Alexandre le Grand et l’art de la tapisserie au XVe siècle
Anna Rapp Buri, Monica Stucky-Schürer
Anna Rapp Buri et Monica Stucky-Schürer, "Alexandre le Grand et l’art de la tapisserie au XVe siècle" dans Revue de l’art, année 1998, volume 119, numéro 119, p. 21-32.
Extrait de l’article
Fondée sur une investigation approfondie de la littérature et de l’iconographie du Moyen Âge touchant Alexandre le Grand, cette étude a pour but de révéler les divers aspects sous lesquels Alexandre fut appréhendé au cours du XVe siècle. Au centre de ces considérations se situent les deux tapisseries d’Alexandre, datant de 1460 environ, du Palais Doria Pamphili à Rome et quelques ébauches destinées à des tapisseries, relatant certaines campagnes d’Alexandre le Grand. L’analyse critique des sources d’archives de l’époque mentionnant des tapisseries de ce cycle permet d’étayer notre nouvelle interprétation des tentures romaines, qui diffère de celle soutenue habituellement. Elle dévoile en outre le rôle que jouèrent les petits patrons au cours des négociations internationales menées par les marchands de tapisseries avec les commanditaires.
Peu après sa mort en 323 av. J.-C., la légende s’empara du personnage historique qu’avait été Alexandre le Grand, roi de Macédoine. On attribua ses prouesses de guerre et ses conquêtes à des forces surnaturelles ; ainsi, les faits historiques de son existence furent transcendés dans le domaine du fantastique. Dans la conscience du Moyen Âge, Alexandre demeura une figure de héros extraordinaire. On prêta à sa conquête de l’Orient un sens chrétien et on l’assimila à la recherche de la source de la vie éternelle. Au cours du XVe siècle, Alexandre comptait parmi les héros profanes les plus prisés, dont les exploits étaient contés en paroles et en images dans les cours princières d’Europe. Sa conquête de l’Orient rejoignant l’idéal occidental des Croisades, il faisait figure de héros grec parmi les Neuf Preux et comme eux, il devint un exemple de vertu et de moralité pour le chevalier du Moyen Âge tardif.