Cesariano et Philibert de L’Orme : le «piédestal dorique» du Premier tome de l’Architecture
Yves Pauwels
Yves Pauwels, "Cesariano et Philibert de L’Orme : le «piédestal dorique» du Premier tome de l’Architecture", dans Revue de l’Art, année 1991, volume 91, numéro 91, p. 39-43.
Extrait de l’article
Au folio 147r du Premier tome de l’Architecture, dans le chapitre consacré à l’ordre dorique, Philibert de L’Orme présente un curieux objet, qu’il définit comme un piédestal, « stylobate & pied de stat antique ». Cette planche, que les commentateurs de Philibert ont volontiers reproduite, a de quoi attirer l’attention, tant le décor du piédestal est curieux. D’une part, des têtes de béliers sculptées, reliées par une guirlande, des cygnes sur les angles, une « teste de Mercure » et un cartouche sont autant d’éléments qui renvoient aux autels funéraires antiques; d’autre part, une frise dorique (« des triglyphes au dessous de la corniche, estans de mesme hauteur que ladite corniche, & au dessous à chaque triglyphe, trois petites gouttes ») relève du décor architectural. C’est bien sûr cette frise qui justifie l’attribution du piédestal à l’ordre dorique, en dépit de ses proportions.
Les commentateurs admettaient jusqu’ici que Philibert reproduisait un antique, mettant sur le compte de son goût pour l’extraordinaire le choix de cet objet étrange. On ne s’était pas avisé que son modèle ne se trouvait pas dans les ruines de Rome, mais au folio LXVv de l’édition de Vitruve éditée par Ce-sare Cesariano à Corne en 1521. La planche, consacrée par l’Italien à l’ordre dorique, montre un « piédestal dorique » exactement semblable à celui dessiné par Philibert. Autre surprise, on y découvre un second piédestal lui aussi représenté par Philibert, au folio 177v du Premier tome.
Philibert et Cesariano auraient-ils copié les mêmes modèles antiques ?