L’orfèvrerie au poinçon d’Avignon au XIVe siècle
Elisabeth Taburet-Delahaye
Elisabeth Taburet-Delahaye, "L’orfèvrerie au poinçon d’Avignon au XIVe siècle", dans Revue de l’Art, année 1995, volume 108, numéro 108, p. 11-22.
Extrait de l’article
Avignon occupe dans l’histoire de l’orfèvrerie gothique une place à la fois exemplaire et atypique. L’activité de ses orfèvres est exceptionnellement bien connue grâce à l’abondante documentation que fournissent les textes. Ceux-ci sont principalement les comptes et inventaires de la chambre apostolique pendant le séjour de la papauté en Avignon (1309-1371), mais aussi certains inventaires d’églises avignonnaises ou contrats de commande conservés aux archives du Vaucluse. Ces textes donnent les noms de nombreux orfèvres, mentionnent et décrivent plus ou moins précisément un grand nombre d’œuvres.
Avignon est en outre l’un des rares centres français pour lesquels soit conservé un petit groupe de pièces d’orfèvrerie certainement issues des ateliers qui y étaient actifs au XIVe siècle. Fait suffisamment rare pour être souligné, nous connaissons, pour deux de ces œuvres, à la fois le commanditaire, le destinataire, l’auteur, le lieu et la date de leur exécution. La première est la « rosé d’or» commandée par le pape Jean XXII à l’orfèvre siennois « de la Curie » [ou « du pape »] Minucchio Jacobi da Siena pour être offerte au comte de Neuchâtel le dimanche de Laetare 1330. Autrefois conservée au trésor de la cathédrale de Baie, cette rose, la plus ancienne connue, est aujourd’hui au musée de Cluny. La seconde œuvre est le buste-reliquaire de sainte Agathe exécuté en 1376 par l’orfèvre, siennois également, «suivant la Curie » et « habitant Avignon », Giovanni di Bartolo, à la demande des évêques de Catane, successivement Martial puis Elie, pour la cathédrale de cette ville, où il est toujours conservé.
Avignon, enfin, est exemplaire car elle est l’un des rares centres où l’usage du poinçon, attesté par les documents depuis le début du XIVe siècle (avant 1317), est illustré par plusieurs œuvres, très différentes, réparties tout au long du XIVe siècle.
L’orfèvrerie avignonnaise est, dans le même temps, atypique, par cette abondance même des textes et le nombre relativement important d’œuvres pouvant lui être attribuées. Elle n’est en cela surpassée, en France, que par Paris. Le séjour, pendant plus de soixante ans, des papes, parmi lesquels figurèrent de fastueux mécènes, y suscita un milieu artistique extrêmement actif et original. Le groupe des orfèvres, notamment, semble avoir été l’un des plus mêlés. Y figurent, tout d’abord, des Avignonnais — tel le célèbre Peregrin Seguin, mentionné dans les textes de 1317 à 1326-, et des orfèvres natifs d’autres villes du sud de la France — à l’exemple de Pierre Mire de Cahors. Les orfèvres originaires de villes situées au nord de la Loire sont plus rares. Les comptes de la chambre apostolique nous font connaître aussi un grand nombre d’Italiens.