Les « Basiliques et palais du Roi ». Architecture et politique à la cour de Henri IV
Emmanuel Lurin
Lurin, Emmanuel, "Les « Basiliques et palais du Roi ». Architecture et politique à la cour de Henri IV", Bulletin Monumental, tome 170, n° 3, année 2012. Le château de Fontainebleau. Recherches récentes, p. 235-258.
Extrait de l’article
La galerie des Cerfs du château de Fontainebleau, dernier exemple d’un décor de galerie royale du temps de Henri IV, présente un vaste cycle cartographique qui, en dépit même de sa rareté, n’a guère suscité jusqu’à présent l’attention des historiens. Dans les premières décennies du XVIIe siècle, la «visite ordinaire » du château débutait pourtant par cette longue salle d’apparat,
ouverte en manière de portique sur le jardin de Diane, qui s’offrait alors au visiteur comme un véritable musée des chasses royales. Le décor de la galerie, qui a fait l’objet d’une restauration complète mais soignée au Second Empire, a en effet pour particularité d’associer à un cycle de vues peintes, présentées sous la forme de tableaux rapportés au-dessus du traditionnel lambris (non restauré), une prestigieuse collection de bois de cerfs dont les originaux étaient issus des chasses royales. Ces merveilles de la nature montées en massacres, surgissant d’un décor de cadres dorés et ornés de cuirs dans la grande tradition de Fontainebleau, n’étaient pas seulement des éléments de décoration ou des objets de curiosité pour les contemporains. Assorties de cartels indiquant la date et parfois les circonstances de la prise, elles avaient aussi valeur de trophées, voire même de reliques pour qui voulait bien y reconnaître le témoignage de la vigueur, de la bravoure personnelle et de l’entière souveraineté du roi. Car depuis la fin du Moyen Âge, l’art de la chasse, privilège de la noblesse et droit seigneurial, était aussi revendiqué par les rois de France comme l’une des premières manifestations de leur souveraineté. À Fontainebleau, où François Ier avait fondé en 1534 la première capitainerie royale des chasses, l’évocation des chasses princières revêtait plus que jamais une signification politique et même dynastique, les successeurs de Henri IV ayant eu soin de poursuivre cette collection (et, pour ainsi dire, de la mettre à jour) en y ajoutant leurs propres trophées et en ordonnant peut-être dans le décor, ici et là, quelques repeints.