Écriture et rêve romanesque chez Hélisenne de Crenne. A propos des Seconde et Tierce Parties des Angoysses douloureuses
Gabriel-André Pérouse
Gabriel-André Pérouse, "Écriture et rêve romanesque chez Hélisenne de Crenne. A propos des Seconde et Tierce Parties des Angoysses douloureuses", dans Bulletin de l’Association d’études sur l’humanisme, la réforme et la renaissance, année 1999, volume 49, numéro 49, p. 55-67.
Extrait de l’article
Plus que personne, Hélisenne de Crenne est un écrivain : /’écrivain en essence. Hélisenne (car peu nous importe la « vraie » Marguerite de Briet) se définit comme celle qui prend « singulière delectation » aux « lectures et escritures ». Elle est d’abord une ouvrière, qui vise passionnément à la beauté des mots et des phrases, et elle n’a pas cessé de faire des bouts d’essai... Le recueil de son œuvre complète la montre en continuelle recherche de nouvelles situations pour écrire. Ses Epistres familières étaient exercices d’écriture paisible, « amyable » et sereine, au fil des mondanités conventionnelles ? Alors, elle se hâte d’y ajouter des Epistres invectives, où elle va essayer son style dans le registre de la violence, « increpant » la Fortune et les ennemis que celle- ci lui a suscités... Elle a écrit à titre (feint ?) d’épouse et d’amoureuse le premier Livre de ses Angoysses ? Voici qu’elle revêt avec entrain une persona masculine pour écrire les Livres II et III, « parlant en la personne de son amy Guenelic » (et cela jusqu’aux pires invraisemblances, car ce n’est pas la vraisemblance qui l’intéresse, mais le plaisir de cette écriture protéiforme). Ailleurs, elle ira jusqu’à se glisser dans le personnage du preux Quezinstra, pour narrer sa descente aux Enfers. Et même, dans le « Songe », ses « interlocutions » lui permettront (assez gauchement) de faire parler et débattre toutes sortes de personnages allégoriques. Hélisenne est le narrateur caméléon, et enivré de l’être.