Dépérissement et mort du néologisme (d’Henri II à Louis XIII)
Raymond Lebègue
Raymond Lebègue, "Dépérissement et mort du néologisme (d’Henri II à Louis XIII)", dans Cahiers de l’AIEF, année 1973, volume 25, numéro 1, p. 31 - 44.
Il y a quelques années, on entendit sur le Capitole un grand bruit de cris et d’ailes. Une entreprise antifrançaise était dénoncée : l’administration d’un pays étranger travaillait systématiquement à asservir notre esprit national en introduisant dans notre langue des centaines, des milliers de mots anglais. Dans cette campagne nationaliste on sollicita même le concours du chef de l’État ; à ma connaissance, il ne le donna point.
Mais tout ce brouhaha eût dû attirer l’attention sur un problème négligé, à savoir les chances de survie du néologisme. J’ai vu naître le substantif animateur ; aujourd’hui il est solidement enraciné. Mais, quand le grand public a découvert le darwinisme, Jules Lemaitre a forgé, ou lancé le substantif struggleforlifeur : je doute que cette plaisante création se trouve ailleurs que dans ses articles.
La langue française du XVIe siècle offre d’innombrables cas de créations et de disparitions de mots. Les premières ont été cataloguées dans des ouvrages bien connus ; mais, pour les secondes, on ne peut guère citer que le répertoire d’Edmond Huguet : Les mots disparus depuis le XVIe siècle (1935), et le chapitre qu’à ma demande Hélène Naïs a introduit dans la réédition du tome II de l’Histoire de la langue française de Brunot : La réduction du vocabulaire à partir de 1580.