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Les plateaux d’accouchées et la peinture sur meubles du XIVe au XVIe siècles
Eugène Müntz
Müntz Eugène, « Les plateaux d’accouchées et la peinture sur meubles du XIVe au XVIe siècles », Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot, tome 1, fascicule 2, 1894, p. 203-232.
Extrait de l’article
A des époques aussi amoureuses de la couleur que l’étaient la fin du moyen âge et la Renaissance, la peinture étendait son empire, non seulement sur la décoration des parois et des voûtes, mais encore sur celle des meubles, des armes et jusque des plus humbles ustensiles, pour ne point parler des statues et des bas-reliefs dans lesquels la polychromie était de rigueur. L’omnipotence des peintres n’avait d’égale que la complaisance avec laquelle ils consentaient à se charger de tâches que le plus obscur élève de nos Écoles modernes des Beaux-Arts rougirait d’accepter.
Assurément, au point de vue de l’esthétique, ces tableaux, qui se développent librement, sans nul souci des lignes architecturales, sur les faces, les côtés ou les couvercles de meubles relevant plus ou moins de l’architecture, peuvent soulever des critiques. Mais que sont ces défauts au prix de tant d’avantages ! Pour la première fois, depuis des siècles, le peintre, quittant les régions austères du cycle religieux, met son pinceau au service des affections et des joies de la vie de famille ; il s’adresse, non plus à la communauté des fidèles, non plus à de hauts et puissants prélats ou princes, mais à de simples bourgeois, dont il consent à embellir la demeure, y laissant, à côté du souvenir de quelque événement mémorable de leur existence intime, des exhortations aux vertus domestiques ou des leçons tirées de l’histoire. Considérée sous ce jour, la peinture sur meubles cesse d’être une industrie de luxe, un article de curiosité : elle devient le reflet même des mœurs et des sentiments d’une époque qui possédait des trésors de jeunesse et de poésie.
