Le patrimoine dénaturé
Anne-Marie Lecoq
Anne-Marie Lecoq, "Le patrimoine dénaturé", dans Revue de l’Art, 1993, n° 1, p. 41-51.
Extrait de l’article
Le château de Chamerolles, «ressuscité» par la grâce du Conseil général du Loiret, a ouvert ses portes au public en mai 1992. Nous ne saurions trop en recommander la visite. C’est le symptôme le plus complet qu’on puisse voir actuellemement d’une maladie qui risque, si nous n’y prenons garde, d’atteindre la totalité du patrimoine français — et pas seulement du patrimoine architectural.
Le vrai Chamerolles
Chamerolles, sur la commune de Chilleurs-aux-Bois, entre Pithiviers et Orléans, à la lisière nord de la forêt d’Orléans, a été construit dans le premier tiers du XVIe siècle par Lancelot du Lac (ca. 1470-1536). Ce militaire de noblesse récente, dont la famille prétendait sans doute descendre du héros des romans de la Table Ronde, fut un fidèle serviteur de Louis XII, qu’il accompagna en Italie, et de François Ier, qu’il reçut à Chamerolles en 1530 et 1532. A cette date, les travaux devaient donc être très avancés ou terminés.
En 1678, le château fut vendu par la dernière des du Lac au marquis de Saumery, qui n’y résida pas beaucoup, non plus que ses descendants. En 1764, il fut acheté par Claude-Guillaume Lambert, conseiller au parlement de Paris et contrôleur des Finances, qui le conserva jusqu’à la Révolution. Lambert exécuté pendant la Terreur, sa famille exilée, le domaine fut saisi comme bien d’émigré mais eut peu à souffrir des troubles. A la Restauration, les Lambert purent même récupérer Chamerolles et les descendants le possédèrent jusqu’en 1924. La décadence, commencée dans la seconde moitié du XIXe siècle, s’accéléra au XXe, en raison de l’occupation allemande en 1940 et du manque de moyens des propriétaires après la guerre. En 1964, la Ville de Paris, créancière, entra en possession du domaine. Des travaux de réhabilitation furent entrepris sous l’égide de l’association «Rempart» mais cessèrent assez vite, faute de crédits. En 1987,la Ville fit don de Chamerolles au Conseil général du Loiret. Les travaux commencèrent en 1988,sur un château en fort mauvais état mais nullement ruiné et parfaitement récupérable.