Accueil / Actualités / Événements / Colloques et journées d’études / 13 juin 2014, Strasbourg : Personnalisation (...)

13 juin 2014, Strasbourg : Personnalisation et privatisation du pouvoir à l’époque moderne. Pour une comparaison européenne du pouvoir local de la noblesse, XVe-XVIIIe siècles

Université de Strasbourg, Institut d’histoire moderne (ARCHE EA 3200)
13 juin 2014, Palais Universitaire, Salle Tauler organisée par Anne-Valérie Solignat et Eric Hassler

Programme

10h Introduction (Anne-Valérie Solignat/Eric Hassler)

1. Construire et élaborer le pouvoir local
10h15 : Jonathan Spangler (Manchester Metropolitan University) : « Loyalty to place or loyalty to dynasty : old and new nobles and the duchy of Lorraine ».

10h45 : Rachel Renault (Université Paris I/Universität Münster) : « Domination locale, espace impérial et cultures politiques : la construction du pouvoir local chez les Schwarzburg, les Reuss et les Schönburg, XVIIe-XVIIIe siècles »

11h10 discussion

2. Le pouvoir local en conflit

11h30 : Antoine Fersing (Université de Strasbourg) : « L’ancienne aristocratie terrienne et la nouvelle noblesse d’offices en Lorraine ducale (XVIe-XVIIe siècles), entre rivalité et patronage ».

12h00 : Valérie Piétri (Université de Nice) : « Anciens et nouveaux seigneurs provençaux au XVIIIe siècle : l’autorité à l’épreuve du conflit »

12h30 : discussion

3. Le pouvoir local à l’épreuve de la ville et des expérimentations : nouvelles pistes

14h30 : Florence Berland (Université Lille III) : « Ancrer le pouvoir : les enjeux des hôtels urbains des ducs Valois de Bourgogne (XIVe-XVe s.) »

15h : Matthieu Magne (Université de Nice) : Le seigneur en mouvement (1788-1828) : expression et exercice du pouvoir des princes de Clary et Aldringen entre Vienne et les domaines de Teplice en Bohême du Nord.

15h30 : Benjamin Landais (Université Paris I) : « Une seigneurie modèle du pouvoir habsbourgeois au cœur de l’Europe centrale : pratiques héritées et pratiques expérimentales dans la gestion domaniale du Banat au XVIIIe siècle ».

16h : discussion
16h30 : conclusions

Argumentaire :
L’exercice du pouvoir local se pense comme un élément de définition politique et sociale de la noblesse. C’est ainsi que Karl Ferdinand Werner a renouvelé l’approche des élites nobiliaires, en montrant qu’elles participent intrinsèquement de l’exercice de la res publica en incarnant légalement une part de la puissance publique. Lire l’autorité seigneuriale comme un relais indispensable de la puissance monarchique impose de fait la question de l’équilibre entre personnalisation et privatisation du pouvoir. Dans quelle mesure le pouvoir local investit-il les formes du monarchique pour légitimer son maintien dans un État en construction ? Comment, en retour, celui-ci acclimate-t-il les formes traditionnelles de la domination seigneuriale pour rallier le plus grand nombre à la modernité centralisatrice ? Le pouvoir local insuffle un surcroît de légitimité à l’autorité monarchique dès lors que, dans une société où la hiérarchisation de la domination se pose en termes d’ancienneté, le pouvoir seigneurial est considéré comme préexistant au pouvoir monarchique qui n’en est, d’une certaine manière, qu’une émanation à la faveur de la centralisation étatique. Le problème est peut-être plus flagrant encore dans les espaces maintenant un poids provincial important qui sait encore imposer au souverain sa présence. Par exemple, en pays de diètes, la question du contrat entre le central et le local confère à ce dernier une légitimité plus grande, en lui conservant son rôle social et politique éminemment structurant des territoires ruraux. En outre, le déroulement chronologique du pouvoir local s’insérait dans une autre échelle de temps que celle du pouvoir central, centrée sur les bons ou mauvais choix tactiques à un moment donné ou plutôt, il s’adaptait à leur perception locale. Le temps du pouvoir à la ville et au village était rythmé par celui des générations, aptes à se succéder dans la construction et dans la perpétuation de l’autorité autochtone. Celle-ci était l’œuvre de plusieurs générations et elle ne dépendait pas inéluctablement des soubresauts de la faveur princière.
La comparaison entre différents cas européens s’avère essentielle et féconde, en ce qu’elle est révélatrice de l’articulation de l’exercice du pouvoir à l’échelle locale avec le processus, diversement entamé et avancé, de construction administrative de l’État. Cette première journée d’étude a donc pour objectif de présenter la variété des pratiques politiques, sociales et symboliques de la distinction qui génère et légitime le pouvoir local.

Ces problèmes pourront être analysés en privilégiant les pistes suivantes :
1. La question de la seigneurie « naturelle », soit le caractère ancestral de la domination d’un lignage sur une terre, pose le problème des moyens de légitimation de l’exercice du pouvoir local. L’ancienneté amplifie-t-elle l’autorité seigneuriale ou la seule possession fait-elle le pouvoir ? La comparaison entre des lignages d’ancienne noblesse et d’élévation plus récente peut être ici éclairante. Face aux lignages ancestraux qui peuvent se targuer d’une transmission immémoriale de la terre qu’ils matérialisent par nombre d’artefacts entretenant une mémoire non seulement familiale, mais aussi collective, comment un nouveau seigneur peut-il s’imposer, surtout s’il vient de la ville, à l’image des parlementaires rouennais ? Les processus de gommage de l’acquisition récente, voire de falsification de l’histoire sont riches en signification sur la perception que ces seigneurs nouvelle manière se forgent de leur autorité.
2. Ces questionnements interrogent également les diverses formes de l’expression du pouvoir local et nous amène sur le terrain de l’anthropologie de l’autorité seigneuriale. Éléments matériels et domination symbolique sont convoqués pour construire une personnalisation du pouvoir local qui prend sens dans un système de hiérarchisation des préséances.
3. Si le pouvoir local s’exerce dans la proximité, il acquière de l’autorité aussi dans l’éloignement. Par quels leviers les élites nobiliaires, contraintes bien souvent à l’ubiquité résidentielle, ont-elles pu conserver un pouvoir local efficient ? L’éloignement pose la question des polarités nobiliaires ainsi que celle du rapport à la cour et à la capitale. Avec la capitalisation des pôles d’exercice du pouvoir socio-politique et du développement des lieux de sociabilité nobiliaire, comment l’aristocratie s’est-elle rendue forte d’une domination seigneuriale indiscutable pour mieux subsister à la cour et en dehors de la cour ?

Contacts :
Eric Hassler : eric.hassler279 chez gmail.com
Anne-Valérie Solignat : solignat chez unistra.fr