Un faux du XIXe siècle : « Devys d’une grotte pour la Royne, Mère du Roy »
Robert-Henri Bautier, Geneviève Bresc-Bautier
Robert-Henri Bautier et Geneviève Bresc-Bautier, "Un faux du XIXe siècle : « Devys d’une grotte pour la Royne, Mère du Roy »", dans Revue de l’Art, année 1987, volume 78, numéro 78, pp.84-85.
Extrait de l’article
Le mouvement scientifique et romantique avait redécouvert la personnalité étrange de Bernard Palissy, inventeur malheureux, protestant maltraité, qui conjuguait la recherche expérimentale sur les techniques de la terre et des émaux, avec une intuition géniale des formations géologiques. Le siècle des Lumières avait vu la réédition par Faujas de Saint-Fons et Gobet, en 1777, des œuvres publiées par Palissy, cependant que Buffon ou Voltaire en réhabilitaient la mémoire. Au XIXe siècle, une nouvelle édition par P.A. Cap, en 1844, des œuvres complètes, fut suivie d’un intérêt nouveau, vivifié par la découverte dès 1855 de fragments de la grotte des Tuileries.
Benjamin Fillon, « amateur distingué » comme écrivaient ses contemporains, collectionneur acharné d’autographes, ne pouvait laisser passer l’occasion. Originaire de l’Ouest, il aimait braquer les projecteurs de la recherche sur des documents nouveaux capables d’exalter l’inventivité et la science de ses concitoyens, poitevins et saintongeais : par exemple Michel Colombe, ou la céramique d’Oiron. Grand remueur d’archives, grand acquéreur de pièces spectaculaires, il amassa un certain nombre d’autographes douteux, forgés dans quelque officine dont il était ou la victime involontaire ou le complice. Déjà en 1938, Louis Dimier avait violemment dénoncé la supercherie et en 1949 Pierre du Colombier. Mais à l’heure où des trouvailles archéologiques, fermes et sûres, viennent heureusement apporter une lumière nouvelle sur l’activité de Bernard Palissy, il ne paraît pas inutile de s’attacher à écarter du dossier scientifique une pièce forgée vers 1860.