Entre texte antique et image médiévale
Christiane Raynaud
Christiane Raynaud, "Entre texte antique et image médiévale", dans Médiévales, année 1986, volume 5, numéro 10, p. 103-114.
Extrait de l’article
Dès le début du XIVe siècle se manifeste un grand intérêt pour le monde antique et en particulier pour l’histoire romaine, riche d’enseignements et d’exemples. Le mouvement amorcé sous Jean II s’épanouit avec Charles V, le « roi lettré ». Ainsi Pierre de Bressuire, prieur de Saint-Eloi, travaille de 1354 à 1359 à la première traduction en français de l’Histoire Romaine de Tite Live et l’œuvre de traduction s’accompagne de la construction d’une imagerie. Mais la conversion en images du texte antique n’est pas une pure et simple transcription car l’image a un langage qui lui est propre et le passage d’un langage à l’autre peut provoquer coïncidence, transposition, discordance. Alors que la lecture d’un texte est linéaire, l’image communique un savoir global et, si l’on veut ne pas passer à côté des significations essentielles, il faut dépasser l’impression immédiate, chercher une interprétation. Le manuscrit 777 de la bibliothèque Sainte-Geneviève n’est pas l’exemplaire de dédicace de la traduction de Pierre de Bressuire, destiné à Jean II, mais une copie pour Charles V. Le manuscrit, daté des années 1370, comporte 434 feuillets. Le texte a été transcrit par plusieurs mains, sur deux colonnes de 53 lignes chacune. Le manuscrit est enrichi de 41 miniatures. Deux grandes peintures sont attribuées au plus ancien maître de la Bible de Jean de Sy. La première, folio 7, est divisée en neuf médaillons figurant l’histoire de Rome des origines à la mort de Romulus ; les 39 vignettes qui illustrent le texte sont du même atelier. La traduction comprend tout ce que l’on connaissait alors de l’Histoire Romaine de Tite Live, c’est-à-dire la première et la troisième décades complètes et les huit premiers livres de la quatrième.