Hippolyte d’Este à Chaalis
Sabine Frommel
Frommel Sabine, « Hippolyte d’Este à Chaalis », Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot, tome 87, 2008, p. 143-172.
Extrait de l’article
Rien de plus inspirant pour un projet d’architecture que l’ambiance paisible et contemplative d’un monastère à la fin d’une année couronnée de succès, de distinctions et de dons reçus. Lors des derniers jours de 1546, le cardinal d’Esté délibéra dans son abbaye de Chaalis, en présence de son architecte Sebastiano Serlio, de la construction d’un édifice dont l’ambition est attestée par une lettre écrite par l’ambassadeur Giulio Alvarotti le 7 janvier suivant : « Intendo che monsi- gnor reverendissimo et illustrissimo fratello di Vostra Eccellenzia, inanzi che sia partito della sua badia de Chalys, ha dato fermo ordine di farle una bella fabrica, nella quale spenderà per il meno quindici mila franchi ». Étant donné que l’abbaye possédait une belle chapelle gothique dédiée à la Vierge où le prélat faisait exécuter d’importants décors, ce dessein ne pouvait concerner que le logis abbatial. Malheureusement, il nous manque les traces concrètes de ce projet élaboré à l’époque d’une mutation profonde des moyens d’expression architecturaux et qui, promu par un commanditaire compétent, ambitieux et cosmopolite, devait participer pleinement au nouveau courant artistique. Grâce aux collections d’antiques qu’il avait ramenées d’Italie, aux artistes qu’il avait pris sous sa protection et à ses compétences personnelles dans le domaine des arts, le cardinal est l’un des acteurs essentiels de cette mutation. Parallèlement à l’intérêt croissant pour les études vitruviennes et à la diffusion des modèles classiques grâce au traité d’architecture de Serlio, apparaissent en France les premières expressions d’un véritable classicisme. Dès 1546, l’aile occidentale du Louvre, conçue par Pierre Lescot et Jean Goujon, instaure un langage authentique unissant dans une merveilleuse synthèse la « manière » française et les formules transalpines. La disparition des constructions du cardinal en France, à Fontainebleau et à Chaalis, a effacé un témoignage essentiel de ce mouvement.