Les châteaux et palais espagnols chez Saint-Simon
José Luis Sancho
Sancho, José Luis. Les châteaux et palais espagnols chez Saint-Simon, Cahiers Saint-Simon, n° 33, 2005. Palais et Châteaux, p. 63-75.
Extrait de l’article
On sait bien combien Saint-Simon s’intéressait à l’Espagne. Il s’y est passionné à un point tel, qu’il vaudrait la peine d’envisager une monographie plus approfondie sur ses rapports avec mon pays. Son voyage en Espagne fut le seul épisode de sa biographie qui le mena hors de « ce pays-ci », de la cour et du royaume de France. Il appliqua à ce séjour, comme partout ailleurs dans ses Mémoires , les capacités d’observation, d’analyse et de description qui en font une source essentielle pour l’étude du phénomène social et culturel de la cour, mais aussi un ouvrage fascinant. Je le prends donc ici plutôt comme un instrument que comme un objet littéraire, car la constatation des rapports entre la réalité historique que je cherche à vous montrer et le reflet que le duc nous offre, nous permettra, peut-être, de mieux comprendre sa capacité ou son inaptitude à bien apprécier ou bien décrire, par exemple, l’architecture.
Les recherches d’Yves Bottineau — dont l’exemple m’a toujours guidé et à qui je reste à jamais reconnaissant — , et surtout son ouvrage L’Art de Cour dans l’Espagne de Philippe V, paru en 1962, ont clairement démontré la validité du témoignage saint-simonien en tant que source d’information, et ont documenté tous les faits et contextes qui restent indispensables pour comprendre ses descriptions. Mais il faut remarquer que, depuis la réédition en 1993 de cette étude, revue et complétée par de nouvelles notes de l’auteur lui-même, d’autres travaux ont paru et approfondi les connaissances que l’on avait de la cour d’Espagne et de ses palais. Il s’agit de publications qui ne sont certainement pas trop connues des lecteurs français de Saint-Simon. Les architectes espagnols José Barbeito et Javier Ortega ont réalisé des restitutions planimétriques de l’Alcazar de Madrid, d’Aranjuez et de La Granja, fort bien documentées et fondées sur des recherches approfondies d’archives ainsi que sur des documents graphiques. Leurs plans et maquettes nous permettent donc de voir ce que Saint-Simon a connu et qui n’existe plus depuis longtemps, ou qui a changé jusqu’à devenir absolument méconnaissable. Elles nous permettent aussi de comprendre jusqu’à quel point sa mémoire ou ses descriptions sont fidèles ou sélectives, ce qui l’intéressait le plus, et ce qui est passé sous silence.