Étrangers. Étude d’une condition d’incertitude dans une société d’Ancien Régime
Simona Cerutti
Simona Cerutti, Étrangers. Étude d’une condition d’incertitude dans une société d’Ancien Régime, Bayard, Montrouge, 2012, ISBN : 978-2-227-48303-3, 250 p., 23 €.
La question de l’étranger, de son statut, des droits à lui accorder, de la place à lui reconnaître, occupe tant nos débats publics que sa définition nous semble évidente. Est étranger celui qui vient d’un pays lointain. C’est bien pourtant cette certitude que bouscule ici Simona Cerutti à partir d’une analyse fouillée et passionnante des archives de la ville de Turin au XVIIIe siècle. Dans cette société d’Ancien Régime, le terme "étrangers" renvoie en effet à une réalité bien plus complexe : l’habitant d’un village voisin, parfois le membre d’une même famille, peut être désigné comme étranger, et la personne originaire d’ailleurs ne pas entrer dans cette catégorie. L’étranger est moins une figure sociale qu’une condition présente à l’horizon de tout habitant de la ville. Il abandonne alors le masque de "l’Autre", ainsi que sa place marginale dans le tissu social. Et c’est ici que le travail de l’historien nourrit nos interrogations actuelles : la peur des étrangers est moins le sentiment éprouvé par celui qui se trouve assiégé par une minorité inconnue et menaçante que la crainte diffuse d’une chute sociale qui peut intervenir dans tout parcours.