemont organisés par Marie de Hongrie en l’honneur de son frère Charles et de son neveu le prince Philippe en 1549, ne disent pas autre chose. Toutefois, les résidences de campagne peuvent s’avérer les lieux de l’exclusion, de la mise à distance voire du bannissement, signes de disgrâce ou de condamnation lorsque se fait entendre la colère du prince, mais également signes de la contestation lorsque les factions y trouvent refuge. Ces résidences peuvent aussi être des rendez-vous cynégétiques et des lieux de promenade appréciés. Être convié à prendre part aux chasses du prince ou faire quelques pas à ses côtés est aussi une marque de proximité, voire d’intimité au sein de la cour, propice aux discussions informelles et aux négociations discrètes.

4. Imaginaires et images de la nature

Dans ce monde des idées et des idéologies, la campagne voire la nature constituent un ressort essentiel dans les imaginaires. Pétris de littérature antique et biblique, les hommes et femmes de cour intègrent et développent une poétique de la nature, dont l’imitation maîtrisée signe la supériorité aussi bien technique dans le domaine des arts, que tout simplement humaine dans celui de la morale religieuse et, encore une fois, politique. De l’hortus conclusus médiéval aux chambres de retrait sophistiquées de la Renaissance et autres traités de vertus et de plaisirs, la campagne accompagne au fil des siècles les évolutions culturelles de l’otium, ce temps de loisir fécond destiné à l’amélioration de soi et du monde. Enfin, la représentation des cours princières à la campagne pourrait constituer une exception - qu’il s’agit encore de mesurer - aux règles et aux codes de représentation des cours et de leurs sociétés. C’est alors la question du sens et des finalités de la mise en image des cours dans un contexte rural qui pourra être posée.

Modalités de contribution
Les chercheurses et chercheurs qui souhaitent participer à cette rencontre sont priés d’envoyer un court CV, un titre et un résumé de leur proposition de communciation de 300 mots à :

gilles.docquier chez musee-mariemont.be
elodie.lecuppre chez univ-lille.fr
mathieu.vivas chez univ-lille.fr
avant le 5 juillet 2025.

Comité scientifique
Jean-Marie Cauchies (UC Louvain-Saint-Louis, Bruxelles, Académie Royale de Belgique)
Krista de Jonge (KU Leuven)
Gilles Docquier (Musée Royal de Mariemont)
José Eloy Hortal Muñoz (Université Rey Juan Carlos, Madrid)
Elodie Lecuppre-Desjardin (Université de Lille, Membre honoraire de l’IUF)
Pierre Nevejans (Université de Lille)
Mathieu Vivas (Université de Lille, Membre de l’IUF)
Note
A. Rankin, ‘Becoming an Expert Practitioner : Court Experimentalism and the Medical Skills of Anna of Saxony (1532–1585)’, Isis 98 (2007), p. 23–53 ; J.R. Christianson, Tycho Brahe, Science, and Culture in the Sixteenth Century, Cambridge, 2000.


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