Les origines de l’hôtel français de la Renaissance
M. N. Rosenfeld
M. N. Rosenfeld, "Les origines de l’hôtel français de la Renaissance", dans Cahiers de l’AIEF, année 1971, volume 23, numéro 1, p. 45 - 50.
Extrait de l’article
Le développement de l’hôtel particulier est la conséquence de l’épanouissement des villes pendant la Renaissance en France et en Italie. Les historiens modernes de l’architecture française regardent l’époque inaugurée par les guerres d’Italie et le mécénat de François Ier comme le début de la Renaissance en France. Par contre, au XIXe siècle, Viollet-le-Duc, Adolphe Berty et Paul Gauchery avaient découvert l’originalité du XIVe et du XVe siècle dans la création du palais urbain. Je crois, comme Franco Simone l’a déjà souligné dans ses études sur la littérature française, qu’on a trop insisté sur « ce mythe des guerres d’Italie ».
L’hôtel de Cluny, résidence des abbés de Cluny à Paris, est un témoignage de l’importance du XVe siècle dans l’histoire de l’architecture française de la Renaissance. Cet hôtel montre, bien avant l’hôtel de la Grande Ferrare construit par Serlio à Fontainebleau vers 1545 ou le château de Bury élevé par Robertet, le trésorier de Louis XII, entre 1511 et 1515, le plan typique de l’hôtel du XVIe et du XVIIe siècle : la cour d’honneur devant le corps de logis ; le mur d’entrée sur la rue ; la suite de salles en enfilade ; et la galerie asymétrique.
Albert Lenoir, qui avait dirigé la restauration de l’hôtel de Cluny entre 1819 et 1860, pensait que l’hôtel datait du règne de Jacques d’Amboise, abbé de Cluny entre 1485 et 1510. Jacques d’Amboise était le frère du cardinal Georges d’Amboise qui avait élevé le château de Gaillon, un des premiers monuments du début du XVIe siècle où on peut remarquer des influences italiennes qui auraient été la conséquence des guerres d’Italie. Du point de vue du style de l’architecture, il n’y a aucun rapport entre le château de Gaillon et l’hôtel de Cluny ; on sait d’après des documents aux archives des Monuments Historiques que Lenoir lui-même a fait restaurer les armoiries de Jacques d’Amboise au-dessus du portail d’entrée de l’hôtel de Cluny.