Le Christ-roi : Autel et couronne votive dans l’Espagne wisigothique
Thomas Deswarte
Deswarte, Thomas, « Le Christ-roi : Autel et couronne votive dans l’Espagne wisigothique », Bulletin du centre d’études médiévales Auxerre, Hors-série n° 4 | 2011.
Extrait de l’article
Depuis la découverte en 1858 d’un trésor à deux kilomètres du village de Las Huertas de Guarrazar (à une dizaine de kilomètres de Tolède), ses objets précieux, en particulier des couronnes et des croix en or ornées de perles et de pierres, ont connu diverses vicissitudes1 : tandis qu’une partie de ce trésor disparaissait définitivement en raison de l’intervention trop tardive de l’Etat espagnol, plusieurs pièces parvenaient en France ; en outre, furent volées en 1921 au Palais royal de Madrid trois pièces, notamment la fameuse couronne du roi Suinthila – dont nous avons heureusement conservé quelques photographies. Grâce au retour de cinq couronnes et de trois croix en Espagne – lors d’un échange d’oeuvres d’art conclu en 1941 entre les gouvernements du général Franco et du maréchal Pétain – la plupart des objets sont désormais à Madrid, au Palais royal et au Musée Archéologique National ; quelques autres se trouvent encore au Musée de Cluny (Paris).
Les pièces conservées, sept croix et dix couronnes votives, donnent une idée de l’incroyable richesse du trésor initial, dont le contexte demeure malheureusement très mal connu en raison des très insuffisantes fouilles de 1859. Néanmoins, de récentes investigations archéologiques nous ont appris qu’il fut enfoui dans deux sépultures occidentales d’une petite nécropole, orientée est-ouest et organisée en trois rangées. Cette nécropole était située à côté d’une chapelle vraisemblablement édifiée au milieu du septième siècle et contenant la sépulture d’un prêtre, Crispin, datée de la fin de ce même siècle2. Ces joyaux étaient assurément en partie d’origine royale, puisque deux couronnes furent offertes par les souverains wisigoths, dont les lettres pendantes nous révèlent l’identité : Suinthila (621-631) (+ SU[IN]T[H]IL[A]NUS REX OFFE[RE]T) et Réceswinthe (653-672) (+ RECCESVINTHUS REX OFFERET). Elles étaient suspendues dans une ou plusieurs églises, dont la localisation demeure inconnue, qu’il s’agisse de Guarrazar, des environs ou, plus probablement, de Tolède.