Bussy-Rabutin ou la Cour en exil
Christophe Blanquie
Blanquie, Christophe. Bussy-Rabutin ou la Cour en exil, Cahiers Saint-Simon, n° 24, 1996. Frontières de la Cour, p. 57-66.
Extrait de l’article
Bussy-Rabutin s’est peint pour la postérité dans la pose de l’exilé. Par la faute d’une coquette déçue qui aurait inséré dans le manuscrit de l’Histoire amoureuse des Gaules des attaques contre des membres de la famille royale, il est d’abord jeté à la Bastille puis exilé dans ses terres en Bourgogne, loin de Paris mais surtout loin du roi et de sa cour. Or, même si, pour démontrer comme il accepte bien son exil, il reprend à son compte plusieurs griefs traditionnels contre les courtisans égoïstes et tellement ignorants des belles lettres «qu’on ne peut les surpasser sur ce chapitre », il voit dans la cour à la fois le lieu de la faveur et un milieu où l’on apprend « cette routine du monde sans laquelle les meilleures qualités sont insupportables ». C’est à la Bastille qu’il entreprend la composition de ses Mémoires : l’écriture de Bussy est encore un acte de courtisan et il n’y a aucun paradoxe à utiliser son témoignage pour appréhender des stratégies mises en œuvre à la cour. La disgrâce constitue l’événement le plus important de sa vie ; les Mémoires, que l’on peut également lire comme une découverte rétrospective, multiplient donc les notations « sur la manière de se conduire à la cour avec les ministres et à la guerre avec les généraux ». La correspondance, qui occupe ensuite une part privilégiée de son exil, lui permet de conjurer l’éloignement et l’oubli avant de pouvoir se présenter de nouveau devant le souverain. Ainsi, à la réflexion sur la disgrâce que nourrissent les Mémoires, la Correspondance oppose une stratégie de conquête des faveurs royales fondée sur l’analyse des informations que lui rapportent ses amis. Le souhait de leur auteur de devenir l’historiographe du roi lui prête une perspective historique originale et précieuse.