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Le surtout de mariage en porcelaine de Sèvres du Dauphin, 1769-1770

Pierre Ennès

Pierre Ennès, "Le surtout de mariage en porcelaine de Sèvres du Dauphin, 1769-1770", dans Revue de l’Art, année 1987, volume 76, numéro 76, p. 63-73.

Extrait de l’article

Le mariage du Dauphin, futur Louis XVI, avec Marie-Antoinette, archiduchesse d’Autriche, fut le point de départ d’une longue suite de festivités. A la cérémonie du mariage proprement dit, célébrée dans la chapelle du château de Versailles, le 16 mai 1770 à midi, succéda, le soir même, un souper dans le nouvel opéra, inauguré à cette occasion. Une table rectangulaire de trente pieds sur quatorze y avait été dressée sur le plancher relevé au niveau de la scène grâce à l’ingénieux mécanisme mis au point par Biaise-Henri Arnoult, le machiniste des Menus Plaisirs. Le Roi, assis seul au bout de la table, faisait face à la scène, convertie en un salon de musique pour quatre-vingts musiciens. Les convives, enfants de France et princes du Sang, s’alignaient sur les deux grands côtés de la table selon un plan qui est conservé aux Archives nationales.

Un dessin de Moreau le Jeune nous restitue l’aspect de l’opéra de Versailles le soir du « festin royal ». Tournant le dos à la scène, Moreau le Jeune représente la triple rangée de loges et le parterre sur lequel est disposée la table. Un autre dessin du même artiste, réalisé trois jours plus tard, le 19 mai, nous montre la scène du même opéra transformée en une salle de bal, au fond de laquelle on peut entrevoir, derrière sept entrecolonnements, le salon de musique. « Tous ceux qui sont entrés aux appartemens le jour du mariage, et au festin royal surtout, conclut Bauchaumont, conviennent qu’ils n’ont jamais vu de coup d’œil aussi miraculeux. Ils prétendent que toutes les descriptions qu’ils en fer oient, seroient au dessous de la vérité, & que celles qu’on lit dans les romans de féerie ne peuvent encore en donner qu’une idée très imparfaite. La richesse & le luxe des habits, l’éclat des diamans, la magnificence du local, éblouissoient les spectateurs & les empêchoient de rien détailler. »

Ce commentaire peut, jusqu’à sa remarque finale, s’appliquer au dessin de Moreau le Jeune car, si on y devine assez bien, en effet, à l’extrémité la plus éloignée de la table, le Roi, coiffé d’un tricorne, et si on compte sans difficultés, sur le côté gauche du dessin, du moins, le nombre exact de convives avec, à chaque bout de la table, tournant le dos à l’artiste, la princesse de Lamballe et son beau-père, le duc de Penthièvre, les détails de la décoration, en revanche, dis-paraissant dans une sorte de scintillement, sont représentés de façon imprécise.

Le centre de la table supportait, pourtant, une des décorations les plus notables qui aient été réalisées à l’occasion du mariage du Dauphin, un grand surtout en biscuit de porcelaine affectant la forme d’une colonnade dominée par la statue de Louis XV et accompagnée de fontaines et de sculptures disposées dans un jardin en miniature. Ce surtout, à la fois par sa taille, par l’ampleur de sa conception et par la perfection de la porcelaine dont il était fait représentait, selon les témoignages de l’époque, un des chefs-d’œuvre de la manufacture de Sèvres, alors à son apogée. Une longue description parue dans le Mercure de France du mois de juillet suivant le mariage a, fort heureusement, permis d’en conserver un souvenir assez précis, et c’est notamment, en grande partie, grâce à cette description qu’il est possible d’en tenter une reconstitution.

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