La construction biographique du souverain carolingien
Dominique Iogna-Prat
Iogna-Prat, Dominique, La construction biographique du souverain carolingien, dans Annexes des Cahiers de linguistique et de civilisation hispaniques médiévales, 2003, Vol. 15, p. 197-224.
Extrait de l’article
Dans les premiers siècles de l’histoire de l’Église, l’ancrage ici-bas de la communauté chrétienne est un problème secondaire et largement négligé. La Cité terrestre n’a de raison d’être que d’ouvrir au plus vite vers une humanité bienheureuse impossible à localiser et inaccessible aux représentations. Le lieu d’assemblée d’appellations diverses : maison du Seigneur, basilique, église… n’a pas de valeur en lui-même et le rituel de consécration de cet espace chrétien reste longtemps minimal, se résumant à une première messe. L’Église est un édifice spirituel constitué de l’assemblage des pierres vivantes que sont les disciples du Christ. Dans ses sermons de dédicace, Augustin soutient qu’en la circonstance ce sont les fidèles réunis que l’on édifie en vue d’une consécration dans l’au-delà. Quatre siècles plus tard, à l’âge carolingien, l’Église a gagné en visibilité terrestre et la consécration du lieu de culte est devenue une cérémonie riche et complexe dont les exégètes s’efforcent de pénétrer les mystères, spécialement le fait que le contenu (la communauté chrétienne) se réalise dans le contenant (le bâtiment). Dans le cadre de l’édification d’un empire chrétien, on se préoccupe de la signification ecclésiologique des grandes réalisations monumentales, auxquelles s’affairent aussi bien les souverains constructeurs que les clercs consécrateurs. C’est aux premiers et à leurs rapports avec les seconds sur le terrain des « constructions » ecclésiales (matérielles et institutionnelles) qu’est consacrée cette étude intitulée, avec un brin d’ambiguïté, « la construction biographique du souverain carolingien ».